Économie / Politique

Avec Merkhollande, où va aller l’Europe [Les dossiers du quinquennat]

Pas de croisière pour François Hollande: il va devoir très vite se mettre au travail pour trouver un terrain d’entente avec Angela Merkel et rassembler l’Europe autour d’un nouveau projet de croissance.

Aéroport de Berlin, en mai 2012. REUTERS/Tobias Schwarz
Aéroport de Berlin, en mai 2012. REUTERS/Tobias Schwarz

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Le nouveau Président de la République française a à la fois de la chance et du souci à se faire. De la chance, paradoxalement, parce que l’Europe va mal et que dans beaucoup de capitales, son projet d’un «pacte de responsabilité, de gouvernance et de croissance pour sortir de la crise» a de fortes chances de trouver des oreilles attentives.

Du souci à se faire, parce que tous les dirigeants européens n’ont pas les mêmes conceptions de la croissance et de la politique économique devant permettre de la retrouver. Et, en France même, il n’est pas sûr que tous ses alliés soient disposés à le suivre sur la voie d’une plus grande intégration européenne, qui est pourtant la seule possible.

On peut discuter sur la question de savoir de quelle Europe on veut, mais refuser d’approfondir la coopération européenne dans le contexte mondial actuel serait se condamner à une mort lente (pour les pays les plus résistants comme la France ou l’Allemagne, pour d’autres ce pourrait être plus rapide).

La vertu ne paie pas

Le premier trimestre s’est déroulé dans un climat favorable: calmés par l’action de la BCE, les marchés se sont trouvés dans l’ensemble assez favorablement orientés. Mais ce calme était trompeur. Les statistiques de croissance du premier trimestre déjà publiées font état d’une nouvelle détérioration de l’activité, particulièrement marquée dans les pays dits «périphériques», et le chômage continue de progresser: 10,9% en mars dans l’ensemble de la zone euro, avec des pointes à 24,1% en Espagne, 21,7% en Grèce, 15,3% au Portugal et 14,5% en Irlande.

Et, fait nouveau, l’Allemagne commence aussi à donner des signes de faiblesse, avec, en avril, des créations d’emplois en nombre insuffisant pour empêcher une remontée du nombre de chômeurs. L’idée selon laquelle, après avoir connu un paroxysme au deuxième semestre 2011, la crise européenne allait progressivement s’estomper, la situation budgétaire des Etats s’assainir et la croissance repartir ne paraît plus aussi assurée.

Les orthodoxes ont pu, pendant un certain temps, affirmer que la situation serait meilleure si les pays en difficulté faisaient des efforts pour s’en sortir par eux-mêmes. Or on constate dans toute l’Europe du sud que l’austérité ne mène pas loin; la vertu ne paie pas et ne fait que prolonger un cercle vicieux déficit public – récession-déficit.

Cela ne signifie pas que la rigueur budgétaire n’est pas nécessaire, cela montre qu’elle n’est pas suffisante. L’exemple de l’Espagne est caractéristique: les dépenses publiques ralentissent; avec le chômage, les dépenses de consommation ralentissent aussi; les banques, qui doivent absorber les pertes subies dans le secteur immobilier, ne sont plus en mesure de financer l’économie; et, enfin, les entreprises, faute à la fois de crédits et de demande, réduisent leur investissement.

D’où peut venir le sursaut de l’activité? Des exportations? Encore faudrait-il que les pays voisins se montrent disposés à acheter ce que produit l’Espagne, notamment dans l’automobile, qui n’est pas très vaillante actuellement.

Et  Hollande arriva…

Alors, progressivement, l’idée s’impose que la rigueur n’est pas tout, qu’il serait utile de penser aussi à la croissance. Cela veut-il dire que François Hollande sera accueilli à bras ouverts par ses partenaires européens lorsqu’il viendra leur proposer de renégocier le pacte budgétaire? Certainement pas.

Angela Merkel n’y est pas du tout disposée et elle n’est pas seule. D’ailleurs, certains Etats (la Grèce, le Portugal) l’ont déjà ratifié. Et une remise en cause publique de ce pacte serait le meilleur moyen de déclencher une nouvelle tempête financière, qui pourrait coûter cher.

Le maximum que l’on puisse espérer est un accord au niveau européen pour autoriser certains Etats en récession à revoir le calendrier de leur retour à l’équilibre des finances publiques. En revanche, rien n’empêche de discuter d’un texte sur la croissance qui viendrait compléter les textes déjà adoptés. Toute la question est de savoir ce qu’on pourrait mettre dans ce texte.

La BCE  veut libérer l’énergie du secteur privé…

Des espoirs immodérés ont été nourris après la déclaration de Mario Draghi, président de la BCE, sur la nécessité d’un pacte de croissance. Les observateurs les plus attentifs avaient toutefois remarqué un discours prononcé à New York par Christian Noyer, gouverneur de la Banque de France, le 23 avril. Ce texte laissait bien comprendre comment les déclarations des banquiers centraux sur la croissance devaient être interprétés:

«Chacun sait que des moyens existent pour stimuler fortement et durablement la croissance même en période de consolidation budgétaire: par des réformes structurelles».

Et Noyer de citer des exemples:

«la réforme du marché du travail en Espagne et en Italie, la réforme des retraites en Italie et en France, les privatisations, les diminutions des salaires dans le secteur public en Irlande, etc. ».

A Barcelone, le 3 mai, Mario Draghi a confirmé que c’est bien de cela qu’il s’agit dans son esprit : libérer l’énergie du secteur privé, instaurer plus de flexibilité et de mobilité sur le marché du travail, réduire les dépenses publiques de fonctionnement, et non pas faire un plan de relance de l’activité.

Comme le constatent les économistes d’Aurel BGC, «la BCE se pose en gardienne du temple». Le dialogue de François Hollande avec les banquiers centraux risque de ne pas être facile…

… et Angela Merkel ne veut pas dépenser

Il ne le sera pas plus avec madame Merkel, qui a déjà prévenu:

«Il est important que nous prenions nos distances vis-à-vis de l’idée selon laquelle il faut toujours dépenser de l’argent pour obtenir de la croissance économiqu ».

Elle ne change pas, Angela!

Alors, sur quelle base pourrait se former un couple Merkhollande? En fait, des voies de convergence possibles apparaissent déjà: renforcement des moyens de la Banque Européenne d’Investissement, qui participe au financement d’investissements publics et finance aussi des PME, utilisation plus souple des fonds structurels européens.

Pour le reste, taxe sur les transactions financières ou création d’euro-obligations, rien n’est acquis, mais on ne peut pas écarter la possibilité d’un accord sur des euro-obligations destinées à financer des projets précis à l’échelle européenne.

Le plus préoccupant, en fait, est le risque d’une perte de temps en longues négociations puis en mise au point de projets, alors que le besoin d’une accélération de la croissance  est urgent. Il y a bien un moyen qui permettrait assez rapidement de soutenir l’activité dans la zone euro: ce serait une politique monétaire plus souple, avec des taux d’intérêt plus bas et une volonté clairement affichée de faire baisser le taux de change de l’euro face aux autres grandes devises. Mais, là, il ne faut pas rêver!

Bon courage, Monsieur Hollande.

Gérard Horny

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