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US Open: Faut-il marcher pour jouer au golf?

Un joueur malade qui utilise une voiturette n'est pas un gros avantage.

Casey Martin sur le parcours de l'Olympic Club de San Francisco, le 14 juin 2012. REUTERS/Robert Galbraith
Casey Martin sur le parcours de l'Olympic Club de San Francisco, le 14 juin 2012. REUTERS/Robert Galbraith

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Conséquence de l’alternance cote Est-cote Ouest, l’US Open de golf, après Washington en 2011, se tient ce week-end à San Francisco sur l’impressionnant Lake Course de l’Olympic Club qui avait déjà accueilli ce tournoi du Grand Chelem voilà 14 ans.

C’est un parcours d’une difficulté extrême —une sorte de signature traditionnelle de l’US Open— avec six premiers trous jugés comme une sorte de test suprême et un trou n°16, d’une distance de 612m, le plus long jamais joué dans cette épreuve.

L’US Open est à la fois un tournoi majeur ouvert aux stars et aux anonymes —ceux qui ont réussi à gagner leur place parmi les 156 joueurs au terme de différentes épreuves éliminatoires. Les deux premières journées de ce cru 2012 offrent ainsi aux spectateurs et aux télévisions un très beau casting lors d’une partie réunissant trois champions médiatiques, les deux rivaux éternels, Tiger Woods et Phil Mickelson, associés à Bubba Watson, le fantasque vainqueur du dernier Masters qui, jeudi, a signé un catastrophique +8 et a décrété que «le parcours était trop dur pour lui».

Jolie pirouette de cette édition, un autre joueur attire aussi vers lui le feu des projecteurs: Casey Martin, 52e au terme de la première journée avec un score de +4. Casey Martin, âgé de 40 ans, est un inconnu du grand public, mais sa participation à cet US Open, obtenue lors d’un tournoi de qualifications voilà quelques jours dans l’Oregon, a entraîné, s’il vous plaît, un tweet de Tiger Woods qui l’a salué d’un tonitruant: «Simply incredible. Ability, attitude and guts. See you at Olympic Casey.»

Une voiturette pour se déplacer

Tiger Woods connaît Casey Martin depuis son passage à l’Université de Stanford où ils se sont côtoyés. A l’aube de cet US Open, il a même partagé une partie d’entraînement en compagnie de ce joueur qui avait été la sensation de l’US Open en 1998 lorsque celui-ci s’était justement déroulé à l’Olympic Club de San Francisco.

Cette fois, au-delà de l’accueil sympathique qu’il a reçu, Casey Martin ne fait pas complètement l’événement contrairement à il y a 14 ans où il s’était retrouvé au cœur d’une tempête médiatique d’une nature étrange. Il n’empêche. Il jouit encore d’une belle couverture médiatique que d’autres professionnels doivent lui envier. Il a eu droit, par exemple, aux honneurs d’une conférence de presse avant même d’avoir tapé sa première balle.

En effet, Casey Martin n’est pas un concurrent comme les autres: il joue en bénéficiant de l’aide d’une voiturette sur le parcours contrairement à ses 155 compagnons de cet US Open. Cette particularité est due au fait qu’il est victime d’une rare maladie circulatoire —le syndrome Klippel-Trenaunay-Weber— l’empêchant de pouvoir utiliser normalement sa jambe droite sur de longues distances.

Ce handicap était déjà le sien en 1998 quand, à l’âge de 26 ans, il avait déjà décroché son billet par le biais des phases qualificatives alors qu’il était en guerre avec le PGA Tour, le circuit professionnel américain, qui voulait l’empêcher de bénéficier de l’avantage du véhicule par rapport à ses adversaires.

Cet US Open s’était retrouvé plongé dans une crise malsaine à cause de cette affaire qui avait fait grand bruit à l’époque, de grands champions comme Jack Nicklaus et Arnold Palmer ayant été obligés d’aller témoigner contre lui devant un tribunal saisi pour l’occasion pour affirmer que le fait de marcher était partie intégrante de ce sport et influait sur le sort d’une partie notamment en cas de forte chaleur.

Fatigue des fins de parcours et lucidité

Tiger Woods avait indiqué aussi qu’il ne partageait pas forcément l’avis et la demande de son ancien copain d’université.

Quiconque a joué au golf sait, c’est vrai, qu’après trois heures passées sous la canicule, les jambes et l’esprit flageolent au détriment de la lucidité lorsque vient le temps de disputer les derniers trous.

Pourtant, Casey Martin avait eu gain de cause devant la justice. Il avait pu participer à cet US Open 1998, qu’il avait terminé à une brillante 23e place, et il avait réussi à obtenir sa carte sur le PGA Tour. Ce fut le seul tournoi majeur qu’il joua dans sa carrière qu’il termina en 2006 sans avoir réussi à remporter le moindre tournoi –sa meilleure place sur le circuit principal fut une 17e place. Depuis, il est devenu entraîneur de l’équipe de l’Université de l’Oregon.

Le cas Casey Martin a fait jurisprudence sans pour autant multiplier les incidents au cours des dernières années. Sur le circuit professionnel, rares ont été les demandes de voiturette. Erik Compton, victime d’une transplantation cardiaque en 2008, en eut besoin l’espace de six mois, mais il est resté une exception.

En 2001, au terme d’une très longue procédure judiciaire, la Cour Suprême des Etats-Unis avait donné définitivement gain de cause à Casey Martin par sept voix contre deux. Dans les attendus motivant sa décision, les juges indiquèrent notamment en se référant à l’un des plus vieux textes liés aux règles du jeu et datant que 1774 que le golf consistait avant tout à «taper dans une balle» (il est vrai qu’à l’époque les voiturettes n’étaient pas franchement d’actualité).

Marcher serait meilleur pour la performance

Si les voitures électriques sont prohibées pendant les grands tournois professionnels, elles peuvent être utilisées lors de tournois amateurs à partir du moment où le règlement de l’épreuve le permet. Sinon, elles sont désormais généralisées sur les parcours où elles sont très prisées, histoire notamment d’accélérer le rythme des parties.

Aux Etats-Unis, une récente enquête a indiqué que plus de 90% des joueurs avaient recours à un «cart» pour se déplacer d’un trou à l’autre –beaucoup de clubs encouragent cette pratique en raison des revenus supplémentaires occasionnés grâce à la location de ces voitures électriques.

Au-delà de ce qu’a dit la Cour Suprême des Etats-Unis, le golf consiste-t-il seulement ou essentiellement à taper des balles? Le plaisir d’un parcours est-il le même si l’on se prive du défi physique d’une promenade sac sur le dos qui dure au minimum cinq kilomètres?

C’est évidemment à l’appréciation de chacun et ces interrogations nous ramènent toujours à l’éternelle question: le golf est-il un sport ou un jeu? Dans une étude américaine, un chercheur avait «prouvé» que les résultats des joueurs étaient meilleurs lorsqu’ils marchaient plutôt que lorsqu’ils se transportaient d’un coup à un autre. Selon lui, davantage de calories étaient aussi brûlées surtout lorsque les joueurs faisaient l’effort de porter leur sac et n’avaient pas recours à un «caddie».

En 2008, une enquête suédoise avait, elle, «démontré» que les golfeurs du pays vivaient cinq ans de plus que la moyenne du reste de la population avec cette précision que presque tous les joueurs optent pour la marche dans cette partie du monde. Et vous?

Yannick Cochennec

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