Culture

Don DeLillo, un entretien avec Slate: avec Cosmopolis, «mes mots ont pris une autre vie»

Son 13e roman a été adapté par David Cronenberg.

Don DeLillo. DR
Don DeLillo. DR

Temps de lecture: 13 minutes

Sans hésiter un des plus grands écrivains vivants, couvert de récompenses pour ses romans depuis la fin des années 70, l’écrivain Don DeLillo a conquis une immense célébrité à partir de la parution d’Outremonde[1] en 1977. Son œuvre est sans doute celle qui prend le complètement en charge une réalité contemporaine qui est d’abord celle de son pays, les Etats-Unis, mais aussi l’état du développement, du déséquilibre, des imaginaires et des désespoirs de l’Occident.

Cinéphile érudit, DeLillo a depuis toujours installé le rapport au cinéma au cœur de ses romans, depuis Americana, son premier livre (1971), histoire d’un homme qui abandonne son travail dans la pub télé pour réaliser un film. Ce rapport au cinéma travaille son œuvre de l’intérieur, sans nécessairement renvoyer à des films ou à des réalisateurs existants: c’est bien d’une intelligence cinématographique du monde prise en charge par la littérature qu’il s’agit surtout.

Assez logiquement, les livres de DeLillo ont fait l’objet de multiples projets d’adaptation. Et tout aussi logiquement, ces projets avaient toujours échoué, jusqu’à ce que David Cronenberg s’empare du 13e roman de l’écrivain, Cosmopolis, pour en inventer une admirable transposition filmée.

***

Slate.fr: Comment est né le projet d’adapter Cosmopolis?
Don DeLillo: Je ne suis pas à l’origine de ce projet. En 2007, le producteur Paulo Branco m’a invité à participer au Festival d’Estoril, qu’il organise au Portugal. Il aime que des gens qui ne font pas de cinéma, des écrivains, des peintres, des musiciens, fassent partie du jury, et de fait c’est un grand plaisir de discuter de films dans ce cadre. C’est à cette occasion qu’il m’a fait part de cette idée, qui vient d’ailleurs de son fils, Juan Paulo.

Il avait déjà pris une option sur les droits. Je connaissais sa carrière de producteur, la liste impressionnante des grands cinéastes avec lesquels il a travaillé, donc j’ai été d’accord. S’est alors posé la question du réalisateur, et je crois que là aussi c’est Juan Paulo qui a suggéré David Cronenberg. Le temps que j’en entende parler, Cronenberg avait déjà accepté, c’était réglé, et de la meilleure manière qu’on puisse imaginer. C’est allé très vite en fait.

Avez-vous lu le scénario?
Je l’ai lu, il était extraordinairement proche du livre. Bien sûr Cronenberg a éliminé quelques scènes qui ne convenaient pas, mais c’est entièrement fidèle à l’esprit du roman. Naturellement, je l’ai lu sans aucune intention de faire des commentaires, c’était devenu un film de Cronenberg. C’est mon roman et c’est son film, cela a toujours été très clair.

Et ensuite, en mars, j’ai vu le film terminé, à New York. J’ai été très impressionné. C’est absolument sans compromis. J’ai aimé dès la première minute, dès le générique : commencer avec Jackson Pollock est une idée remarquable, tout comme terminer avec Rothko d’ailleurs. Et la scène finale, avec Robert Pattinson et Paul Giamatti – c’est extraordinaire !

Qu’aviez-vous pensé de l’idée d’adapter ce roman là en particulier?
Au fil des années, il y a eu de très nombreuses propositions d’adaptation de plusieurs de mes livres, End Zone, Libra, White Noise, Underworld bien sûr, et aussi deux ou trois fois Cosmopolis. Sans que cela n’aboutisse jamais. C’est le projet Libra qui est allé le plus loin, John Malkovich s’y était impliqué mais ils n’ont jamais trouvé le financement, et finalement cela a donné une pièce de théâtre que Malkovich a mis en scène et joué au Steppenwolf Theater à Chicago.

Pour Cosmopolis, une adaptation en film me semblait particulièrement compliquée, puisque l’essentiel de l’action est confiné à l’intérieur d’une voiture, ce qui n’est pas forcément très cinématographique. Et voilà que non seulement Cronenberg a respecté ça, mais il a même situé dans la limousine des scènes qui se passaient ailleurs dans le livre, comme la séquence avec Juliette Binoche.

Il y a un paradoxe à propos de vos livres, où les références au cinéma sont si nombreuses, et qui en même temps semblent impossibles à adapter.
Vous avez raison, mais je ne sais pas l’expliquer. Il me semblait que Libra ou White Noise aurait pu trouver une version au cinéma, et apparemment c’est très compliqué. Mais je ne sais pas pourquoi. Et en tout cas ce n’est pas moi qui m’en occuperais, qui écrirais un scénario.

Vous l’avez pourtant fait, vous avez écrit le scénario de Game 6, de Michael Hoffman avec Michael Keaton et Robert Downey Jr.
C’est une expérience que je préfère oublier… Je ne sais pas ce qu’est un bon scénario, je ne sais pas lire un scénario ni le juger, c’est pourquoi j’ai fait confiance à Cronenberg. Il y a des années, un cinéaste qui avait pris une option sur End Zone a écrit six versions successives du scénario, certaines étaient mauvaises mais à mes yeux la dernière était excellente. Et personne n’en a voulu… C’est un regret, j’aurais aimé voir le résultat. Un des problèmes était que c’était un film un peu trop étrange pour l’industrie du cinéma aux Etats-Unis, mais comme il s’agissait de football américain, il n’était pas non plus possible de trouver de l’argent en Europe…

Le cinéma est très présent dans vos livres, mais c’est très rarement en référence à des films ou à des réalisateurs précis. C’est plus l’idée du cinéma que tel ou tel modèle ou personnalité.
Oui, ce qui compte serait plutôt une sensibilité cinématographique que des films en particulier. J’ai grandi dans le Bronx, on regardait les westerns, les comédies musicales, les films de gangsters – à l’époque j’ignorais les mots film noir.

Ensuite j’ai habité à Manhattan, et du coup j’ai eu accès à Antonioni, Godard, Truffaut, les grands cinéastes européens modernes, et aussi les Japonais à commencer par Kurosawa. Ça a été une révélation: ces films relevaient du même registre élevé que les grands romans! Beaucoup de gens croient que dans les années 60 j’ai quitté mon emploi dans une agence de publicité pour écrire mon premier livre. Pas du tout : j’ai démissionné pour aller au cinéma tous les après-midis. Ce n’est qu’ensuite que je me suis mis sérieusement à l’écriture.

Et ce fut pour écrire Americana, l’histoire de quelqu’un qui justement quittait son emploi dans les médias pour réaliser un film
Oui, exactement (rires). Et depuis, comme je vis à proximité de New York, je continue de pouvoir découvrir beaucoup de nouveaux films, devenus inaccessibles en salles ailleurs aux Etats-Unis. Il y a eu une période où je vivais en Grèce, pendant trois ans, j’étais privé de films, beaucoup de bons films n’étaient pas accessibles, ça m’a manqué.

Sinon, je suis resté attentif à ce qui se passe dans le cinéma, avoir vu récemment Le Cheval de Turin de Bela Tarr, The Tree of Life de Terrence Malick ou Melancholia de Lars von Trier, ce sont des moments importants.

Dans vos romans, il n’y a pas seulement de nombreuses mentions concernant le cinéma, des personnages qui font ou veulent faire des films, des films perdus ou secrets, etc. Il y a quelque chose de cinématographique dans la narration elle-même, par exemple la trajectoire du garçon et de la balle de baseball au début d’Underworld est conçue comme une séquence de film.
Cela vient de ce que, quand j’écris, j’ai besoin de voir ce qui arrive. Même quand il s’agit seulement de deux types en train de parler dans une pièce, ça ne suffit pas d’écrire le dialogue. J’ai besoin de visualiser la scène, où ils sont, comment ils sont assis, quels habits ils portent, etc. Je n’y avais jamais pensé, cela se faisait naturellement, mais je m’en suis rendu compte récemment, en travaillant sur mon prochain roman, où le personnage regarde des images d’archives sur un très grand écran, pendant très longtemps – des images d’une catastrophe. Et c’était pour moi évident de décrire ce processus, c’est à dire de m’appuyer sur un processus de visualisation. Je ne suis pas à l’aise avec la fiction abstraite, les récits qui ressemblent à des essais : il faut voir, j’ai besoin de voir.

Vous êtes italo-américain. Vous êtes-vous senti en affinité particulière avec la génération de grands cinéastes italo-américains apparue dans les années 70, et qui vous est donc contemporaine?
J’ai beaucoup aimé Mean Streets. J’ai grandi dans le Bronx et Scorsese dans Lower Manhattan, à Little Italy, mais c’était la même langue, les mêmes accents, et les mêmes comportements, des types qui passent leur temps à créer des problèmes comme le personnage de De Niro, j’en ai connus, et de très près.

Mais l’expérience peut-être la plus significative est plus ancienne. J’étais très jeune alors quand j’ai vu Marty de Delbert Mann [2], qui est situé où j’habitais, dans la partie italienne du Bronx. Le film passait à Manhattan, on s’est mis à huit gars dans une voiture pour aller le voir. Et la scène du début se passe sur Arthur Avenue. C’était chez nous! Notre rue, les magasins où on allait, au cinéma, c’était extraordinaire. Comme si notre existence était authentifiée. On n’aurait jamais imaginé que quelqu’un fasse un film dans ces rues-là.

En effet, on pourrait dire que la dimension cinématographique de vos livres est essentiellement fondée sur un certain rapport entre réalité et récit qui vient du cinéma, de l’enregistrement cinématographique. Un autre aspect tient au mode d’écriture : vous avez dit que depuis Les Noms (1982) vous avez pris l’habitude de n’écrire qu’un paragraphe par page, et ensuite de les assembler, ce qui ressemble beaucoup au montage cinématographique.
Je travaille comme ça par besoin de clarté. Lorsqu’il y a trop de mots sur une page je n’y vois plus rien. J’ai besoin de me concentrer sur chaque composant, ce n’est possible que s’il y a au maximum une dizaine de lignes sur la page. Depuis 30 ans, je travaille comme ça – pas pour toutes les pages, mais très souvent. Mais en effet, cela à voir avec le travail du montage, avec une certaine forme de composition par assemblage d’éléments disjoints.

Comment avez-vous réagi à l’idée que ce serait David Cronenberg qui adapterait votre livre?

Très favorablement. J’ai des lacunes en ce qui concerne ses premiers films, mais au moins depuis Faux-semblants j’ai tout vu, j’apprécie énormément Crash et ExistenZ en particulier, et bien sûr History of Violence. Je me suis demandé si c’était le genre de matériel duquel il avait l’habitude de partir? Il m’a semblé que non, mais que cela pourrait être une bonne chose, que cela lui permettrait de travailler la question d’une manière originale. En tout cas, j’étais certain qu’il saurait rendre le contenu du livre fascinant sur le plan visuel, d’une manière qui surprendrait tout le monde, à commencer par moi. Je n’avais aucune idée de ce qu’il allait en faire, mais je savais que ce ne serait pas conventionnel.

Aviez-vous vu sa version de Naked Lunch ?
Oui, c’est impressionnant! Exactement le type de surprise que j’espérais pour Cosmopolis.

Avez-vous rencontré David Cronenberg à ce moment ?

Oui, il était lui aussi à Estoril. Mais nous n’avons pas vraiment discuté du projet d’adaptation, je ne voulais pas m’en mêler. On a un peu parlé du fait que l’essentiel du film serait tourné à Toronto, je voyais bien qu’il savait ce qu’il faisait, et ça m’allait. Nous avons aussi dû parler de l’acteur principal, mais c’était quelqu’un qui n’a pas pu faire le film finalement. Plus tard, quand Paulo m’a parlé de Robert Pattinson, je ne suis dit que, enfin, cela me vaudrait l’admiration de ma nièce de 14 ans…

Etes-vous allé sur le tournage?
Non. On me l’a proposé mais je ne croyais pas ça utile. Je suis déjà allé sur des tournages de film, c’est très ennuyeux. On passe la plupart du temps à attendre.

A propos du lieu de tournage, New York est si important dans le livre, n’étiez-vous pas inquiet malgré tout que l’essentiel du tournage se passe ailleurs?
D’abord l’essentiel est que ça se passe dans la limousine. Elle est comme un monde en soi, qui fait l’objet de différentes intrusions de différentes natures, des visiteurs, ou une foule menaçante. C’est l’essentiel. En outre, avoir tourné ailleurs donne une dimension plus générale au film, c’est New York bien sûr, mais c’est davantage «a grande ville contemporaine» comme idée, et c’est très bien ainsi.

Le livre a été publié en 2003, le film sort en 2012, vous n’aviez pas peur que l’écart dans le temps soit un problème?

C’est intéressant qu’alors que le film était en train d’être terminé il y ait eu ce mouvement «Occupy Wall Street», qui dans une certaine mesure fait écho à ce qui était raconté. Et à mon avis, ce n’est qu’un début, on va en voir davantage. Vija Kinski, la Chief of Theory d’Eric Packer (le personnage joué par Samantha Morton dans le film), explique à son patron que ces protestataires sont des émanations directes de Wall Street, du système capitaliste, et qu’ils contribuent à le dynamiser, à s’adapter.

Ils aident Wall Street à se redéfinir dans un contexte nouveau, un monde plus vaste. Selon moi, c’est précisément ce qui se produit: «Occupy Wall Street» n’a pas fait baisser les bonus astronomiques que se versent les grands dirigeants.

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Dans le camp des manifestants du mouvement «Occupy Wall Street» à Zuccotti Park, New York, le 3 octobre 2011. M. SEGAR / REUTERS

Quelle a été votre réaction en voyant le film? Y avez-vous trouvé des aspects nouveaux par rapport au roman ?
J’étais ravi. Il y a aussi des moments très drôles, et toute la fin du film m’a réellement impressionné, elle entraine le film à un autre niveau. Ce qui se passe entre Eric Packer et Benno Levin, le personnage joué par Paul Giamatti, est marqué d’une forme de respect mutuel, qui d’ailleurs existe dans le livre mais qui est mieux mis en évidence. C’est un effet de la décision très juste de David de supprimer les deux interventions de Benno Levin avant leur rencontre. Ces deux chapitres intercalés étaient appropriés pour le livre, pas pour le film.

Au-delà de ce qui est raconté, l’écriture du roman donnait une présence très intense, très physique, aux personnages…
Lorsque j’écrivais ce livre, j’étais très conscient du type de phrases que je voulais utiliser. Très peu d’adjectifs, et surtout aucune métaphore ou comparaison : je ne voulais pas employer des figures de style où ce dont je parlais aurait été «comme» autre chose. Je tenais à un langage précis et factuel, avec quelque chose de définitif. Il fallait un rapport direct entre les mots et les situations: Eric est lui-même un homme très direct.

Les dialogues sont pratiquement les vôtres. Quel effet cela fait-il de les entendre ?
C’est très étrange! Ce sont mes mots, mais ils prennent une autre vie. La conversation sur l’art entre Eric et le personnage joué par Juliette Binoche est ce que j’avais écrit, et pourtant j’avais l’impression de la découvrir, ou peut-être de la comprendre. Je ne sais pas quelle est la relation entre les fans de Robert Pattinson et la peinture de Rothko, je suis curieux de voir comment ils réagiront (rires). Mais on peut deviner ce qui est en jeu dans la scène même si on n’est pas familier de l’œuvre de ce peintre.

Un des aspects importants du livre concerne la manière dont les choses, et aussi les mots qui désignent ces choses, vieillissent et sont laissés en arrière, dans un processus d’obsolescence accéléré. Packer passe son temps à dire «ça existe encore, ce truc-là?», «comment peut-on encore employer ce mot là?», «“ordinateur“ est un terme tellement daté», etc.
Oui, et dans le roman il a une perception du temps qui le projette en avant, il voit ce qui va arriver juste après. Cet aspect a pratiquement disparu du film. Pour ce livre, j’ai porté une grande attention au temps, et à la manière dont l’argent détermine notre perception du temps. On a l’habitude de dire «le temps c’est de l’argent», mais dans ce contexte-là, l’argent, c’est du temps. Cette idée est aussi dans le film, mais par des moyens différents.

Dans un entretien à propos de Libra paru dans The Publisher Weekly vous disiez:

« L’Histoire est essentiellement une collection de faits, la fiction nait d’un autre niveau d’expérience. Elle est issue de rêves, de songeries éveillées, de fantasmes, de délires. Elle nait des heures passées à perdre son temps, elle nait des cauchemars. Tout ce qui constitue la vie d’un écrivain contribue à déterminer ce qu’il écrit. Et tout ça signifie une forme d’antinomie par rapport à l’Histoire. Il y a l’idée qu’un roman peut, comme dans le cas de Libra, combler les vides du récit historique, au sens où Libra propose un complot particulier comme résolution des inconnues de cet après-midi-là à Dallas en 1963. Il y a l’idée que la fiction peut sauver l’Histoire de la confusion »[3].

Dans quelle mesure la relation entre histoire et fiction est-elle comparable à la relation entre littérature et cinéma?

Oui, d’une certaine manière le changement de registre, que ce soit de l’histoire à la littérature ou de la littérature au cinéma, en reformulant les mêmes données, offre une nouvelle perspective, permet d’avancer, de construire une nouvelle relation par rapport à des faits ou des idées. La présence physique des corps, la présence matérielle des objets, et aussi les voix suscitent une toute autre relation que la lecture. Quand j’ai commencé à écrire Libra, je ne savais pas du tout que je finirais avec un tel roman. Je n’avais jamais rien fait de tel auparavant.

Image z313 du film de Zapruder

Image z313 du film de Zapruder montrant le tir mortel. Domaine public.

Des années auparavant, j’aurais pu acheter les 26 volumes du rapport Warren sur l’assassinat de Kennedy pour 75$, mais quand je me suis décidé à écrire ce roman ce n’était plus accessible, j’ai du l’acheter comme un livre rare, pour 1.000$. Mais ça les valait. Parce que le rapport Warren est comme de la fiction finalement, tout y est, toutes les hypothèses, toutes les histoires possibles. Ça ressemble à Finnegans Wake de Joyce! Avec des pans entiers de descriptions par le FBI qui n’ont aucun sens. Il y a des pages et des pages sur les problèmes dentaires de la mère de Harvey Lee Oswald…

Mais à partir de là, j’ai eu envie de faire mes propres enquêtes, de repartir de sa réalité. Bien sûr, c’est lié au fait que pendant un an, quand il était adolescent, Oswald avait vécu tout près de chez moi, nous avions été voisins. Et c’est aussi pourquoi le livre commence dans le Bronx. Ensuite, je suis parti à Dallas, et à la Nouvelle-Orléans, découvrir les lieux où il avait vécu. Je n’avais jamais fait ça avant, et je ne l’ai jamais fait depuis. Je ne suis pas un bon journaliste, ni un véritable enquêteur. Par exemple, je n’ai pas cherché à rencontrer sa veuve. Norman Mailer l’aurait fait, lui. Mais moi, j’étais déjà dans la fiction.

Vous aviez déjà fait une enquête approfondie pour L’Etoile de Ratner. Il vous avait fallu étudier le monde des scientifiques, des mathématiciens.

Oui, c’était impressionnant et un peu effrayant. Les mathématiques pures ressemblent plus à un art qu’à une science. C’est un des rares domaines où un adolescent peut créer une œuvre de très haut niveau, avec la musique…

Vous êtes crédité au générique pour la chanson du film.
Oh! J’ai découvert ça. Ce sont les paroles de la chanson du rapper soufi que j’avais écrites pour le livre, et qu’ils ont utilisées dans le film. Me voilà devenu parolier de rap, c’est un emploi nouveau pour moi… J’en suis très fier.»

Recueilli par Jean-Michel Frodon

(Une partie de cet entretien figure dans le dossier de presse du film)

[1] Publié en France chez Actes Sud, comme la quasi-totalité de ses textes.

[2] Le film est sorti au printemps 1955, Don DeLillo avait alors 18 ans.

[3] « History is essentially the record of events, fiction comes out of another level of experience. It comes out of dreams, daydreams, fantasies, delirium. It comes out of hours of wasted time; it comes out of nightmares. It's everything in a writer's life that finally determines how and what he writes. And all of these things declare a kind of opposition to history. And there's a sense in which a novel may, as in the case of Libra, fill in gaps in history, in the sense that Libra proposes a specific conspiracy to fill the blank spaces of that particular afternoon in Dallas in 1963. There's a sense that fiction can rescue history from its confusion. »« The Ascendance of Don DeLillo » by Jonathan Bing, August 11, 1997.

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