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Iran: ce qu’Obama peut apprendre de Kennedy

Agir avec diplomatie et patience. Les leçons à tirer de l'intervention de JFK au Laos sont nombreuses pour Barack Obama... et pour les républicains.

Barack Obama le 29 mars 2012. REUTERS/Larry Downing
Barack Obama le 29 mars 2012. REUTERS/Larry Downing

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Imaginez : le monde entier a le regard rivé sur un président américain assez jeune qui menace d’utiliser la force pour défendre les engagements américains dans une région stratégique du globe, alors qu’il est notoirement en faveur d’une résolution diplomatique.

Lorsque début mars, le président Obama a averti l’Iran qu’il ne «bluff[ait] pas» à propos du nucléaire, cela a rappelé une situation similaire, vieille d’un demi-siècle. A l’époque, John F. Kennedy était confronté à sa première crise internationale. Le gouvernement du Laos, allié des Etats-Unis, était menacé par la guérilla communiste, que soutenaient l’Union Soviétique, le Nord-Vietnam et la Chine.

«Nous refusons de nous laisser provoquer, piéger ou entraîner dans cette situation ou une autre, déclara John Kennedy à la télévision en mars 1961. Mais je sais aussi que chaque citoyen américain tient à ce que son pays veille à garantir la liberté et la sécurité du monde libre.»

John Kennedy, comme Barack Obama, avait conclu que ce que réclamaient les alliés-clés des Américains dans la région (une intervention militaire américaine unilatérale) était la pire des solutions.

Parallèlement, les alliés des Etats-Unis hors de la région, dont le soutien était nécessaire pour qu’un régime de sanctions internationales efficace soit adopté, prônaient tout aussi énergiquement la diplomatie et la patience. John Kennedy, comme Barack Obama, cherchait le bon dosage entre solution diplomatique, intervention militaire et opération des services secrets afin de conserver ses amis et d’influencer ses ennemis. Au final, John Kennedy a obtenu ce qu’il voulait: un statu quo acceptable, sans invasion américaine. Mais cela n’alla pas sans mal.

Agir, oui, mais avec diplomatie

En déclarant à la revue Atlantic, début mars, qu’il «ne bluff[ait] pas», le président Obama s’est attiré les foudres des Républicains. Mitt Romney a déclaré que si Barack Obama était réélu, l’Iran aurait la bombe à coup sûr. Rick Santorum a reproché au président son attitude «conciliante» avec l’Iran.

Quant au spécialiste de politique internationale Charles Krauthammer, il a accusé le gouvernement Obama de chercher plus à retenir Israël qu’à dissuader l’Iran de poursuivre son programme nucléaire. Comme toutes les comparaisons historiques, le parallèle avec le Laos est bancal, mais il est intéressant de comprendre comment Kennedy aura réussi jusqu’au bout à ne pas trancher pour apprécier les forces et les faiblesses d’une telle stratégie.

John Kennedy a suivi trois tactiques en parallèle. Il a encouragé les Européens à trouver une solution diplomatique. Il a lancé des opérations secrètes pour miner les efforts de l’adversaire dans le pays cible. Et il s’est préparé à la guerre dont il ne voulait pas. Pourtant, même à l’époque, sa stratégie à la «Je ne bluffe pas» a failli échouer.

Lorsque John Kennedy a fait sa déclaration télévisée, la guérilla communiste pouvait encore espérer que les Français et les Britanniques opposent leur veto à une intervention militaire américaine. Cependant, grâce à l’envoi de signaux militaires (des manœuvres de navires et d’hélicoptères américains) et à la création d’une coalition internationale crédible, John Kennedy a anéanti tous leurs espoirs et trouvé le juste milieu entre provocation et dissuasion. Parmi ces trois tactiques, on ignore si le recours aux opérations secrètes a porté ses fruits.

Comme John Kennedy en son temps, Barack Obama a adopté une stratégie protéiforme. Il a travaillé avec deux grandes puissances peu commodes, la Russie et la Chine, à la création d’un régime de sanctions internationales crédible. Il a montré qu’il respectait la souveraineté iranienne en offrant de négocier, sans pour autant mettre en danger les intérêts américains.

De plus, bien que ce genre d’opérations restent secrètes, plusieurs incidents étranges se sont produits (la mort prématurée de plusieurs scientifiques iraniens du nucléaire, des cyber attaques contre les systèmes informatiques iraniens et un excellent travail de contre-espionnage contre les cibles iraniennes), qui laissent à penser que des messages ont été envoyés discrètement.

Enfin, la Cinquième flotte américaine fait en sorte que l’Iran ne ferme pas le détroit d’Ormuz et rappelle en permanence que les Etats-Unis peuvent frapper le golfe Persique à tout instant.

Un héritage pas totalement acquis, à qui la faute?

Cependant, il y a une chose que Barack Obama ne fait pas comme John Kennedy, et c’est dommage. John Kennedy a fait preuve de créativité en s’adressant directement au peuple laotien et en soulignant le fait qu’il respectait sa souveraineté. Barack Obama pourrait faire preuve de la même habileté, et créer peut-être ainsi des dissensions entre les partis politiques iraniens.

En déclarant que les Etats-Unis ne veulent pas que «l’Iran» ait la bombe, le président américain ne tient pas compte du fait que pour beaucoup d’Iraniens, comme pour beaucoup d’Indiens, le droit de posséder la bombe est une question de fierté nationale et de souveraineté. «Le monde ne fait pas assez confiance à votre gouvernement pour lui confier l’arme nucléaire» est un bien meilleur argument que «Vous, les Iraniens, n’êtes pas dignes d’avoir la bombe».

Il est certes plus difficile d’intimider l’Iran que les communistes du Laos, mais Barack Obama est par ailleurs confronté un problème que John Kennedy n’avait pas. En 1961, l’ancien président Dwight Eisenhower a mis de côté ses réticences vis-à-vis de John Kennedy pour déclarer qu’au Laos, les Américains devaient «adopter la position du chef des armées». Même le sénateur Barry Goldwater, à la tête de la branche conservatrice du parti républicain, a soutenu la manière dont le président Kennedy gérait cette crise. «Le président Kennedy a fait le bon choix, a déclaré Barry Goldwater. Il faut que le monde sache que nous allons sévir, et je prie pour que le président ait le courage d’aller jusqu’au bout.»

Barack Obama, lui, n’a pas droit au soutien de ses opposants politiques. A peine le président américain avait-il envoyé son avertissement à l’Iran que le sénateur républicain Mitch MacConnell a déclaré que c’était «des paroles en l’air», suggérant à nos amis comme à nos ennemis que le gouvernement Obama n’utiliserait jamais la force, même en dernier recours.

John Kennedy, au moins, ne devait pas faire face à des Républicains qui encourageaient le Kremlin. Et Barack Obama ne devrait pas non plus. En politique internationale, il est si difficile de trouver un terrain d’entente que personne ne devrait s’amuser à compliquer la situation.

Tim Naftali

Chercheur à la New America Foundation

Traduit par Florence Curet

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