France

Mohamed Merah: les criminels sont des voisins comme les autres

A chaque fait divers, les journalistes dressent des portraits-robots des criminels à partir des témoignages des voisins. Et à chaque fois, les réponses sont les mêmes: ce tueur était «un homme charmant». Florilège.

Mohamed Merah. REUTERS/Handout
Mohamed Merah. REUTERS/Handout

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Témoignages élogieux, petites anecdotes sympathiques... A chaque fait divers, les journalistes ne manquent jamais de tendre le micro vers les voisins des criminels ou des suspects. Et à chaque fois, les réponses sont les mêmes: parce qu'ils se sentent obligés, quand le micro se tend, de se cantonner à leur rôle de voisin forcément comblé –qu'ils aient une foi inébranlable en l'être humain, ou qu'ils tentent de se dédouaner de n'avoir rien vu–, la réaction est la même: ce tueur était «un homme charmant».

Prenons l'exemple de Mohamed Merah, soupçonné d'avoir abattu de sang froid sept personnes dont trois enfants à Montauban et Toulouse: à en croire ses voisins, il était un jeune homme «normal», qui «achetait des bonbons» aux enfants de son quartier et «jouait beaucoup au foot». «Gentil, calme, respectueux», il était un voisin modèle, de celui «qui vous donnerait un coup de main pour monter un canapé».

Impression de déjà-vu? Oui... 

En France

Emile Louis, tueur en série français condamné en 2004 dans l'affaire des 7 disparues de l'Yonne qu'il aurait assassinées dans les années 1970, surnommé «Mimile» par ses voisins de comptoir, était, d'après les témoignages, «un voisin serviable et bon vivant».

Michel Fourniret, «le Tueur des Ardennes» condamné pour le viol et le meurtre de plusieurs jeunes filles en France et en Belgique, «avait des mains en or, un réel talent pour tous les métiers du bois», se souvient une voisine de Clairefontaine.

Durant trois ans, Gérard Cadé a été le plus proche voisin de Michel Fourniret. Un voisin qu’il trouvait certes un peu bizarre, mais poli, discret, bosseur: «c'était quelqu'un de très serviable, il a vendu un terrain à mon fils pour une bouchée de pain. Il dépensait sans compter». Robert, qui a parlé quelques fois avec Fourniret témoigne: «On est tous les deux bricoleurs. Tantôt il me passait une pioche tantôt je lui filais une pelle. Et quand je le voyais, il était plutôt sympathique»

Monique Olivier, ex-femme de Michel Fourniret, condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de meurtre: «On peut pas dire que c'était une femme très expansive, pas souriante, pas beaucoup causante, mais gentille gentille, douce», se souvient un couple de voisins.

Xavier Dupont de Ligonnès, soupçonné d'avoir assassiné sa femme et ses quatre enfants avant de disparaître, était «plutôt souriant et agréable» d'après le buraliste de quartier chez qui il venait chercher son tabac. Les voisins de cette famille nantaise disaient tous que c'était des gens bien, de «bons catholiques» tout comme la famille Romand.

Yvan Keller, avant de se pendre dans sa cellule en 2006,  était accusé de 23 meurtres de vieilles dames. Pourtant, aux yeux de ses voisins à Mulhouse, il était «un Monsieur Tout-le-monde, plutôt sympa», «un bon mec», «sensible», et qui avait pleuré la mort de sa chienne, précisent-ils.

Ahmed Sid Rezala, autre tueur en série (3 victimes à la fin de l’année 1999), était aussi «un mec tranquille, qui balade son bébé, gentil, serviable» d’après ses voisins. C’était «un charmeur», précise Kader, qui le croisait souvent sur le chemin de l’école où ils emmenaient leurs enfants.

Patrice Alègre, était d'après ses voisins «timide et gentil» quand il était enfant. En 2002, il a été condamné pour avoir violé puis tué cinq femmes.

Ces portraits robots qui tranchent pour le moins avec les faits reprochés à ces criminels n'est pas spécifiquement français. Les voisins qui n'ont rien vu venir existent aussi ailleurs...

A l'étranger

• L'Autrichien Joseph Fritzl, à l'époque où il séquestrait dans une cave sa fille Elisabeth (pendant 24 ans) et lui faisait 7 enfants, était connu dans le voisinage un homme «toujours très élégant, très courtois».

• Des Belges Marc Dutroux, violeur, tueur et pédophile belge des années 1990, et son ex-épouse Michèle Martin, «on n'a jamais dit du mal d'eux», confiait un voisin. Ils étaient même «considérés comme les gens les plus polis du quartier». Pour une amie d'une autre des épouses de Marc Dutroux, il était en effet «sympathique et bon père de famille», un mari «charmant, attentionné», mais parfois un peu directif.

Eric Harris, auteur de la fusillade de Columbine aux Etats-Unis, 12 morts à son actif, était un autre «gars sympa (…) très gentil, poli, un gamin propre sur lui».

Bufford Furrow, un néo-nazi coupable d'avoir tué un transporteur, blessé trois enfants et deux travailleurs dans un centre de loisirs juifs de Los Angeles en 1999 était «plutôt agréable», dixit une voisine.

Russell Weston Jr., auteur en 1998 de la tuerie du Capitole de Washington, était «juste gars ordinaire (dont) tout le monde disait: "Il est inoffensif"» raconte-t-on.

Mark Barton, auteur d'une tuerie faisant 9 morts à Atlanta en 1999, était «un père de famille américain typique», «un bon gars».

 

Aurélia Morvan et Agathe Ranc

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