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Microsoft: vive les techniciens de Surface!

La nouvelle tablette de Microsoft est peut-être enfin la rivale de l’iPad que le monde attendait.

La tablette Surface, de Microsoft, présentée le 18 juin2012 à Los Angeles. REUTERS/David McNew
La tablette Surface, de Microsoft, présentée le 18 juin2012 à Los Angeles. REUTERS/David McNew

Temps de lecture: 3 minutes

J’adore Surface. Et ce alors même que je n’en connais pas grand-chose. Lors d’une conférence de presse top-secret organisée à Los Angeles lundi 18 juin, j’ai eu le droit de ne passer que 1 minute 30 avec la nouvelle tablette de Microsoft. Et même ce très court moment a été limité. On ne m’a laissé toucher l’appareil qu’éteint. Les représentants de Microsoft montraient volontiers la tablette, mais ne m’ont pas laissé l’utiliser.

Le mystère reste encore presque entier autour de Surface. Microsoft ne veut pas nous dire son prix; il accepte simplement de dévoiler qu’il sera «comparable» à celui d’autres tablettes. Nous ne savons pas quand elle sera lancée (l’entreprise a laissé entendre que ce serait d’ici la fin de l’année). Nous ignorons aussi totalement si des développeurs vont lui créer des applis cools, ou si la qualité du produit se maintiendra quand Microsoft commencera à le fabriquer en grandes quantités, et nous ignorons si —comme beaucoup de rivaux avides de supplanter l’iPad— Surface s’avèrera être un nid à virus.

Et pourtant, malgré toutes ces inconnues, je suis déjà totalement envoûté. Pas parce que Surface est géniale —même si on dirait bien qu’elle le sera— mais parce qu’elle représente une force nouvelle et potentiellement puissante dans l’industrie des nouvelles technologies.

Pour la première fois de son histoire, Microsoft prend le matériel autant au sérieux que le logiciel. Ce géant du software reprend à son compte une maxime qui a toujours été chère à son ennemi juré, Steve Jobs: les meilleures technologies naissent de l’intégration étroite du code et de la fabrication, et nulle entreprise ne peut se permettre de ne se concentrer que sur la moitié de cette équation.

Microsoft prend son avenir en mains

On ne sait pas encore si la nouvelle tablette de Microsoft représentera une menace sérieuse pour la position dominante de l’iPad. Probablement pas, en tout cas pas dans sous sa première forme, surtout étant donné l’énorme avance d’Apple sur le marché. Mais quel que soit son destin, quiconque aspire à l’existence d’une industrie informatique dynamique ne pourra qu’applaudir l’initiative de Microsoft.

Depuis deux ans, l’entreprise de logiciels travaille à rendre sa prochaine version de Windows incroyablement fonctionnelle sur les tablettes tactiles. Elle y a même peut-être un peu trop bien réussi —si bien, en fait, que je me suis inquiété à l’idée que Windows puisse être un cauchemar sur PC et sur ordinateurs portables.

Mais après avoir tant investi pour créer une excellente interface pour tablettes, Microsoft risquait de perdre la bataille du hardware. Beaucoup de ses partenaires traditionnels —Samsung, Asus, Dell et HP— ont déjà tenté de rivaliser avec Apple avec des tablettes bâclées, faites à la va-vite et sans grands moyens. Microsoft aurait été bien mal avisé de compter sur cette bande de losers pour créer des tablettes dignes du nouveau Windows. Avec Surface, l’entreprise prend son avenir en main.

Mais attendez, me direz-vous. On n’a pas déjà vu ça quelque part? Vous souvenez-vous de Zune? Est-ce que ce n’était pas la même histoire —voulant en vain rivaliser avec l’iPod d’Apple dans le domaine unique du logiciel, Microsoft avait créé son propre baladeur en 2006, et n’avait pas tardé à se ramasser. Pourquoi en serait-il autrement cette fois-ci?

Parce que Zune n’était qu’un produit tardif, une copie qui n’essayait pas d’ouvrir un chemin différent de celui d’Apple. Surface semble être un appareil bien plus réfléchi.

Microsoft a de toute évidence consacré beaucoup de temps à faire en sorte que cet objet ait une apparence et un toucher parfaits. Surface n’est pas tape-à-l’œil —de l’extérieur il est moins somptueux que le nouvel iPad— mais il est délicieusement fonctionnel. Un support invisible y est intégré, et, mieux encore, Microsoft a créé un étui ingénieux à l’intérieur duquel figure un clavier «sensitif». S’il fonctionne bien, le clavier —que j’ai pu inspecter à loisir sans pour autant pouvoir taper avec— sera l’attraction vedette de Surface.

Si, si, si, si

Beaucoup de gens sont frustrés par l’iPad parce que taper avec est une véritable corvée. Ils veulent l’utiliser comme un ordinateur de bureau à part entière, mais se retrouvent coincés par la méthode de saisie. Il existe une foule de claviers d’autres fabricants à adapter à l’iPad, mais aucun aussi fin et bien fichu que celui de Microsoft. Si Surface et le clavier fonctionnent bien ensemble —et si Microsoft vend son appareil comme une tablette qui vous permet de travailler— cela pourrait bien faire un tabac.

Ça fait beaucoup de «si». Dans un certain sens, l’essentiel n’est pas de savoir si Surface va remporter un succès immédiat. Pour moi, le plus intéressant n’est pas l’appareil lui-même, mais ce qu’il nous dit de Microsoft. Alors que toute une série de cadres montaient sur scène pour décrire la tablette, j’ai été frappé par le nombre d’entre eux qui se répandaient sur la complexité des processus impliqués dans sa fabrication. Ils ont évoqué les tonnes de prototypes nécessaires pour parfaire chaque petit angle. Ont parlé du recours à un système «d’infusion de métal liquide» pour créer la structure interne de l’appareil. Ils ont même eu recours à une «chambre anéchoïque» insonorisée pour analyser le bruit que fait le support de la tablette quand on le referme d’un coup. Les ingénieurs voulaient un son qui évoque la qualité —comme celui de la portière d’une voiture européenne de luxe qui se referme, ou du fermoir d’un bijou cher.

Jusqu’à aujourd’hui, dans l’univers des nouvelles technologies, une seule entreprise parlait de façon si obsessionnelle des procédés de fabrication des objets physiques. C’était celle de Steve Jobs, pas celle de Steve Ballmer.

Avec Surface, ça change. Enfin, l’industrie informatique voit apparaître une vraie rivalité dans le secteur du hardware. Et que Surface remporte ou pas la partie, au moins Microsoft est-il enfin entré en piste.

Farhad Manjoo

Traduit par Bérengère Viennot

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