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Les boissons énergisantes à nouveau dangereuses

Après trois décès, les autorités sanitaires françaises exhortent les médecins à signaler les «effets indésirables» liés aux «boissons énergisantes» dont ils pourraient avoir eu connaissance.

En Espagne. REUTERS
En Espagne. REUTERS

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Alerte rouge sur Red Bull & C°. Dans la soirée du 6 juin l'Agence nationale de sécurité sanitaire, alimentation, environnement, travail (Anses) a lancé l’alerte: elle venait d’avoir connaissance de plusieurs cas d’«effets indésirables», dont deux nouveaux décès par crises cardiaques «en lien» avec la consommation de «boissons énergisantes».

Des investigations sont en cours pour approfondir le lien entre ces morts subites et la consommation de ces boissons industrielles. L’Anses a précisé qu’un troisième décès similaire lui avait été précédemment signalé et que les effets indésirables sont rapportés «notamment lors de la consommation de ces boissons en association avec de l'alcool». Elle appelle également tous les professionnels de santé à lui transmettre les effets indésirables dont ils pourraient avoir connaissance (via le formulaire de nutrivigilance disponible à l’adresse  www.ansespro.fr/nutrivigilance/.

La situation ainsi créée est radicalement nouvelle. Depuis leur introduction sur le marché dans le sillage du célèbre Red Bull, les «boissons énergisantes» ont inquiété les responsables de la sécurité sanitaire française. Apparemment en vain. Ils avaient toutefois attiré l'attention sur le fait que les modes de consommation les plus courants de ces boissons (activité sportive, consommation en mélange avec de l’alcool) pourraient être associés à des risques cardio-vasculaires. Ces risques pourraient être nettement plus élevés lors d’exercices physiques intenses et de perception amoindrie des effets liés à l’alcool.

Des travaux actuellement menés par l’Anses (qui seront publiés à l’automne prochain) démontrent que la consommation de ces produits lors de la pratique d’activité sportive est aujourd’hui en augmentation. Ils concluent également que 27% des consommateurs de moins de 35 ans associent ces produits à d’autres boissons, alcooliques.

Le terme «boissons énergisantes» ne correspond pas à un cadre réglementaire. Il regroupe des boissons censées «mobiliser l'énergie» en stimulant le système nerveux. A ce titre, elles contiennent généralement des cocktails  d’ingrédients tenus pour être de nature à «stimuler» («énergiser») le corps humain comme la taurine, la caféine, le guarana, le ginseng, différentes vitamines…

En théorie, ces boissons sont réservées à l’adulte et déconseillées aux femmes enceintes. Toujours en théorie, elles doivent être consommées avec modération. Et contrairement aux boissons «énergétiques» (type Isostar et autres), les boissons «énergisantes» (type Red Bull, Monster Energy, etc.) ne sont pas adaptées à la pratique d’une activité physique intense.

Instituée en 2008, la surveillance de ces boissons avait permis de recenser (sur vingt-quatre rapportés) treize cas pour lesquels «un lien de causalité possible ou probable» avait pu être établi. Les effets indésirables rapportés sont de nature cardiaque (tachycardie), neurologique (crises d'épilepsie, coma, désorientation temporo-spatiale) et psychiatrique (angoisses, agitation, confusion). Par ailleurs, «trois cas d'accidents vasculaires cérébraux et deux cas d'arrêt cardiaque —dont un mortel— ont été signalés pour lesquels le lien avec la consommation de boisson énergisante n'a pu être clairement établi ». Un cas d’insuffisance rénale aiguë a également été rapporté.  

L’histoire récente de ce chapitre de la sécurité sanitaire retient qu’en 2008 Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé, n’avait guère goûté le comportement de sa collègue en charge de l'Economie Christine Lagarde. Cette dernière avait alors trinqué (en Autriche et au Champagne) avec Dietrich Mateschitz, l'inventeur autrichien de la célèbre boisson énergisante Red Bull initialement lancée sur le marché en 1987. Un accord venait d'être trouvé qui permettait la commercialisation de ce breuvage dans l'Hexagone. En contrepartie, Mateschitz retirait sa plainte alors récemment déposée au tribunal administratif de Paris dans laquelle il réclamait 300 millions d'euros d'indemnités à l'Etat français.

C'était là un cinglant désaveu pour Roselyne Bachelot comme pour tous les experts sanitaires qui depuis plusieurs années ne cachaient pas leurs inquiétudes devant les possibles conséquences toxiques de la consommation de cette boisson.

Mais une récente réglementation européenne obligeait alors les pays de l'Union à faire la démonstration de la toxicité d'un produit dont ils souhaitent interdire la commercialisation. La charge de la preuve incombant aux pouvoirs publics et non plus à l'industriel, Paris devait apporter la démonstration que Red Bull était toxique. Or on ne disposait alors que de simples présomptions. Quatre ans plus tard la donne est-elle en train de changer?

Jean-Yves Nau

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