Culture

Quel festival a le plus d'exclusivités?

Et pourquoi vous entendrez Shaka Ponk, Stuck in the Sound et Metronomy un peu partout sur la route des festivals cet été.

<a href="http://www.flickr.com/photos/52252542@N02/4816299066/">Shaka Ponk @ La Guerre du Son </a> / Luciole-GDS via FlickrCC <a href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/2.0/deed.fr">Licence by</a>
Shaka Ponk @ La Guerre du Son / Luciole-GDS via FlickrCC Licence by

Temps de lecture: 6 minutes

Pour vous aider à choisir parmi le florilège de festivals prévus pour cet été, qui s'ouvre ce vendredi 22 juin avec Solidays, nous avons cherché à définir quel festival avait le plus fort taux d’exclusivités en France. Logiquement, ce sont les festivals avec une programmation indépendante qui trustent le haut du classement. En tout cas le top trois: Midi Festival (100%), Pantiero (90%) et Calvi on The Rocks (88%).

Car si Rock en Seine se place quatrième (84,91%), c’est sans doute parce que le festival souhaitait se démarquer pour ses dix ans. Les gros festivals (Arras 55,81%, Solidays 33,33%, Beauregard 39,39%) sont quant à eux relégués en seconde partie de classement.

Le calcul pour définir le taux d’exclusivité est simple. Si un artiste est programmé plusieurs fois, son indice d’exclusivité sera de 0, s’il n’est programmé que dans un festival il aura un taux de 1. Pour le détail, cliquez ici.

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Les artistes cumulards

Vous aurez du mal à rater certains artistes cet été, car ils sont présents dans environ la moitié des festivals. En tête de liste, le groupe français Shaka Ponk, qui arrive largement premier, puisqu’il est programmé pas moins de huit fois. Le groupe n’a pas de nouvel album à défendre depuis The Geeks and the Jerkin' Socks, sortie en 2011, mais il surfe encore sur son succès.

Les sept membres sont «des bêtes de scène», explique Anousonne Savanchomkeo, responsable artistique et communication du site spécialisé dans les concerts GrandcrewIls ont fait plusieurs Zénith, et ils sont très impliqués auprès de leurs fans.» Emilie Davaine, tourneuse de Shaka Ponk (Zouave Prod) confirme «ils ont été très demandés, mais il y a pas mal de kilomètres et de distance entre les dates». «Il ne faut pas faire d’overdose, ajoute-t-elle, c’est mauvais pour le groupe comme pour les festivals

Le quatuor parisien Stuck In The Sound les suit de près, puisqu’ils seront présents, cet été, dans sept programmations. Même analyse que pour le groupe précédent, ce sont des bêtes de scène. Et comme le souligne Anousonne Savanchomkeo, «en rock français, c’est très dur de trouver de bons groupes. En plus, ils ont un joli succès qui draine du monde».

En ce qui concerne les quatre anglais de Metronomy, leur présence dans six festivals le laisse plus perplexe:

«On a tous l’impression qui sont passés dix fois dans chaque ville. C’est la limite de la programmation. Un peu comme les Black Keys a un moment. Il y a un manque d’audace des programmateurs, il faut des noms qui ramènent du monde.»

Emilie Davaine est plus mesurée:

«Metronomy est un groupe étranger, ils viennent beaucoup moins en France. Et si on regarde bien, ils font les points cardinaux de la France. Ils font le plus gros festival du coin, celui qui va rapporter le plus de monde.»

Parmi les cumulards, on retrouve également le rappeur français Orelsan, qui après les polémiques surfe sur ses deux Victoires de la musique (Artiste révélation du public de l’année et Album rap de l’année).

Un peu comme Izia en 2010 qui, après avoir remporté deux Victoires de la musique a enchaîné les festivals. «Tout le monde la voulait», dit Samuel Capus, son tourneur (Bleu Citron). Après une troisième Victoire de la musique cette année (album rock de l’année), c’est une artiste qui pèse en billetterie, elle jouera donc encore cet été cinq fois en festival. Tout en faisant «attention à ne pas jouer dans la même zone. Il ne faut pas qu’elle soit trop vue», explique son tourneur.

Car la programmation d’un artiste dépend également de son envergure. Prenons 1995, le dernier groupe de rap français du moment, qui cherche à conquérir un autre public que les 15-20 ans, d’après Samuel Capus, leur tourneur. Ce dernier va donc vouloir «qu’ils fassent un max de dates»: «On est sur du développement avec eux, il y a un potentiel sur un autre public.»

L’exclusivité, ça compte?

Si vous n’êtes pas un grand fan de musique, mais que vous aimez les festivals pour l’ambiance bon enfant, qu’un artiste soit en exclusivité dans tel ou tel festival n’a que peu d’importance, vous choisirez sûrement celui qui est le plus proche de chez vous, en vous satisfaisant de la programmation.

Pour ce qui est des fans hardcores, ils sont prêts se déplacer pour leur star, peu importe le nombre de kilomètres. Certains sont même prêts à faire tous les festivals où leur idole jouera. Mais si celle-ci ne se produit que dans un festival, c’est ce dernier qu’ils choisiront, simplement pour une tête d’affiche, donc.

Il y a ensuite les fans de musique qui aiment aller de festival en festival: c’est pour ces derniers que l’exclusivité peut avoir son importance puisque de nombreux festivals sont programmés en même temps (Main Square/Eurockéennes, Beauregard/Les Déferlantes, Musilac/Francofolies, Pantiero/Route du Rock): si un nom est présent dans une programmation et pas dans l’autre, le choix sera simplifié. Sans compter que voir à plusieurs reprises un artiste dont on a que faire peut rapidement rendre allergique.

Puis il y a les fidèles, ceux qui font confiance au programmateur. C’est le cas pour un festival comme la Route du rock, explique Anousonne Savanchomkeo:

«Le public y va pour la cohérence de la programmation, qui est plus qualitative que quantitative. C’est un public de connaisseurs et de fidèles.»

Enfin, il y aussi le bonheur de pouvoir se vanter à son retour de festival d’avoir vu tel artiste. Si c’est le cas de tout le monde, l’effet sera diminué. Ce que confirme le sociologue de la culture Jean-Marc Leveratto:

«L’exclusivité n’est pas propre aux festivals mais elle sort de la consommation ordinaire, ce qui justifie des dépenses extraordinaire pour l’avoir.» 

L’exclusivité, le but des festivals?

«La concurrence se fait sur la base de singularité», ajoute-t-il encore. Sauf qu’une exclusivité pour un festival coûte cher: les cachets peuvent doubler voire tripler, explique François Floret, directeur et programmateur de la Route du Rock. Il avoue avoir «pété les plombs financièrement» en programmant The Soft Moon, un groupe de post-punk américain, cette année.

Pas d’ordre de prix mais on est prêt à parier qu’on est loin du million dépensé par les Vieilles Charrues pour Bruce Springsteen en 2009 ou par les Eurockéennes pour Jay-Z en 2010 –qui s’en étaient par la suite mordu les doigts en attirant moins de monde que prévu. Au final, seuls les gros festivals (type Arras, Solidays, Eurockéennes, Les Vieilles Charrues) peuvent se le permettre, surtout à cause de la concurrence avec les festivals espagnols ou anglo-saxons qui nivellent les prix par le haut.

Pas tant parce que la musique marche mieux là-bas, mais parce qu’ils peuvent être sponsorisés par des marques d’alcool. Or, en France, on ne peut pas communiquer sur l’alcool, comme le rappelle Emilie Davaine. Les Français essaient de baisser les prix en expliquant qu’ils n’ont pas les mêmes sponsors, ni le même public, mais cela parfois cela ne suffit pas. C’est pourquoi nous avons été privés des Strokes en festival, l’année dernière.

Pour les festivals plus modestes, il s’agit alors d’opter pour une programmation un peu décalée ou en partageant les frais d’exclusivité, comme l’explique François Floret. Deux dates peuvent être une exclusivité si elles sont espacées et qu’il y a une séparation géographique. Ainsi, en 2009, rappelle Anousonne Savanchomkeo, les Kills étaient en exclusivité à la Route du Rock et aux Eurockéennes puisqu’ils jouaient dans deux festivals à l’opposé géographiquement et à quasiment deux mois d’intervalle.

Au final, l’exclusivité sert surtout aux festivals, afin de sortir du lot, car il n’y en a jamais eu autant en France, analyse Mathias Riquier, journaliste chez Tsugi. «Il y a une concurrence de fou, ajoute-t-il encore, n’importe quel festival qui arrivera à faire venir un gros nom va en bénéficier». Ce qui étonne alors, c’est qu'ils ne communiquent pas plus dessus, qu’aucune affiche (à ma connaissance) ne mentionne l’exclusivité chèrement payée.

Selon François Floret, l’information est relayée dans la communication des festivals. Pour Emilie Davaine, les festivals communiquent surtout une programmation d’ensemble, même si ce sont les têtes d’affiches qui sont dévoilées en premières et qui seront mentionnées en plus gros sur la programmation. Ce que confirme Anousonne Savanchomkeo:

«Il faut qu’il vendent l’ensemble, ils ont une programmation entière à assumer et à soutenir.»

Il n’empêche que les festivals ont du mal à se différencier les uns des autres, les grosses têtes d’affiche se répètent souvent. Mais si vous voulez voir Bob Dylan, il n’y a qu’aux Vieilles Charrues que vous pourrez entendre l’idole  (on ne veut pas savoir combien ils ont dépensé pour le faire venir).

Pour les plus pointus, le rock indépendant de The Walkmen ne résonnera que dans le fort de la Route du Rock. Et Natasha Khan, la belle chanteuse de Bat for Lashes, n’ensorcellera que le festival Musilac, à l’instar de Beach House à Rock en Seine. 

Delphine Dyèvre

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