Culture

Dallas revient et, heureusement, JR est toujours en colère

JR et Sue Ellen font leur retour sur le petit écran, aux côtés d’une jeune génération non moins conflictuelle. Voici l’univers du Dallas des années 1980 magnifiquement revisité.

JR Ewing (Larry Hagman) son fils John Ross Ewing (Josh Henderson). Zade Rosenthal/TNT.
JR Ewing (Larry Hagman) son fils John Ross Ewing (Josh Henderson). Zade Rosenthal/TNT.

Temps de lecture: 4 minutes

Il était une fois dans l’Ouest américain, Dallas. Diffusée en France de 1981 à 1992, cette série qui a battu des records d’audience ne se saurait se résumer au monde imaginaire des années 1980 qu’elle a créé. De vulgaire soap opéra, presque alimentaire, destiné à la culture de masse, Dallas a été élevé au rang d’institution.

C’est amusant de se l’imaginer comme une peinture panoramique: le paysage typique des séries «western», à l’image de Bonanza ou Giant et d’un George H.W. Bush qui trempe dans le pétrole, avec quelques touches de kitsch et un ton on ne peut plus mélo.

Dans son grand apparat de la fin des années 1970, Dallas, c’est l’interminable conflit entre le bien et le mal, l’honnête et le sournois; une histoire de chapeaux blancs, de liens de sang sur fond d’activités pétrolières. Comme dans la série Dynastie réalisée par Aaron Spelling, les années 1980 –la nouvelle esthétique du pouvoir et de la cupidité– étaient vénérées. Et les téléspectateurs ont à leur tour vénéré Dallas.

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Et puis, peu à peu, le vent a tourné. Les séries qui passaient en prime time ont essayé de nouveaux décors (des cabinets d'avocats, des hôpitaux, le Peach Pit, la belle villa du Bachelor, etc.). Jusqu’à ce qu’en 1991, Dallas se conclue sur un «boum». Celui de JR Ewing (Larry Hagman) se faisant tirer dessus! Et faisant honneur à une technique narrative baroque, ouvrant la voie à Lost.

Jeunes téléspectateurs, savez-vous seulement que Dallas est le feuilleton qui, dans l’histoire de la télévision, a le plus abusé des séquences où «ce n’était qu’un rêve»?

On a affaire à une approche qui consiste à dire et aussitôt démentir, comme en témoigne cette scène où le vertueux Bobby Ewing, torse nu, nous assure que la saison 9 n’est que le fruit de l’imagination de sa femme. [Il sera plus tard assassiné]. Dans cet article datant de 1991, le journaliste Bill Carter parle du soi-disant épisode final:

«Peut-être J.R. s’est-il tiré une balle cette fois, c’était l’idée générale. Mais peut-être qu’il s’est seulement blessé, de nouveau. Ou qu’il a seulement fait un trou dans son cardigan préféré (…) Visiblement, la série voulait se garder une possibilité de suite au cas où, un jour, le public réclamerait bruyamment le retour de JR.»

Eh bien, voilà qu’il ressurgit, ce vieux démon, accompagné des autres membres de la famille Ewing dans le nouveau Dallas (depuis le 14 juin, la série est disponible sur MyTF1VOD). Certes, ce n’est pas la série télé la plus subtile –j’ignore quel genre de personne organise un rendez-vous secret au centre d’un terrain de foot américain–, mais je parie que le nouveau Dallas, la suite de l’original, fera mouche.

Succès garanti, surtout dans les maisons de retraite

Je suis sûr que audiences les plus fortes seront enregistrées dans les maisons de retraite un peu partout. Les tons terreux des paysages, les vieilles vedettes faisant leur réapparition, notamment Patrick Duffy (qui interprète Bobby Ewing) et Linda Hunt (Sue Ellen), seront des amis retrouvés. C’est le succès garanti, et le public pardonnera volontiers les quelques inélégances de style.

Avez-vous suivi attentivement toutes ces scènes? Le fils odieux de JR (John Ross Ewing, joué par Josh Henderson) folâtrant avec sa chérie dans une fontaine de pétrole; le diagnostic de cancer secret de Bobby («Mon fils se marie dans quelques jours, je ne veux pas qu’il ait à porter ça.») et tout cet univers interne bizarre… Jordana Brewster incarne Elena Ramos, la fille de la cuisinière, qui serait peut-être encore amoureuse du fils adoptif de Bobby (Christopher Ewing, interprété par Jesse Metcalfe), mais qui est actuellement en couple avec JR, lequel veut qu’elle espionne la start-up d’énergie alternative de Christopher qui a accidentellement provoqué un séisme en Chine; JR lui demande également d’être demoiselle d’honneur au mariage de Christopher et Rebecca Sutter (Julie Gonzalo)…

Si vous vous êtes perdus en cours de route et ne comprenez plus tout ce qui se joue dans le ranch familial et autour, cette première scène où interviennent John Ross et JR vous aidera sans doute un peu.

J.R. – grand geste satanique vers les longs poils gris de ses sourcils – visiblement très affaibli, se repose dans une belle chambre d’établissement de soins haut de gamme. Depuis tant d’années qu’il a été victime d’un coup de feu, son fils fouineur John Ross ne lui a jamais rendu visite. Mais les enjeux familiaux sont devenus si importants que ce dernier s’est résolu à venir lui parler: «Papa, Bobby vend Southfork à une association écologique».

Puis, il poursuit en lui expliquant comment il a découvert 2 milliards de barils de brut sous le ranch ancestral et a demandé une ordonnance afin d’annuler le testament de sa grand-mère. Bla, bla, bla… revenant sur des choses qu’on a entendues plus d’une fois. Si vous n’êtes pas toujours captivés par ce qui se passe dans la série, elle veille à vous répéter les choses, dès fois que vous auriez «loupé un épisode».

Haterz gonna hate

JR, qui était jusque-là quasi comateux, déborde subitement de vitalité: «Bobby a toujours été stupide (…)». Il a maintenant teint hâlé, la mine reposé et se prépare déjà à manigancer quelque chose. Il parle de son neveu adoptif comme d’un «enfant trouvé», comme ceux mis en scène dans les romans à quatre sous. Il demande à ce qu’on lui apporte du Jell-O rouge et se délecte à prendre une voix éraillée pour raconter à son fils comment il compte s’y prendre pour gagner la bataille contre les mauvaises têtes de sa famille: «Les tribunaux, c’est pour les petits joueurs. Nooon, là c’est une affaire personnelle.»

L’acteur sait que le public veut le voir mordre! Alors, c’est exactement ce qu’il fait, en donnant en plus le sentiment que c’est croustillant et très savoureux.

Larry Hagman s’éclate, comme d’habitude. Trente ans après l’épisode du coup de feu qui a fait exploser l’audimat (aux USA, seul le dernier épisode de M*A*S*H a enregistré de meilleurs scores d’audience) et malgré l’acquisition de quelques rides, JR reste un grand gaillard redoutable. Parce qu’il est si détestable, c’est un homme qu’on finit paradoxalement par aimer. Clive James a écrit, à propos de l’accroche finale «Qui a tiré sur JR?» à la fin de la saison 3 (épisode 25 «Le départ»):

«On pouvait être certain d’une chose: pas sûr que ce soit Sue Ellen l’auteure du coup de feu tiré sur JR. Ceux qui auraient voulu avoir cet honneur faisaient la queue dans le couloir.»

Pour beaucoup de téléspectateurs, c’est simple: si nous aimons JR, c’est parce qu’il nous a appris à aimer éprouver de la haine.

Troy Patterson

Traduit par Micha Cziffra

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