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La Thaïlande, paradis des malfrats du monde entier

Vingt millions de touristes débarquent en Thaïlande chaque année. La plupart ne sont là que pour les plages. Les autres goûtent son autre spécialité: la corruption.

Une plage thaïlandaise. REUTERS/Chaiwat Subprasom
Une plage thaïlandaise. REUTERS/Chaiwat Subprasom

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«Guns, girls, gambling, ganja and gorgeous beaches»*, les 5 G décrits par l’écrivain britannique John Burdett résument assez bien le climat dépravé qui règne dans la Cité des Anges, Bangkok, et surtout chez sa petite sœur de Pattaya, le «Disneyland du cul» décrit par certains, où l'on retrouve tous les ingrédients des bons polars américains.

Dans un article du New York Times de juin 2011, Thomas Fuller s’interroge sur les raisons de cette attractivité. Il en voit essentiellement une: la corruption. Il cite le lieutenant-colonel Wiboon Bangthamai, le chef de la police de l’immigration thaïlandaise qui, sans se démonter, raconte comment les douaniers de certains postes frontières connaissent d’étranges problèmes informatiques au moment où de riches étrangers entrent illégalement dans le pays.

Certains pourtant se font prendre. Ils sont rares, moins de cinq par an en moyenne. Ce sont les gros poissons ou les plus inconscients.

Comme ce chef de la mafia sicilienne qui était arrêté le 30 mars 2012 à l’aéroport de Bangkok. Vito Roberto Palazzol comptait peut-être vivre la dolce vita au soleil de Thaïlande? Il devrait être extradé vers l’Italie… Ou ce musicien russe accusé de pédophilie; ou le marchand d’armes Viktor Bout extradé de Thaïlande vers les Etats-Unis. Voire ces trois terroristes iraniens photographiés avec des prostitués à Pattaya quelques heures avant de commettre un attentat à Bangkok en février dernier.

En 2011, l’arrestation de Peter Andras Sakardi avait contribué à redorer un peu le blason de la police thaïlandaise. Ce Hongrois était recherché par Interpol et coulait des jours tranquilles dans sa villa de Pattaya avec son confortable magot: 10 millions d’euros, fruit de ses crimes en Europe.

Des arrestations très très exceptionnelles

Et puis il y a ces règlements de compte, comme en 2007, ces deux jeunes femmes russes abattues sur la plage de Jomtien à Pattaya et dont les photos font le tour du monde. Etrangement, personne n’est arrêté.  

Des affaires qui sont donc courantes, mais des arrestations qui restent exceptionnelles. Le plus souvent, les malfrats profitent tranquillement de leur retraite, investissant parfois dans un gogo bar ou des pièges à touristes. Robert Marguery, 58 ans, un ancien du gang des Postiches, vit ainsi en Thaïlande depuis 1988 et balade les visiteurs sur quelques éléphants qu’il s’est offerts. Il aurait également investi dans quelques bars à putes de Patpong, le quartier rouge de Bangkok.

Vingt millions de touristes débarquent en Thaïlande chaque année. La plupart d’entre eux, heureusement, ne sont là que pour les plages. Européens, Américains, Australiens ou Japonais n’ont pas besoin de visa. Un coup de tampon rapide à l’aéroport et les voilà à même de passer quelques mois ou quelques année sur place.  

Traverser la frontière quelques heures vers la Malaisie, le Laos ou le Cambodge (autre paradis des criminels) et c’est l’assurance d’un nouveau coup de tampon et d’une extension de séjour. «Oubliez» de quitter le Royaume, coulez des jours tranquilles à Pattaya et vous aurez peu de chance de voir débarquer un jour la police de l’immigration.

Quand bien même, on s’arrange souvent à coup de centaines de bahts. Les cas Sakardi et Bout restent donc exceptionnels. La police thaïlandaise a voulu faire bonne figure vis-à-vis d’Interpol et du FBI. «Seules les pressions internationales peuvent faire plier les Thaïlandais. Ils n’agissent pas avec un grand zèle, précise un policier employé dans une ambassade occidentale de Bangkok. Ici, avec leurs magots, ils peuvent s’acheter une vie tranquille, un visa, un nouveau passeport et investir dans des restaurants ou des bars.» La Thaïlande, c’est la base arrière des mafias du monde entier.

La corruption est l’un des plus grands fléaux du pays. Selon un récent sondage paru dans le quotidien Bangkok Post, 84% des Thaïlandais acceptent la corruption dans les affaires et 51% en politique. Il ne faut donc pas attendre grand-chose des autorités Thaïlandaises en la matière.

Le Royaume est pourtant le troisième pays d’extradition des criminels vers les Etats-Unis, le FBI ayant beaucoup plus d’influence en Thaïlande que les polices européennes. La France notamment n’arrive que très ponctuellement à obtenir l’extradition de ces criminels réfugiés en Thaïlande.

Les télégrammes diplomatiques révélés par Wikileaks mettent ainsi en lumière les inquiétudes américaines, comme dans un des câbles, daté de 2009:

«Les frontières de la Thaïlande sont extrêmement poreuse. Et le pays est très vulnérable aux criminels internationaux de tous genres. La plupart d’entre eux ont des connaissances et des équipements qui dépassent les moyens déployés par les services secrets thaïlandais. Les tribunaux n’ont pas les équipements d’une justice moderne et la police, les procureurs et le système judiciaire ne travaillent pas ensemble de façon efficace. Le système repose encore sur les aveux plus que sur les preuves.»

Les autorités thaïlandaises promettent chaque année de faire le ménage dans le Royaume. Sans résultat. Les 5 G de la Thaïlande risquent d’attirer encore longtemps les criminels du monde entier.

Sébastien Le Belzic

* Armes à feu, filles, jeu, ganja et plages magnifiques. Retourner à l'article.

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