Monde

Black-6, une souris noire qui ne court pas dans l'herbe

Si la souris a accaparé les labos, la petite Black-6, créée par et pour la recherche, a supplanté toutes ses cousines au point d'être devenue un standard mondial produit en série

Souris Black-6. National Human Genome Research Institute/Maggie Bartlett
Souris Black-6. National Human Genome Research Institute/Maggie Bartlett

Temps de lecture: 24 minutes

Deuxième volet de la série réalisée par Daniel Engber pour Slate.com sur les souris utilisées dans la recherche avec la Black-6, star des labos. Pour lire directement les autres articles, cliquez sur le titre de votre choix ci-dessous.

       

       

L'entrepôt se trouve au nord de Boston, à une vingtaine de minutes par la route, au cœur d'un petit labyrinthe de bâtiments, derrière une barrière en fil de fer barbelé. Des conduits de ventilation sillonnent le plafond au dessus des capsules en polyuréthane.

Dans ces capsules, un demi-million de souris s'enfouissent dans des copeaux de tremble stérilisés, ou bien se dressent sur leurs pattes de derrière en mastiquant des granulés irradiés à travers des couvercles en fil de fer. Des ouvriers en combinaisons unies (turquoises, violettes, corail) parcourent les allées du premier fournisseur d'animaux de laboratoire du monde. Juchés sur des escabeaux roulants, ils passent les bras dans les manchons des bulles stériles, visage collé au plastique gonflé; manipulent les souris ou les font passer de cage en cage, comme s'ils étaient en train de jouer sur une borne d'arcade.

En camion, il faut cinq jours pour acheminer une caisse de ces animaux depuis les Charles River Laboratories jusqu'à Seattle, et il existe une cinquantaine d'installations de ce type de par le monde. Des milliers d'employés, dix-sept pays, et des millions d'animaux expédiés —le tout pour un chiffre d'affaire annuel de 700 millions de dollars. La société vend des rongeurs de laboratoire -des souris, pour la plupart, mais aussi des rats et quelques lapins, gerbilles et hamsters. Leur produit le plus abordable est la CD-1, souris multi-usages (toxicologie, vieillissement, oncologie). Elle coûte environ 5 dollars la tête. A l'autre bout du catalogue, on trouve les mutants créés sur mesure et les modèles «pré-conditionnés», modifiés (entre autre) par chirurgie de manière à pouvoir être utilisés immédiatement par le client. Eux peuvent coûter jusqu'à 400 dollars pièce.

Mais l'animal qui se vend le mieux, ici comme ailleurs, est une souris. Une souris au pelage noir, issue de croisements consanguins; ni trop grosse, ni trop menue; ni trop bête, ni trop maline. Son nom est Black-6.

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La Black-6, alias C57BL/6

On estime que les distributeurs (comme Charles River) et leurs clients scientifiques ont créé environ quatre cents souches consanguines de souris, et deux cents de rats. Mais une seule d'entre elle est véritablement sortie du lot, pour devenir le modèle prédominant des chercheurs en biomédecine. Si l'on souhaite fonder un comptoir commercial de la biologie, une entité visant à accueillir les chercheurs du monde entier afin qu'ils puissent échanger et comparer leurs données, on a tout intérêt à instaurer une monnaie unique —une devise stable, ayant pour fonction de soutenir l'ensemble du système. Sur le marché mondial de la découverte, la souris Black-6 (officiellement connue sous le nom "C57BL/6") est l'équivalent du dollar américain.

Il y a près de dix ans, la revue Nature a publié le génome de la souris —le deuxième séquençage génétique d'un mammifère après l'humain.

Une Black-6 - Courtesy of Charles River Laboratories International

Mais les chercheurs qui ont conduit l’étude n’ont pas utilisé une souris attrapée dans une grange, ou une souche indéterminée de souris de laboratoire. Ils en débattirent dans un meeting, le 5 octobre 2002.  Black-6 fut alors désignée à l’unanimité, cette dernière étant selon eux «très largement répandue dans le monde de la recherche et montrant des caractéristiques reproductives favorables».

Répandue: c’est bien le mot. Si les rats et les souris ont éclipsé les autres animaux de laboratoire de la biomédecine, la Black-6 a éclipsé les rats et les autres souris. A moins d’avoir besoin d’une souche spécifique pour une expérience (disons, par exemple, une souris «nue» pour un dépistage des lésions cutanées cancéreuses, ou la Bagg’s Albino, qui joue un rôle clé dans la production d’anticorps monoclonaux), les chercheurs se rabattent généralement sur la Black-6. Le National Institute of Aging fournit par exemple 30.000 souris (vivantes et adultes) aux chercheurs financés par le gouvernement aux quatre coins des Etats-Unis. Il y a quelques années, Black-6 représentait les trois-quarts des souris expédiées; aujourd’hui, cette proportion est de cinq sur six.

Charles River ne classe pas ses ventes par souche, mais selon un porte-parole de la société, ce sont bien les souris Black-6 qui se vendent le mieux. Un éleveur-producteur concurrent estime que les Black-6 représentent les deux tiers de ses commandes. Et il faut aussi compter avec le projet à 900 millions de dollars visant à désactiver et à tester les effets de l’ensemble des gènes de la souris —ceci dans l’espoir de créer une structure communautaire permettant d’archiver ces dizaines de milliers de lignées mutantes. Ce projet se base, lui aussi, sur la Black-6.

Lorsque le directeur du projet, Mark Moore, déclare que «pour la première fois de notre histoire, nous allons pouvoir tout savoir d’un mammifère, en procédant de manière systématique», il parle d’un animal créé il y a quatre-vingt dix ans, lorsqu’une souris mâle C52 a couvert une femelle C57, déposant son sperme dans son appareil reproducteur à l’aide d’un bouchon copulatoire. Ces deux animaux étaient les descendants de «souris d’agrément»; des rongeurs de compagnie, vendus par un élevage de volaille reconverti de la ville de Granby (Massachussetts) —à 160 kilomètres à l’ouest du siège international de Charles River. C’est ici que l’arbre généalogique de Black-6 plonge ses racines.

L’histoire de la biomédecine est celle d’une guerre des souris

«Plus on étudie quelque chose, plus cette chose prend de la valeur», explique le généticien et statisticien Michael Festing —l’un des meilleurs experts de la planète en souris de laboratoire consanguines. L’histoire de la biomédecine recèle une guerre des formats; différents chercheurs voulaient ériger leur propre souche de souris en modèle de référence. Selon Festing, rien ne désignait a priori Black-6 —mais une fois la norme établie, le coût d’un changement de cap aurait été prohibitif. «Au fond, le hasard a décidé des choses.» L’omniprésence découle de l'usage. 

Une souris de laboratoire au pelage brun-foncé a donc fini par remplacer toutes ses semblables, de la même manière que la souris avait fini par remplacer le reste des rongeurs, et comme les rongeurs avaient fini par prendre la place des chiens, des chats, des lapins et des singes rhésus, qui incarnaient eux-mêmes l’ensemble du règne animal. Mais où Black-6 va-t-elle nous emmener? Que pouvons-nous tirer d’une unique souris?

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Jeff Mogil étudie la façon dont les rongeurs ressentent la douleur. Il transforme leurs gènes, comprime leurs nerfs, enflamme leurs pattes et trempe leurs queues dans de l’eau glacée. Il est psychologue, pharmacologue et neuroscientifique —et fait partie ceux qui espèrent découvrir de nouveaux médicaments pour soulager les douleurs chroniques des personnes malmenées par quelques neurones capricieux (soit le tiers de la population américaine). Et, comme la majorité de ses collègues, c’est un expert —et même un très fin connaisseur— des rats et des souris.

Mogil m’explique que la quasi-totalité des spécialistes de la douleur étudient l’une de ces deux souches: la souris Black-6 et le rat Sprague Dawley. Une fidélité qui n’a cessé de se renforcer au fil des décennies, et qui part du principe qu’au niveau moléculaire, les espèces mammifères sont plus ou moins interchangeables —de la souris au rat, et du rongeur au grand singe. En 2008, Mogil a réalisé une étude de la base de données PubMed; il découvre alors que dans les années 1970, les spécialistes de la douleur utilisaient à peu près autant de rongeurs que de chiens, de chats, de lapins et de chevaux; trente ans plus tard, 92% de leurs travaux de recherche s’appuyaient sur des rongeurs.  

«Nous partons d’une hypothèse implicite, qui voudrait que les rats et les souris fonctionnent comme ces autres animaux. Et cette hypothèse trouve sa source dans une autre hypothèse —selon laquelle ce qui vaut pour les rats et les souris vaut également pour les humains.»

Black-6 a un secret inavouable: elle est exceptionnelle

Au printemps de cette même année, Mogil a décidé de tester la valeur des idées reçues de ses collègues —et de tant d’autres professionnels de la biomédecine. Lorsqu’on observe les gènes qui semblent avoir un lien avec la douleur chez l’animal, en quoi diffèrent-ils d’un rongeur à l’autre? A quel point les pathologies des souris consanguines et des rats Sprague Dawley sont-elles semblables aux niveaux génétique et protéique? «Sincèrement, nous venons de publier un article qui m’a fichu une trouille bleue», raconte Mogil. Selon son rapport, publié dans le numéro d’août de la revue Pain, un grand nombre de gènes considérés comme importants dans une espèce l’étaient nettement moins ailleurs. «En résumé: les résultats étaient complètements différents chez la souris.»   

Le problème ne s’arrête pas aux comparaisons entre types de rongeurs. Dans un article publié en 1999, Mogil a testé onze souches de souris consanguines (albinos, gerbilles, brun clair, Black-6) et les a soumis à une douzaine d’examens de sensibilité à la douleur. Il a noté d’importantes variations entre chaque résultat. «C’est à cette étude que je dois ma carrière», confie-t-il. (Il est aujourd’hui professeur titulaire à l’université McGill, et il a reçu nombre de récompenses pour l’ensemble de ses travaux).  

«A l’époque, on pensait que toutes les souches étaient identiques. Mais si vous en discutiez aujourd’hui, tout le monde vous dirait: “elles sont toutes différentes, c’est l’évidence même.“»

L’article est particulièrement riche en informations, mais l’une d’entre elles sort du lot: la souris qui réagit aux stimuli douloureux de la façon la plus inhabituelle, celle qui se comporte le plus bizarrement en laboratoire, n’est autre que la favorite des biologistes. La souris Black-6 était la plus excentrique de toutes; le vilain petit canard. Posez des souris de souches différentes sur une plaque chauffante, et la Black-6 sera la première à tressaillir. Elle craint également le froid. Son organisme réduit l’efficacité des analgésiques. Selon Mogil:

«les généticiens savent depuis longtemps que cette souche n’a rien d’ordinaire. Les gens ne veulent pas voir la réalité en face. J’ai consacré une grande partie de ma carrière à la sensibilisation des chercheurs spécialistes de la douleur; je leur explique que les simplifications qu’ils ont mises en œuvre pèchent par excès de simplicité. La C57BL/6 a un petit secret —un secret inavouable: elle est exceptionnelle.»

Les Black-6 sont plus paresseuses et plus grosses

Mogil est de ceux qui aiment à révéler les «secrets inavouables». Et selon lui, les bizarreries de Black-6 ne s’arrêtent pas à l’exercice de la plaque chauffante. C’est également la seule souche de souris qui consomme de l’alcool de son propre chef; l’unique souche susceptible de devenir dépendante à la morphine. La liste est longue: propension à développer une athérosclérose et à la perte d’audition liée à la vieillesse, tendance à mordre le pelage de ses petits compagnons…

D’autres données viennent compléter le profil de Black-6, qui endosse si souvent le rôle de la souris de laboratoire «moyenne». Une récente étude a comparé les systèmes immunitaires des souris sauvages à ceux des Black-6 élevées en cage stérilisées; sans surprise, on a découvert que les souris des champs étaient les plus robustes. Du fait des conditions de vie au sein des élevages, la plupart des Black-6 (entre autres souches consanguines) sont plus paresseuses et plus grosses que leurs cousines sauvages. Et si une Black-6 peut vivre entre deux et trois ans en captivité, elle est généralement étudiée et éliminée quelques mois après sa naissance, afin de limiter les frais d’entretien. Les chercheurs ont également tendance à écarter les souris femelles (Dans l’étude que Mogil a consacrée aux méthodes des spécialistes de la douleur, on apprend ainsi que près de quatre expériences sur cinq n’utilisaient que des mâles); ils estiment que les chaleurs pourraient fausser les données, ou que le fait d’inclure les deux sexes ferait grimper le coût des expériences.

Ceci dit, Black-6 demeure évidemment utile dans bien des cas. C’est une bonne reproductrice, elle est relativement docile en cage, et —puisque nous vivons à l’ère de la souris transgénique— son pelage noir est lui aussi un avantage. Pour créer une souche de souris mutantes, les scientifiques insèrent quelques cellules souches d’une souris à poil clair, la «129», dans un embryon de Black-6, avant d’implanter ce dernier dans une femelle Black-6. Lorsqu’elle met bas, les chercheurs savent immédiatement si l’ADN étranger s’est correctement implanté: un souriceau transgénique est un patchwork, un mélange de 129 et de Black-6; des touffes de poil de couleurs crème ou chinchilla constellent son pelage brun-noir. La quasi-totalité des lignées transgéniques sont crées de cette manière: un gène modifié de la souris 129 est dilué et rétro-croisé dans une structure Black-6 standard, tel un tourbillon de beurre de cacahuètes niché au sein d’une boule de glace au chocolat.

Mais il a fallu une étude comme celle de Mogil pour mettre le doigt sur une faille qui aurait pu sembler évidente de prime abord: en décidant de faire d’une seule souche de souris —d’un «parfum de glace»— l’hôte de chaque manipulation génétique, le point unique de comparaison de chaque travail de recherche, on se condamne à supporter les travers de l’animal. La valeur d’une norme se mesure à l’aune de ses bizarreries. Et le «parfum» de la grande favorite des laboratoires peut être résumé en une phrase: c’est un adolescent alcoolique, paresseux et sans doute dur d’oreille, victime d’un système immunitaire défaillant. Et dans certains cas, ce spécimen s’avère franchement minable.

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Les expériences de C.C. Little

Comment une simple souche de souris a-t-elle pu s’imposer dans l’ensemble des études consacrées de la santé humaine —pour finir, peut-être, par les entraver? L’histoire commence à Boston, il y a un siècle, dans un bâtiment d’architecture néogothique (avec arcs-boutants et girouettes), situé en face de l’Arnold Arboretum. C’est là qu’un étudiant de Harvard particulièrement précoce a commencé une série d’expériences portant sur la génétique d’animaux de race «pure»; des souris bien particulières, capables de transmettre l’ensemble de leurs caractéristiques d’une génération à l’autre. Son projet allait donner naissance à un gigantesque marché de l’élevage, et promouvoir une nouvelle approche de la science, qui s’appuierait sur la similarité essentielle de l’ensemble des êtres vivants.

La Bussey Institution for Research in Applied Biology

La Bussey Institution for Research in Applied Biology débordait de biodiversité —«une véritable ménagerie: des rats, des lapins et des cochons d’Inde», se souvient un ex-membre. On y trouvait une chouette hulotte, un épervier, un chat écaille de tortue et même un putois. Mais le généticien William E. Castle avait un projet à l’esprit: il voulait découvrir ce que ces animaux avaient en commun. On venait de redécouvrir les expériences que Gregor Mendel avait menées sur les petits pois, et les scientifiques avaient une idée en tête —qui prendrait le nom de «génétique» en 1906: et si l’ensemble du règne animal partageait un même schéma héréditaire, à la manière des végétaux? Castle et ses collègues ont entrepris d’explorer ce schéma dans les moindres détails, en établissant un certain nombre de lignées généalogiques de référence (cochons d’Inde, rats, lapins, et des tiges de maïs autofertiles) permettant de repérer et d’identifier les gènes d’un organisme donné.

C’est en 1908 que C. C. Little, étudiant de deuxième année et athlète émérite, arrive à la Bussey Institution. Le jeune homme aux traits carrés lance son propre projet, et opte pour les souris consanguines. Il  achète quelques animaux dans une ferme de Granby, et les élève en faisant se reproduire frères et sœurs. Génération après génération, il sélectionne les souriceaux les plus vigoureux de la portée, qui à leur tour perpétuent l’inceste. Au bout de quelques années, les branches de leurs arbres généalogiques s’entremêlent toutes, et les animaux sont pratiquement identiques —une lignée presque parfaite: les frères et les sœurs se ressemblent trait pour trait; les enfants sont la copie conforme de leurs parents.

Dans la première moitié du XXe siècle, personne ne pouvait soupçonner l’issue de telles expériences. Certains scientifiques craignaient que le procédé de reproduction par consanguinité ne permette pas d’obtenir des animaux viables —et pourtant, les souris de Little prospéraient dans leurs enclos; elles permirent par la suite de réaliser d’importantes avancées dans la compréhension des liens entre génétique et cancer. En quelques années, l’inventeur de la souris consanguine est devenu un chercheur reconnu, partageant sont temps entre le laboratoire et tâches administratives; à 37 ans, il préside deux grandes universités américaines.

La lignée numéro 6

En 1929, il décide de créer son propre campus consacré à la souris, et persuade un groupe de patrons automobiles de financer un centre de recherche, en bordure de l’Acadia National Park, à Bar Harbor (Maine). Little donne à ce nouveau laboratoire le nom de Roscoe Jackson, en l’honneur d’un des donateurs, et applique les méthodes des usines automobiles de Detroit à la production d’organismes de recherche. Ses animaux «pur-sang» vont devenir la matière première de l’ensemble de la recherche médicale —un sujet d’étude pur et fiable, promet-il, comparable aux réactifs sur l’étagère d’un chimiste. Selon Karen rader, auteure d’un excellent ouvrage consacré à l’histoire du projet (Making Mice: Standardizing Animals for American Biomedical Research), le laboratoire Jackson a commercialisé ses premières souris consanguines en 1932; 10 cents l’unité en plus des frais de port (remboursement garanti si les animaux meurent pendant la livraison).

Le premier catalogue commercial des souris de laboratoire dresse une liste d’une dizaine de souches différentes destinées à la recherche sur le cancer; plusieurs d’entre elles finiront par incarner la nouvelle norme, à la manière d’un pas de vis. La C57BL, souris à poil noir, est l’une de ces souches. Il l’a créée en 1921, à partir des animaux de la ferme de Granby. La quasi-totalité des laboratoires de Bar Harbor en ont acheté des colonies entières. Selon le témoignage de l’un des premiers employés de Little, elles avaient été réparties en une dizaine de sous-lignées, mais l’une d’entre elle jouissait d’une popularité toute particulière. La numéro 6.

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Depuis les années 1960, le terrain du Jackson Laboratory est divisé en deux parties égales: d’un côté, le centre de recherche et développement, vers les montagnes couvertes de pins; de l’autre, l’élevage de souris, plus proche du port. L’ensemble est d’un mauvais goût certain —on y retrouve ce style postmoderniste cher aux labos de biotechnologie du XXIe siècle. Les mosaïques de verre turquoise côtoient les façades de brique; on croirait découvrir le fruit —disgracieux— des amours d’un parc industriel et de Harvard Yard. Dans un grand bâtiment, des ouvriers empilent des caisses de souris sur un tapis roulant, avant de les glisser dans des camions climatisés; elles seront expédiées aux nombreux clients de la société (19 000 scientifiques en commandent chaque année).

Dans l’entrepôt du Jackson Laboratory

L’entrepôt de chargement est saturé d’une forte odeur de nourriture et d’excréments, qui s’infiltre comme un brouillard dans les couloirs qui longent les «chambres-barrières»; les souris du laboratoire Jackson passent l’essentiel de leur existence dans ces rayonnages pressurisés. Mes vêtements ou mes cheveux pourraient abriter des microbes susceptibles d’infecter la colonie; il m’est donc impossible de les approcher de trop près. Mais on autorise les journalistes à observer les techniciens masqués à travers une vitre. Ils manipulent de gigantesques pinces; la salle est éclairée par des lampes de chambre noire. Elle contient 5000 cages de 20 souris —soit 100 000 animaux, leurs granulés et leurs bouteilles d’eau. Un ensemble d’enceintes diffuse du soft rock; «9 to 5», de Dolly Parton —They just use your mind, and they never give you credit. It’s enough to drive you crazy if you let it. [«Ils exploitent nos cerveaux, et ne nous remercient jamais. Il faut s’accrocher pour ne pas devenir cinglé.»]

Le Jackson Laboratory de Bar Harbor - Courtesy of The Jackson Laboratory

Le laboratoire emploie 1200 ouvriers; la plupart d’entre eux sont originaires de Bar Harbor. Et puisque nous nous intéressons aux différences entre espèces, il semble que les travailleurs appartiennent  eux aussi à un groupe bien déterminé: joues rouges, barbe en pointe, et propension à la vocalisation non-rhotique. De fait, Clarence Little lui-même vantait la «pureté génétique» des habitants de cette région littorale du Nord Est des Etats-Unis. Face à la presse, il avait ainsi fièrement affirmé que l’Etat du Maine était «largement composée des meilleurs spécimens de Nouvelle-Angleterre», et qu’il «serait particulièrement difficile d’obtenir une population plus homogène à notre époque».

Little était un partisan de l’eugénisme; ce fut le cas de plusieurs précurseurs de la génétique. Il a collaboré à l’organisation de la Race Betterment Conference de 1928, et devint président de l’American Eugenics Society l’année suivante. Dans les années 1930, il a reporté son énergie purificatrice sur les souris, les élevant de manière à ce qu’elles deviennent «parfaitement identiques, tels des sous fraîchement frappés». Après quarante générations de reproduction consanguine —ce qui peut demander dix ans de travail— une souche de souris se stabilise; l’ensemble de ses gènes forment des paires homozygotes. A ce stade, chaque parent, chaque frère et chaque sœur sont des clones, identiques en tous points; une ressemblance à l'épreuve de l'espace et du temps. Little aura finalement réussi à établir son utopie eugénique; je la contemple à travers la vitre. Les Black-6 sont là, quatre cents générations plus tard, dans des piles de boîtes en plastique. Elles sont nées en 2001, mais sont  —plus ou moins— les copies conformes de leurs ancêtres d'il y a cent ans. Ces jumeaux furètent aujourd'hui dans leurs cages du Maine, tels des fossiles vivants; leur génome, lui, demeure à tout jamais ancré dans les années folles. 

Mais on n'interrompt pas l'évolution sans efforts. Bob Taft, biologiste au visage aimable, travaille dans un autre bâtiment, non loin d'ici. Il est chargé de prévenir les dérives génétiques. Au bout d'un certain nombre de saillies, même les souches consanguines les mieux encadrées peuvent changer et se diviser; leurs paires de bases s'entrechoquent en une véritable marée naturelle. Au fil des quarante années qui ont suivi l'ouverture du laboratoire Jackson, au moins quarante sous-lignées de Black-6 ont vu le jour par hasard. C'est désormais à Taft, en tant que directeur des services de reproduction, qu'incombe de chasser cet infime glissement mutationnel de la chambre stérile. Il est chargé de s'assurer que les Black-6 d'aujourd'hui ressemblent à celles d'hier autant qu'à celles de demain —et d'après-demain.

Nous pénétrons dans une pièce du rez-de-chaussée, remplie de thermos en métal montés sur roues; ils ressemblent à des bennes à ordure industrielles. L'ensemble de ces frigidaires contient trois millions d'embryons cryoconservés, véritable librairie de souris microscopiques. Elles sont toutes plus petites que l'épaisseur d'un cheveu, stockées à -196 degrés C° dans des pailles à cocktail bouchées avec du coton. Si j'étais l'un de leurs clients, ils pourraient me proposer un souriceau issu de 5 400 souches différentes; il serait alors décongelé, implanté, né et sevré en une douzaine de semaines.

«On m'a accusé d'essayer de transformer la souris en vache miniature»

«Je crois que j'ai toujours su à quoi ressemblait un réservoir d'azote liquide», confie Taft. Il a grandi dans une ferme laitière du nord-est de l'Ohio, et il y aurait peut-être passé sa vie s'il ne s'était pas blessé le poignet —blessure l'empêchant de traire les vaches. Il s'est donc rabattu sur le plan B: un diplôme en biologie de la reproduction, et une carrière passée à maîtriser les subtilités de la fécondation in vitro chez l'animal. (Exemple: «Chez le taureau, la collecte du sperme est relativement simple, mais elle n'est pas sans risque»). Ses cousins de l’Ohio s'efforcent de chasser les rongeurs qui envahissent leurs fermes; dans le laboratoire du Maine, Taft en crée de nouveaux, et aussi vite qu'il le peut —750.000 embryons rejoignent chaque année les archives.

Il arrive également qu'on en retire. On réanime des spécimens issus des souches actives (Black-6, entre autres) toutes les cinq générations d'élevage en chambre stérile. Taft tire un ou deux couples de souris du réservoir en métal, les décongèle, et les envoie repeupler l'élevage de Jackson avec des gènes datant des années disco. Il s'agit selon lui d'adapter les méthodes de l'élevage industriel bovin aux animaux de laboratoire. «On m'a accusé d'essayer de transformer la souris en vache miniature. J'aime à croire que nous avons plutôt bien réussi.»

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Dès ses débuts, Black-6 étaient sensée être aussi fiable qu’un tampon en caoutchouc, mais Little avait d’autres projets pour ses souris consanguines identiques. Il voulait qu’une seule espèce puisse  représenter toutes les autres: sa souris serait une vache miniature, certes, mais aussi un lapin, un chien ou un singe. Ses légions consanguines finiraient également par prendre la place des humains lors des essais cliniques des nouveaux médicaments et traitements contre le cancer, la tuberculose, et le reste des affections des humains comme des autres mammifères.

Je finis par apercevoir l’un de ces humains miniatures; on vient de le sortir d’une cage par la queue. Je ne sais pas s’il s’agit d’une Black-6 de Jackson Lab, de Charles River ou de tout autre éleveur de rongeur. (Chacun d’entre eux vend sa propre version de la souris de référence; elles ne se différencient que par quelques légères dérives génétiques.) Quelles que soient ses origines, l’animal est bientôt plongé dans un grand bassin d’eau laiteuse; il y nage quelques secondes, agite sa queue, panique —avant de découvrir une plateforme cachée sous la surface. Les chercheurs utilisent ce dispositif —le «labyrinthe aquatique de Morris»— pour dépister les déficiences cognitives de la souris —que l’on pourrait éventuellement comparer à celles des maladies d’Alzheimer et de Parkinson, ou à la schizophrénie. 

Après avoir pataugé dans le bassin pendant quelque temps, la souris grimpe sur la plateforme et se recroqueville, les moustaches frémissantes, telle une Koosh ball miniature. Elle y reste un moment, engourdie, abrutie; le représentant de l’humanité est au bord de la crise de nerf, et il fait peine à voir. Mais au bout de quelques instants, on se dit que ce petit être misérable et pestilentiel a comme un air de famille; un corps frissonnant à la sortie du bain; deux yeux, deux oreilles, un nez, une bouche. Black-6 a une langue, elle aussi, un estomac et des viscères, le tout sillonné de veines et d’artères. Elle a des tétons sur la poitrine et des ongles aux bouts des orteils. Réflexion faite, pourquoi ne pas en faire le représentant de l’humanité?  

Les «lumpers» et les «splitters»

«Voici la distinction la plus importante, et peut-être la plus radicale, existant entre les tempéraments philosophiques et scientifiques de chaque homme: les uns ont plus de volonté et d’aptitude pour observer les différences des choses; les autres, pour remarquer leurs ressemblances», écrivait Francis Bacon il y a près de quatre cent ans. C’est en trouvant un équilibre entre ces deux tempéraments que les chercheurs donnent naissance procèdent aux plus grandes découvertes scientifiques: commencer par analyser les différents éléments avant d’avancer une théorie d’ensemble. En juillet 1857, Charles Darwin avait résumé la chose plus simplement:

«Il est bon que les amateurs de classifications précises [hair-splitters] collaborent avec les partisans de l’approche synthétique [lumpers]».

Avec l’essor de la souris de laboratoire moderne, les «lumpers» ont fini par prendre le dessus; leur outil favori a toujours eu pour but d’effacer les différences entre les choses, et de mettre leurs ressemblances en lumière. Clarence Little a commencé ses expériences de reproduction consanguine à l’époque où les méthodes traditionnelles des «splitters» —l’étude comparative et exhaustive des plantes et des animaux— amorçaient un déclin rapide. Les biologistes venaient de réaliser de remarquables avancées en étudiant les similitudes du vivant. A la fin des années 1830, Theodor Schwann et Matthias Scheiden découvrent ainsi que l’ensemble des membres des règnes végétal et animal sont composés de cellules; les Legos de la Nature. En poursuivant l’étude du fonctionnement de ces éléments, les scientifiques découvrent que chaque mammifère et que chaque microbe pourraient être réductibles à une série d’interactions entre quelques molécules de base (acides nucléiques, protéines, glucides, etc.). En 1926, alors que la souche consanguine C57 de Little commence à se stabiliser, un biochimiste hollandais —Albert Jan Kluyver— résume la philosophie des «lumpers» dans une affirmation restée célèbre: «De l’éléphant aux bactéries d’acide butyrique —du pareil au même !»

Mais l’omniprésence de Black-6 et des autres souches consanguines se heurte à un autre pilier de la méthode scientifique, défini par l’un des contemporains de Little à l’époque de la fondation de Jackson Lab. En 1929, un physiologiste du nom d’August Krogh (qui a consacré sa carrière à l’étude des vers, des chrysalides de papillons de nuit, des souris, des sauterelles et des grenouilles et de nombreuses autres espèces), déclare que dans bien des cas l’étude d’un problème peut être facilitée par «un animal adapté, ou un groupe d’animaux». Pour illustrer cette affirmation, il prend l’exemple de la tortue, dont la trachée est souvent divisée: «Nous avions pour coutume de dire que cet animal avait été créé pour les besoins de la recherche physiologie respiratoire ; plaisanterie de scientifique».

La simple idée d’une souris créée pour la recherche aurait sans doute fait rire les scientifiques

Cette idée a toujours cours chez les scientifiques d’aujourd’hui. Demandez à cent biologistes de vous expliquer leur méthode de sélection d’un modèle animal, et ils vous répondront tous la même chose. D’abord, se poser la bonne question; ensuite, trouver les moyens adéquats pour y répondre. Rongeur ou mouche, rat ou souris, Black-6 ou Bagg’s Albino: lorsqu’il s’agit de trafiquer la Nature, les outils ne manquent pas. Voici la rhétorique de la science moderne: chaque expérience devrait avoir sa méthode parfaite, un animal de laboratoire spécialement adapté. Nous pouvons plaisanter, comme le faisait Krogh, en affirmant que l’axone géant du calamar est destiné à l’étude des transmissions nerveuses, ou que le nerf optique du limule a été spécialement conçu pour être découpé et réduit en lambeau par les spécialistes de la vue. Par ailleurs, le principe de Krogh se vérifie encore aujourd’hui à travers plusieurs espèces modèles: le tatou pour la lèpre, le campagnol des prairies pour l’autisme, le pinson pour l’acquisition du langage, le gecko léopard et la tortue de Floride pour la détermination du sexe fœtal, la limace de la mer pour l’apprentissage et la mémoire, et bien d’autres «animaux adaptés» permettant de résoudre tous types de problèmes.

Photographie: Jessie Kotler

En réalité, le tatou, la musaraigne de prairie et les autres modèles exotiques n’existent qu’à la marge de la biomédecine. La souris apporte une solution —de qualité variable— dans la plupart des cas; ce passe-partout a crocheté l’ensemble des portes de la Nature. Si la Black-6 laissait soudain à désirer —si son corps ou ses organes devenaient inutilisable dans telle ou telle étude —il suffirait de modifier ses gènes en conséquence.

Les scientifiques implantent aujourd’hui de l’ADN humain dans des souris, afin que leurs cerveaux se détériorent plus vite (affection proche de la maladie d’Alzheimer), que leur sang soit plus vulnérable face à la leucémie, ou pour «humaniser» leur foie (elles métabolisent ainsi les médicaments à notre manière). En juillet dernier, une équipe de scientifiques d’Ann Arbor a publié le premier travail de recherche faisant état d’une implantation réussie de sphincter humain sur une souris transgénique. Une souris fabriquée en laboratoire, affublée d’un derrière d’humain, qui pourrait un jour nous permettre de soigner l’incontinence fécale. Il y a quatre-vingts ans, la simple idée d’un animal créé pour la recherche aurait sans doute fait rire bien des scientifiques. Aujourd’hui, c’est devenu une habitude.

Ces modèles se multiplient; on continue de créer de nouvelles souris adaptées à chaque domaine de recherche —mais en réalité, le matériel de base demeure inchangé. La diversité semblait être au rendez-vous: une foule d’animaux, ingénieusement conçus pour s’adapter à des domaines spécifiques… mais en réalité, la plupart de ces modèles sont faits du même bois. Nous avons essayé de transformer une souris jeune, mâle et alcoolique en modèle à tout faire. C’est certes l’organisme le plus puissant et le plus malléable de toute l’histoire de la biomédecine, mais en dépit de tous nos efforts et de toutes nos manipulations génétiques, les Black-6 resteront des Black-6.

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Jeff Mogil est un «splitter». «Les spécialistes du comportement peuvent facilement s’accommoder d’un surcroit de variabilité», m’explique l’expert de la douleur, par téléphone, depuis son bureau de Montréal. 

«Cette variabilité permet de voir les choses autrement. Au lieu de mesurer les taux de protéines, j’évalue les comportements. Il arrive que ces comportements ne volent pas bien haut —mouvements de queue, coup de langue, clignements de l’œil. Mais je m’en tiens aux comportements. En revanche, déclare-t-il, les chercheurs en biochimie on plutôt tendance à être des “lumpers“».

Des échecs retentissants en passant des cages aux essais cliniques

Mogil a décrié cette préférence pour l’approche synthétique pendant une bonne partie de sa carrière. L’adoption d’un nombre très réduit d’animaux de références —les rats Sprague Dawley et les souris Black-6— et l’utilisation standard qui en a été faite a ralenti la recherche sur la douleur, privant des millions de patients de médicaments efficaces. A titre d’exemple, il m’explique que 70% des personnes souffrants de douleurs chroniques sont des femmes, et que la plupart d’entre elles sont d’un âge moyen —mais en laboratoire, la majorité des animaux testés sont de jeunes rongeurs mâles.

Cette disparité a fait échouer nombre d’essais clinique, engloutissant par là même des millions de dollars: en 2002, la société Endo Pharmaceuticals a ainsi fait une croix sur l’un de ses médicaments les plus prometteurs, le MorphiDex, lorsqu’elle a découvert que ses effets remarquables n’agissaient pas sur l’organisme humain. Pour Mogil, le problème était évident: une erreur classique de «lumper», perpétuée pendant une décennie, et propagée via des centaines d’articles publiés dans les revues scientifiques. Lorsqu’il a mené sa propre étude du médicament, en 2004, il y a ajouté une petite touche personnelle: au lieu de tester le MorphiDex sur une population exclusivement masculine de Black-6, comme le ferait n’importe quel laboratoire, il a décidé d’utiliser des sujets mixtes. Il a alors découvert que les souris Black-6 (et, qui sait, les rats et les humains) mâles et femelles ne réagissaient pas à la douleur de la même manière: certains récepteurs semblent avoir des fonctions différentes.

Plusieurs autres traitements contre la douleur ont également connu des échecs retentissants en passant des cages aux essais cliniques. Ainsi les médicaments conçus pour inhiber les récepteurs de la substance P et les canaux sodiques fonctionnaient chez les modèles de rongeur, mais n’avaient que peu, ou pas d’effets chez les humains. Selon Mogil, il n’existe qu’un seul analgésique commercial (destiné aux patients humains) ayant préalablement été identifié et testé sur un modèle animal —le ziconotide, un dérivé de venin de conus. Ce n’est pas un médicament de très grande qualité.

Les souris transgéniques ont permis aux chercheurs d’isoler trois cents molécules pouvant jouer un rôle dans les mécanismes de la douleur ou ceux de l’analgésie; les cibles médicamenteuses ont été multipliées par dix depuis 1990. Et pourtant, le processus de découverte est encore au point mort. Le tuyau des innovations demeure bouché. «C’est le petit secret inavouable de la neuroscience dans son ensemble», affirme-t-il.

Mogil ne pointe pas du doigt la souris Black-6 et les rats Sprague Dawley; pas exactement. Sa véritable inquiétude trouve sa source dans l’utilisation que les chercheurs en font —les souches et les sexes, les modèles et les essais, les plaques chauffantes et les nerfs pincés; autant de concepts et de pratiques qui, s’ils nous permettent de récolter quantité de données, sont visiblement déconnectés de la réalité du monde extérieur. Ces dix dernières années, il a fait le tour des conférences universitaires pour exposer les théories des «splitters»; face à ses collègues, il a expliqué que les souris Black-6 étaient différentes des souris 129s, que les souris étaient différentes des rats, que les hommes étaient différents des femmes —et que les rongeurs étaient différents des humains.

«En gros, personne ne m’a écouté. Ils m’ont simplement dit que je me faisais sans doute du souci pour rien. Et ils ont sans doute raison. D’ailleurs, même si leurs conclusions faisaient fausse route, je serais bien incapable de le prouver.»

Pour ses propres recherches, il continue de faxer ses commandes de souris Black-6 à Charles River ou au Jackson Lab; elles lui parviennent toutes les trois semaines. C’est une chose de souligner les faiblesses d’une méthode; c’en est une autre que de l’abandonner tout à fait.

«Lorsqu’on ne peut pas vaincre l’ennemi, autant le rejoindre. J’ai essayé de vider l’océan à la petite cuiller. J’ai échoué. Que puis-je faire de plus ?»

Daniel Engber

Traduit par Jean-Clément Nau

Crédits photo du laboratoire: The Jackson Laboratory
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