Monde

Birmanie, la junte joue au chat et à la souris

Des journalistes et des diplomates ont été autorisés à la surprise générale à assister au procès d'Aung San Suu Kyi.

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Mercredi 20 mai, dans l'après midi, un journaliste quitte la prison d'Insein, dans la banlieue nord de Rangoon, en Birmanie. Il assure que «tout va bien». Il s'adresse aux admirateurs et sympathisants de la Ligue nationale pour la démocratie (LND, opposition), regroupés en rangs serrés et surveillés de près par les militaires de la junte au pouvoir.

C'est une journée inhabituelle dans l'enceinte de la sinistre prison. Les dirigeants de la junte ont autorisé dix journalistes et trente diplomates à assister au procès d'Aung San Suu Kyi, dirigeante historique du mouvement démocrate birman, jugée une nouvelle fois sous un prétexte absurde. Cinq de ses journalistes ont été soigneusement choisis par le gouvernement et il leur est interdit d'enregistrer les débats. On ne devient pas totalement démocrate en trois jours.

Aung San Suu Kyi, placée en résidence surveillée depuis mai 2003, lauréate du prix Sakharov en 1990 et du Prix Nobel de la paix en 1991, a été arrêtée pour avoir, selon les autorités militaires, contrevenu aux termes de son assignation à résidence en laissant un citoyen américain s'introduire à son domicile. Avec deux autres femmes qui vivent avec elle, l'opposante a été emmenée à la prison Insein. Elle risque jusqu'à cinq ans de prison.

La presse birmane est restée relativement silencieuse sur son arrestation. Le 15 mai, les journalistes des rares publications indépendantes se sont plaints des conditions d'exercice de leur métier. «Nous avons le droit de publier des articles concernant cet événement, mais dans des termes similaires à ceux des journaux d'Etat. Je suis sûr que l'on ne peut rien dire de plus que ça. Sinon, nos vies seraient en danger», affirme le rédacteur en chef d'un journal de Rangoon.

Durant les vingt-quatre heures qui ont suivi l'arrestation d'Aung San Suu Kyi, les moyens de communications ont été coupés autour de sa maison et l'envoi de e-mails était presque impossible dans les cybercafés de la capitale. Selon les internautes qui fréquentent ces lieux, «les connexions étaient plus lentes que d'habitude» et le site de la messagerie de Google, pourtant la plus utilisée dans le pays, était régulièrement inaccessible car considéré comme «illégal». «Il faut plusieurs heures pour consulter des sites étrangers, notamment nos messageries électroniques, et envoyer des photos, mais personne ne sait pourquoi, a expliqué un journaliste de Rangoon. L'envoi d'un mail prend en moyenne une heure. C'est sûrement politique, afin qu'aucune image ou information ne sorte facilement de la Birmanie».

Tout en cultivant l'autocensure, le régime autorise dix journalistes et trente diplomates à assister à une audience extrêmement importante pour l'avenir du pays. Simplement pour la beauté du geste?

Clothilde Le Coz

Bureau Internet et libertés de Reporters sans frontières

Photo: Des moines birmans réfugiés en Thaïlande prient pour Aung San Suu Kyi  Reuters

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