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Y a-t-il des hommes maternants aux Etats-Unis?

Une maman américaine et un papa français discutent du livre controversé de Pamela Druckerman sur l’éducation. Episode 2.

<a href="http://www.flickr.com/photos/kellysue/1532267107/">Napping with Dad</a> / Kelly Sue via FlickrCC <a href="http://www.flickr.com/photos/kellysue/1532267107/">Licence by</a>
Napping with Dad / Kelly Sue via FlickrCC Licence by

Temps de lecture: 2 minutes

Dear Rachael,

Merci pour ta lettre. Comme toi, j’ai lu avec intérêt le livre de Pamela Druckerman et je me pose pas mal de questions. Comme tu le sais, j’ai 4 enfants, âgés de 6 ans à 20 ans, et, comme tout parent, je suis persuadé d’avoir réussi leur éducation, en attendant le moment redoutable où ils viendront me voir à tour de rôle pour me dire que: «Eh bien, papa, en fait: non.» J’ai lu quelques livres ou plutôt je les ai feuilletés, m’intéressant le plus souvent à ce qui me semblait vraiment important: la santé.

Pour le reste, j’avais des convictions solidement ancrées sur le développement de leur autonomie, la préservation de la vie de couple, la conjugaison difficile de la vie familiale et de la vie sociale. Peut-être est-ce cela le «French parenting» dont parle Pamela avec admiration.

J’ai souvent ri en lisant son livre. A la fois parce qu’il montre des scènes réalistes mais aussi parce que les témoignages recueillis émanent très explicitement d’une catégorie aisée de la vie parisienne (et pas vraiment des Français…). On les nomme ici des «bobos», contraction de bourgeois-bohème: ils sont aisés, cultivés et peuvent se permettre de payer un baby-sitter le samedi pour emmener leurs enfants pratiquer diverses activités culturelles et sportives, tout en prenant le thé avec leurs amis. Or, pour la majorité de la population, le loisir du samedi, c’est la télé ou le supermarché –souvent les deux. Il faut donc prendre le livre comme un divertissement et non une étude scientifique –ce qui ne l’empêche pas d’être instructif.

D’ailleurs, j’ai souvent relevé des éléments factuels: à la crèche comme dans les cantines scolaires, un effort particulier est fait pour équilibrer l’alimentation et équilibrer les régimes. Mais cela n’empêche pas les enfants de préférer les frites et les pizzas! Je me souviens avoir incorporé des purées de légumes ou de fruits dans les biberons de mes enfants, pour les habituer à des goûts variés. Que Pamela ne s’inquiète pas, lorsque vers 5 ans ou 6 ans, ses enfants vont refuser de manger des légumes et du fromage, pour ne rêver que de coquillettes. Ça leur passera quelques années plus tard…

Les enfants français sont-ils plus calmes que les enfants américains? Honnêtement, je n’en sais rien! Mais il me semble que la lecture superficielle de Françoise Dolto a généré bien des difficultés. Nombre de parents considèrent leur enfant comme une personne avec qui il faut dialoguer, négligeant toute fermeté. Je me souviens d’un enfant particulièrement surexcité: avant qu’il arrive, il fallait tout mettre à l’abri. En général, après qu’il avait cassé deux verres, renversé ses épinards bio et graffité les murs, ses parents le mettaient au lit. Il hurlait une heure ou deux avec son père, à côté du lui répétant d’un ton sentencieux: «Sébastien, il est important de dormir. Dormir te permet de te reposer. Ce n’est pas une punition, Sébastien, c’est important pour ton rythme…» Etc. Vers minuit, épuisé, l’enfant dormait et la soirée pouvait commencer.

Peut-être est-ce mon éducation féministe, mais il y a une chose qui m’intrigue: les mères sont au centre de l’éducation, les pères semblant parfaitement accessoires. «Peut-être parce que les femmes françaises n’attendent pas des hommes qu’ils soient des égaux», écrit-elle.

Je crois qu’elle n’a pas vraiment tort sur la répartition des tâches domestiques mais, compte tenu de son échantillon si peu représentatif, je trouve cela encore plus surprenant. Dans mon entourage bobo, les pères sont devenus des mères-poules, rechignant souvent à exercer une quelconque autorité.

Dans son livre Big mother, Michel Schneider, un psychanalyste français, déplore cet état de fait: les femmes sont là pour donner la vie, les hommes pour donner la mort (au sens symbolique, c’est-à-dire aider l’enfant à devenir adulte et donc à partir). Je vois de plus en plus d’hommes «maternants», qui voient l’autorité comme une violence faire à l’enfant. Est-ce le cas également aux Etats-Unis?

Quant à l’image de la femme française conjuguant harmonieusement vie familiale et professionnelle, et arrivant ultra-sexy à l’école maternelle, le matin, euh… Ça dépend. Elles font ce qu’elles peuvent :-)

Jean-Marc

PS: Pour faire manger des haricots verts à des enfants, il faut les cacher (dans une pizza, des coquillettes…). On peut aussi mettre des endives dans une tartiflette.

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