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«J'attendais autre chose qu’un réceptacle à bébé.»C’est ainsi qu’un de mes amis de 32 ans m’a expliqué pourquoi il sortait avec une femme sept ans plus jeune que lui. Quand il sortait avec des femmes de son âge, le «tic-tac de l’horloge» s’invitait selon lui systématiquement dans la relation. Elles étaient «pressées» et passaient tout de suite en mode «et si on le faisait?» Je me suis d’abord dit qu’il s’agissait là encore d’une idée rétrograde et sans fondement sur les femmes d’un certain âge, du type de celles que l’on voit dans les films comme Very Bad Trip. Je ne dis pas que mon ami a raison, ou que ce qu’il dit est classe, mais maintenant que je suis trentenaire, je dois admettre, même si ça me coûte, qu’il y a peut-être un peu de vrai. Si je ne m’en suis pas rendu compte, c’est parce que je voyais la chose avec mes yeux de femme qui ne veut pas d’enfant, mais il est vrai que je fais figure d’exception dans mon entourage.
Parfois, je ne suis même pas sûre d’avoir une horloge biologique. Les seuls parents que j’envie, ce sont les trentenaires qui ont eu des enfants tôt et qui devraient donc bientôt les voir quitter la maison. Est-il normal de vouloir des enfants juste pour les voir s’envoler? Parce qu’avec toutes ces mères de 30 et quelques années qui bloguent (Heather B. Armstrong, Kelly Oxford, Julie Robichaux et les autres), le soudain babyboom chez les people trentenaires (Sienna Miller, Jessica Simpson, Drew Barrymore, etc.) et ces femmes de plus de 30 ans qui parlent sans cesse de maternité, difficile de ne pas se dire que ne pas vouloir d’enfant à mon âge n’est pas un souci. (Demandez donc à Jennifer Westfeldt ou à Zooey Deschanel.)
Des enfants, pour quoi faire?
La petite fille de 5 ans de l’un de mes amis m’a demandé l’autre jour pourquoi je n’avais pas d’enfant. Je lui ai répondu, sincèrement, que je ne saurais pas quoi faire avec eux. «Il suffit de s’occuper de nous», a-t-elle alors dit. Une phrase qui m’a fait comprendre pourquoi les enfants impressionnaient tant J.D. Salinger. N’empêche, il m’a fallu 32 ans pour apprendre à m’occuper de moi-même, alors les plus de 5 ans pourraient peut-être prendre un moment pour essayer de comprendre pourquoi une vague référence au tic-tac de l’horloge ne suffit pas à me convaincre de consacrer ma vie à prendre soin de quelqu’un d’autre.
Je ne sais pas ce que ça fait de savoir que vous voulez des enfants, mais j’imagine que c’est au-delà de la raison. Mais quand vous n’êtes pas sûre d’en vouloir, des raisons, vous en avez à foison. Les miennes prennent généralement la forme de questions rhétoriques auxquelles il est quasi impossible de répondre.
Et si j’étais une mauvaise mère?
Et si mon bébé était un sociopathe?
Et si je ne pouvais pas payer l’école dans laquelle je veux mettre mon enfant?
Et si notre petit ange prenait le pire de mon petit ami et moi, physiquement, et que c’était donc notre faute s’il était malmené à l’école?
Ces questions «pré-conception» ne semblent pas avoir traversé l’esprit de parents comme la twitteuse canadienne Kelly Oxford, célèbre pour ses commentaires caustiques de 140 signes sur son rejeton, ou comme Adam Mansbach, qui a écrit son livre Dors et fais pas chier après que sa fille de deux ans a refusé, une fois de trop, d’aller au lit. Ces deux-là sont de cette nouvelle génération de parents branchés que l’on aime parce qu’ils racontent l’éducation des enfants comme c’est vraiment. Ce que je pense, c’est qu’ils auraient su avant s’ils avaient pris la peine de se renseigner sur ce que c’est, d’élever des enfants, avant de se lancer.
Je ne me suis jamais définie par rapport à mon sexe
Une de mes amies a décidé à 25 ans qu’elle aurait un bébé avant ses 30 ans, qu’elle ait ou non trouvé l’âme sœur. Lors de son premier rendez-vous avec celui qui est devenu son mari, elle lui a bien fait comprendre qu’elle voulait un enfant, et je crois que quelques semaines ont suffi pour le concevoir. Et puis j’ai assisté récemment à une fête entre trentenaires: personne ne parlait, tout le monde se contentait de s’émerveiller devant le bambin de l’un des invités, occupé à terroriser la tortue de l’hôtesse. Consacrer votre vie à un enfant comme Kolya ou Ponette, c’est une chose, mais dans la vraie vie les enfants sont rarement aussi mignons qu’au cinéma.
Ces enfants terribles ne m’ont pas encore convaincue de me faire ligaturer les trompes, comme l’a fait à 25 ans quelqu’un que je connais. Ni d’annoncer formellement à toute ma famille et à tous mes amis que je n’aurai jamais d’enfant. J’en aurai peut-être. Qui sait, je serai peut-être, comme Madonna, enceinte à 38 ans de mon prof de gym cubain. Ou je déciderai peut-être à 50 ans d’adopter, comme Diane Keaton, parce que je sentirai le souffle putride de la faucheuse dans ma nuque. Ou pas.
Ce qui ne changera probablement pas, c’est que je ne considère pas les bébés comme des miracles. Pas plus que je considère comme particulièrement miraculeux une graine qui devient arbre. Comment être une vraie femme sans donner la vie? Tout ce que je peux dire, c’est que je ne me suis jamais définie par rapport à mon sexe, et que ça n’a pas changé quand j’ai eu 30 ans. Ce qui m’est arrivé à mes 30 ans, c’est que j’ai peu à peu commencé à m’installer. Mais pas dans le sens traditionnel du terme —en tombant enceinte, en faisant un prêt immobilier ou même en me mariant.
Pour moi, m’installer, ça se passe dans ma tête. (S’il y a des bouddhistes parmi vous, c’est ce qu’on appelle la «pleine conscience».) J’ai compris que je voulais partager ma vie avec mon compagnon à distance sans l’intermédiaire de Skype. J’ai compris que je voulais arrêter de réagir toujours si instinctivement. J’ai compris que je ne voulais pas continuer à travailler pour un site Internet à New York, malgré tout le bien que ça a fait à ma carrière, parce que je voulais vraiment écrire, pas réécrire.
«Certains sont simplement féconds d’esprit», disait ma mère.
Et heureusement pour nous, il n’y a pas d’horloge pour ça.
Par Soraya Roberts
Traduit par Aurélie Blondel