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Depuis quand appelons-nous les gens connus par trois initiales?

Depuis que Franklin Delano Roosevelt s'est fait appeler «FDR» et que tout le monde l'a imité...

Dominique Strauss-Kahn et Francois Pupponi à Sarcelles, le 6 mai 2012. Gonzalo Fuentes / Reuters
Dominique Strauss-Kahn et Francois Pupponi à Sarcelles, le 6 mai 2012. Gonzalo Fuentes / Reuters

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Les Kennedy font à nouveau les gros titres —aujourd'hui, c'est au tour de RFK Jr. Cette formulation en trois initiales, commune dans la famille Kennedy depuis les années 1960, a récemment été utilisée dans les médias pour parler de l'homme politique français Dominique Strauss-Kahn (DSK), d'Oussama ben Laden (OBL) et même du basketteur LeBron James (qu'on appelle souvent LBJ, bien que son deuxième prénom soit Raymone). Depuis quand appelons-nous les gens connus par trois initiales?

Depuis que nous (Américains, NDLE) avons élu un président nommé FDR. Son nom complet était, bien sûr, Franklin Delano Roosevelt, mais c'était un nom à coucher dehors. Et, chez les Roosevelt, se nommer par ses initiales relevait d'une tradition familiale, probablement parce qu'ils étaient nombreux, dans le clan, à partager le même prénom. (On compte plusieurs générations de James Roosevelt, par exemple).

Abréviation commode pour les journaux

La mère de FDR, Sara Delano Roosevelt, se faisait parfois appeler SDR. Et le lointain cousin de Franklin, Theodore Roosevelt, est peut-être le premier président à avoir été désigné dans la presse par ses initiales, qui n'étaient en l’occurrence que deux. La formule «TR» remonterait à l'époque où il était chef de la police de New York, dans les années 1890, principalement parce que les tabloïds trouvaient «Roosevelt» trop compliqué —ses amis l'ont toujours appelé «Theodore». H.L. Mencken fait aussi remarquer qu'à l'époque de TR, la presse appelait aussi certains Premiers ministres britanniques par leurs initiales, à l'instar de Campbell Bannerman («CB») et de Lloyd George («LG»).

Mais pour Franklin, le surnom a été utilisé dès sa naissance: sur une carte annonçant son arrivée dans le monde, le 30 janvier 1882, on pouvait voir une cigogne transportant un balluchon marqué des initiales «FDR». Le jeune Franklin appréciait visiblement cette appellation, puisqu'à neuf ans, il signait «FDR» une lettre envoyée à un ami. Pour les journaux, l'abréviation était bien commode car il y avait déjà eu un Président Roosevelt. («FDR» apparut dans le New York Times dès la première année de son mandat présidentiel).

Au sein du New Deal, de nombreux programmes furent aussi désignés par des acronymes à trois lettres (WPA, TVA, SSA, etc.). On peut y voir une coïncidence ou peut-être une tendance culturelle, mais c'est pendant la décennie précédente que des entreprises comme IBM, RCA, NBC et CBS commencèrent à bâtir leur hégémonie. (Les abréviations à trois lettres de titres professionnels comme CEO —PDG en français— et CFO —DAF— virent le jour bien plus tard).

Compte tenu de la popularité de FDR et de sa longévité présidentielle, il n'est pas surprenant que ses successeurs démocrates aient suivi son exemple nomenclatural. Comme FDR, John F. Kennedy n'était pas le premier homme politique d'importance de sa famille. Son père, Joseph Kennedy, avait été président de la SEC sous FDR.

Même le chien de LBJ avait un nom avec les mêmes initiales

Mais l'adepte le plus enthousiaste —et le plus calculateur— de cette convention fut peut-être le successeur de JFK, Lyndon Baines Johnson. Alors membre du Congrès, bien avant de devenir le vice-président de Kennedy, il aurait ordonné à un assistant de toujours l'appeler par ses initiales.  

«FDR-LBJ, FDR-LBJ. Compris? Ce que je veux, c'est qu'ils se mettent à penser à moi en termes d'initiales

Il ne s'est pas arrêté là. Le surnom de sa femme était un bien pratique Lady Bird Johnson, et le couple donna à ses filles (Lynda Bird and Luci Baines) des noms avec les mêmes initiales. Même le chien de la famille s'appelait Little Beagle Johnson.

Depuis, la tendance nominale s'est propagée à d'autres personnalités publiques, à l'instar de Martin Luther King Jr. (il est possible que «King» ait été trop générique pour les titreurs de presse en mal d’abréviations), mais a complètement disparu chez les présidents avec Richard Nixon. Il intitula sa autobiographie RN, mais la presse se contentait en général d'utiliser son nom complet.

Will Oremus

Traduit par Peggy Sastre

Bonus: et en France?

Au-delà du seul cas DSK, qui a largement traversé les frontières hexagonales, la tradition des trois lettres s'est imposée en France, soit que la personnalité ait un prénom composé (BHL, ou certains journalistes comme FOG —Franz-Olivier Giesbert— ou JFK —Jean-François Kahn), soit que son nom de famille soit lui-même composé. On pense alors à des personnalités politiques comme NKM (Nathalie Kosciusko-Morizet —on évite par là même les risques de fautes d'orthographe) ou NVB (Najat Vallaud-Belkacem). Quand deux lettres sur trois sont identiques, l'alternative consiste à utiliser un chiffre dans le sigle pour se distinguer: rappelons-nous de J2M, surnom officiel de Jean-Marie Messier, qui sera plus tard détourné en J4M puis en J6M

 

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