France / Politique

Nicolas Miguet, le candidat homme d'affaires

Depuis 2002, il essaie de se présenter à la présidentielle. Le reste du temps, il s'occupe de Bourse, d'actions et de presse, et se retrouve parfois en justice quand il mélange un peu trop les genres.

Nicolas Miguet en février 2007 à Paris. Eric Feferberg / AFP
Nicolas Miguet en février 2007 à Paris. Eric Feferberg / AFP

Temps de lecture: 14 minutes

Le nom de Nicolas Miguet ne vous évoque peut-être rien, mais il est assez probable que vous ayez croisé son visage sur l'une des milliers d'affiches qui tapissent barrières de chantiers et bretelles d'autoroutes.

En dehors de ses candidatures à la présidentielle depuis 2002, ce cinquantenaire partage son temps entre la gestion de son groupe de presse spécialisé dans les conseils boursiers et la défense de petits actionnaires.

Nicolas Miguet navigue dans les eaux troubles de la politique, des affaires et de la presse. Qu’est-ce qui le consume en son for intérieur? Qu’est-ce qui alimente sa marche en avant?

Après l’avoir rencontré et avoir enquêté plusieurs semaines sur son cas, je serais bien en mal de mettre ma main à couper sur ses intentions. Mais s'il ne fallait retenir qu'une chose, disons que l'ego de Nicolas Miguet n'a d'égal que son amour du pognon. Et pour être clair d’entrée d’article, je l’ai trouvé antipathique.

Pour la troisième fois, Nicolas Miguet tente donc de réunir les 500 parrainages nécessaires pour se présenter à l'élection présidentielle sous la bannière du Rassemblement des contribuables français, le parti qu'il a fondé en 1999.

Souvent taxé de poujadiste ou d'ultra-libéral, Nicolas Miguet se revendique lui du centre-droit. Il ne rate jamais une occasion de mentionner qu'il a été responsable départemental des jeunes giscardiens de fin 1977 (il avait 16 ans) jusqu'à mi-1981, ou qu'il a appelé à voter Bayrou au premier tour en 2007.

Patron la semaine, sur les routes le week-end

Quand on lui rappelle dans la foulée qu'il a aussi appelé à voter Sarkozy –il ne manque pas de le vilipender quand il le peut– il rétorque «hé oui, on peut être cocu» avant de laisser échapper un rire gras et d'ajouter «doublement d'ailleurs».

J'ai rencontré Nicolas Miguet dans son grand appartement bourgeois et bordélique du XVIIe arrondissement. J’ai pensé à cette noblesse française déchue, où de fastes boiseries se mélangent à des œuvres et autres tableaux délaissés çà et là dans les coins du salon. Mais ce désordre manifeste témoigne de la vie mouvementée d'un homme qui passe beaucoup de temps loin de chez lui, entre son entreprise de presse la semaine et les week-ends à sillonner les routes de France, de petites salles miteuses en restaurants, pour prêcher la bonne parole miguetienne.

Enfoncé dans un fauteuil en cuir marron, à tirer régulièrement sur un cigarillo «à 11,50 euros la boîte de 20, les mêmes que fume Delanoë», Miguet expose la quintessence de son programme.

Il compte «rétablir les équilibres financiers pour sauver le système social», retraite et sécurité sociale en tête.

Son grand credo est la réindustrialisation de la France, qu'il explique à coups d'exemples mêlant pneus Michelin et chaussure Adidas. Partisan du colbertisme, Miguet envisage un retour aux 40 heures hebdomadaires, le passage à une VIe République avec réduction drastique du nombre de ministres, de députés et de sénateurs et aussi une renationalisation des créanciers de la dette française ou encore le démantèlement des centrales nucléaires.

Il se plaît aussi à caresser les bas instincts de l'électeur potentiel en dénonçant la toute puissance des énarques, des partis sortants, des banksters –contraction de banquiers et gangsters– et adore éveiller la peur chez ses interlocuteurs, en brandissant la menace d'une faillite économique de la France.

Persuadé qu'il créera la surprise en avril, il doit encore récupérer les fameuses signatures qui lui échappent depuis dix ans.

Course aux signatures

L'année où le candidat socialiste s'était fait humilier par son homologue frontiste, Miguet n'avait recueilli 270 soutiens. En 2007, cinq ans plus tard, le gaillard au crâne dégarni obtenait presque le ticket d'entrée avec 453 signatures.

En dix ans, Miguet a énormément appris sur la manière de persuader les maires de lui filer un coup de main et ne jure que par l'occupation du terrain.

Pas question pour lui de profiter de chaque micro tendu pour crier sa peine à convaincre les édiles. Non, Miguet se félicite du travail qu'il abat depuis des années, en choisissant et en formant méthodiquement les scouts chargés de récupérer les précieuses signatures. 

«Première chose, les maires qui ont parrainé ma candidature en 2007 et qui sont toujours en poste, à plus de 95%, vont renouveler leur parrainage. Et la bonne surprise, c'est que la plupart d'entre eux, parlent et viennent souvent avec d'autres collègues. Notre base fait boule de neige. Et deuxième chose, le militant du RCF, sur le terrain, est un médecin, un notaire, un retraité... peu importe, c'est quelqu'un qui connaît son maire, quelqu'un qui est connu. Et donc les maires n'accordent pas spécifiquement leur parrainage à Nicolas Miguet. Ils cèdent positivement à la demande d'une personne qu'ils estiment.»

Vu l'entêtement dont il fait preuve depuis plus de dix piges, il ne serait pas surprenant que le fondateur du RCF finisse par obtenir ce qu'il cherche.

Reste encore à savoir pourquoi ce type tient tant que ça à se présenter à l'élection, lui qui refuse absolument qu'on le qualifie de politicien, dans la mesure où il dit «n'avoir jamais touché aucune indemnité des actions politiques qu'[il] a pu mener».

Le bon et le mauvais journaliste

Techniquement, Nicolas Miguet exerce effectivement la profession de journaliste, et il en est fier.

A la tête d'un «groupe» de presse propriétaire de plusieurs titres et lettres confidentielles, dédiés pour la plupart à l'investissement en Bourse, Miguet divise ses confrères en deux groupes: les bons et les mauvais journalistes.

Quand on s'est retrouvés à discuter de son coup de maître avec Eurotunnel –on viendra à la question de ses activités financières un peu plus tard– alors que je mentionnais un article critique sur sa gestion, voilà qu’il hausse la voix et démarre au quart de tour:

«Ah! Mais vous avez lu ce que mes adversaires ont écrit?

– Je ne suis pas sûr que des journalistes soient vos adversaires...

– Si! Parce que, excusez-moi de le dire, il y a un million payé chaque année par l'État pour la profession de presse. Le reste, c'est un milliard et demi d'euros qui sont payés par les annonceurs. Etant donc ni payé par l'Etat, ni par les annonceurs, je considère que je suis un des rares à faire réellement ce métier.»

En venant de la part de Slate.fr, un média qui a obtenu des aides de l'État et financé par les annonceurs, voilà que je représentais ce système qu'il abhorre.

A vrai dire, il me fait sentir d'entrée que son rapport à ce métier que nous avons en commun est chaotique. Alors que notre entretien n'a même pas commencé et que je lui confie n'avoir pas lu en intégralité son programme, il me torpille d'un «vous êtes bien fait pour faire ce métier et recopier des dépêches AFP».

Mais avant devenir la pasionaria du journalisme français, Miguet a lui aussi frayé avec la presse sous perfusion de l'Etat et de la publicité. A sa sortie de Sciences-Po Paris en 1984, il intègre la rédaction d'Investir, hebdomadaire économique et financier sérieux. Un journaliste qui l'a côtoyé au sein de cette rédaction se souvient parfaitement de son entrée en matière fracassante:

«Il venait parfois voir les chefs alors qu'il était encore étudiant à Sciences-Po. Ils ont fini par l'embaucher. Alors là, ça n'a pas été triste. On avait une conférence de rédaction tous les lundis. Et c'est justement un lundi qu'il a fait son premier jour. On commençait toujours par parcourir le journal, regarder ce qui avait été bien et moins bien dans l'édition de la semaine précédente. Miguet –c'est le premier jour qu'il est là– ouvre le journal et dit "bon bah voilà, moi j'ai eu le temps de le lire ce week-end. Alors j'ai vu que telle page, ce n'est pas du tout ça... Telle autre page, alors non, on ne peut pas dire ça..." Et il a dézingué, comme ça, un maximum de papiers. Dès le départ, il avait fait très fort vis-à-vis du reste de la rédaction. Mais ça plaisait bien à la direction.»

Miguet se fait la malle au bout de trois ans, après avoir essayé de filer avec le fichier des abonnés, le Graal du business.

Un goût prononcé pour les fichiers

Après son départ, en 1987, il lance donc La Bourse, une lettre confidentielle, et dans la foulée, il crée Business-Bourse, son premier titre. Mais c'est deux ans plus tard que le personnage se fait vraiment remarquer dans le milieu du journalisme financier, en lançant Le Temps de la Finance.

A ce moment-là, il bénéficie d'une aura certaine dans la profession et attire des investisseurs solides et sérieux comme la banque Paribas ou le GAN, ce qui a tendance à bluffer son ancien collègue, encore aujourd'hui.

«Il avait failli débaucher des gens de chez nous, des bons professionnels, des types intelligents. Et s'il ne l'a pas fait chez nous, il a débauché des gens du Journal des Finances qui étaient eux aussi des pros. En fait, il arrivait à exercer de la fascination chez ces gens, notamment en raison de son assurance.»

Sa crédibilité ne résistera pas à des révélations sur le financement de ce quotidien et sa gestion pas très orthodoxe: cotisations sociales oubliées et factures impayées.

Le journal disparaît, pas Miguet, qui continue de créer des titres au début des années 1990. Il a aussi le nez de lancer un service audiotel –encore existant aujourd'hui– sur lequel il livre quotidiennement plusieurs bulletins boursiers et autres conseils, à base de achetez-ci et vendez-ci, tout en prêchant déjà contre les banksters et certains patrons de grands groupes, dans des termes parfois plus que limite, Bernard Arnault, le patron de LVMH, en sait quelque chose.

Il créé une SARL en septembre 1994 qui va devenir son bateau amiral. Il l'intitule Le Nouveau Quotidien de Paris et rachète alors Le Quotidien de Paris, avec le patron de presse Robert Lafont, directeur du groupe Entreprendre. Ce dernier en garde un souvenir pour le moins amer:

«Je ne connaissais pas Nicolas Miguet jusqu'à ce que l'un de mes imprimeurs de l'époque, Gilbert Caron, organise une rencontre. J'étais sur le point de faire une proposition de reprise du Quotidien de Paris, le journal de Philippe Tesson, au tribunal de commerce. Nous avons alors décidé de nous associer pour cette reprise. Nous avons été attributaires du titre à 50/50. A peine quelques semaines après –et avant même son lancement en kiosque– Nicolas Miguet a réussi par un tour de passe-passe à nous diluer au capital dans une Assemblée générale à laquelle nous n'avons pas été conviés! Miguet a ensuite publié le journal tout seul, en en faisant une feuille de chou, faute de moyens. Mon avocat a déposé trois plaintes au pénal, au civil et au commercial à son encontre qui, malheureusement, n'ont pu aboutir, faute de preuves matérielles suffisantes. Je garde le souvenir d'un homme travailleur, pressé et sans scrupules.»

Miguet s'acoquine également avec le Front national, traîne ses guêtres dans les petites sauteries du parti et laisse à l'extrême droite tout le loisir de distiller ses théories dans les colonnes de son nouveau journal, allant même jusqu'à intégrer le journaliste Bernard Fontanges à la demande du parti de Jean-Marie Le Pen.

Mais Miguet n'est pas franchement un homme de convictions. C'est vendre son nouveau canard qui l'intéresse avant tout. Carl Lang, secrétaire général du Front national au milieu des années 1990 se souvient l'avoir croisé «deux ou trois fois à l'époque»:

«Dans les années 1990, il avait plusieurs contacts au Front national dont Dominique Chaboche, mais nous avons toujours été très prudents vis-à-vis de ce garçon.»

L'idylle avec le FN se termine en queue de poisson. En octobre 2003, Dominique Chaboche –aujourd'hui décédé– qualifie Miguet «d'affairiste et d'affabulateur» dans un portrait publié dans le journal Le Monde. Il est accusé par des proches du FN d'avoir tout fait pour récupérer le… fichier des militants du parti.

Nicolas Miguet tente de racheter le journal d'extrême droite Minute en 1999, alors en cessation de parution à la suite de la liquidation de la société éditrice.

Et il convoite un document bien particulier –je vous le donne en mille– le fichier d'abonnés, évidemment. Durant le laps de temps où le tribunal enregistre les offres de reprise, il tente de créer la confusion et de siphonner le lectorat en créant L'Hebdo: le nouveau Minute. Sa tentative de rachat de Minute rejetée par la justice, il est contraint de renommer son canard qui devient l'Hebdo-Bourseplus, titre phare encore à ce jour du groupe Quotidien de Paris Editions, en compagnie de sa fameuse lettre confidentielle La Bourse.

Magouilles et coups fumants

Miguet –affairiste, infréquentable, disent ses détracteurs– bénéficie d'une cote assez impressionnante chez un paquet de gens qui s'intéressent à la Bourse.

En 2004, il réalise un coup fumant en prenant la tête d'une poignée de milliers de petits actionnaires, dont nombre des lecteurs de son canard. Pendant plusieurs semaines, il mène une fronde, travaille au corps des centaines de députés aussi opposés que Maxime Gremetz ou Thierry Mariani et finit par renverser la direction d'Eurotunnel grâce aux 400 millions de titre –soit 20% du capital– dont il est le porte-parole.

Devenu spécialiste en la matière, il a réussi à faire exactement le même coup avec le groupe de spiritueux et vodka Belvédère en 2011.

Il en est devenu presque par magie le premier actionnaire comme le confirme un proche du dossier.

«Dans le dossier Belvédère, c'est typique, il est arrivé un peu par surprise. On n’a pas forcément compris pourquoi. Il estime qu'il y a une affaire, un dossier et il conseille à ses lecteurs d'acheter des titres et puis ensuite – si j'ai bien compris – il leur demande de lui confier les pouvoirs. Et là comme il y a parallèlement une désagrégation du capital et que les actions des dirigeants qui contrôlaient l'affaire ont été saisies et vendues sur le marché, du coup le capital était très éclaté. C'est comme ça que Nicolas Miguet s'est retrouvé premier actionnaire, non pas lui-même, mais par le biais du pouvoir que ses lecteurs lui ont confié. Dans ce dossier, il est un homme important, puisque s'il avait voté contre ce qui avait été proposé dernièrement, ça aurait posé problème.»

Pour Nicolas Miguet, l'affaire a un tout autre son de cloche. Quand on l'interroge sur son arrivée par surprise, il avance:

«C'est totalement inexact. C'est un titre que l'on suit depuis très très très longtemps. Je l'avais conseillé à l'achat de mémoire à 55 euros et je l'avais fait vendre à plus de 200 euros, il y a cinq ou six ans de cela. Après on suit toujours les entreprises, même quand les lecteurs n'ont plus de titres. Quand il y a eu tout un tas d'événements, de conflits avec le fond de capital et autres, le cours a été assez attaqué, avec beaucoup de vendeurs à découvert. Et j'ai remarqué que le cours était assez bas. Or, on avait fait une grosse plus-value sur le titre Rhodia il y a environ un an. J'ai toujours suivi cette affaire et ce n'est pas du tout par surprise: nous avons donc conseillé à nos lecteur de réinvestir la moitié des plus values faites sur Rhodia sur ce titre spéculatif.»

Et pour ce qui est de demander à ses lecteurs de lui confier les plein-pouvoirs? Il nie également:

«Je n'ai rien demandé, Monsieur. On ne demande rien. J'informe mes lecteurs lorsque je me rends à une assemblée générale. Quand il y a un dossier qui est un peu compliqué, je m'y rends. Je vais à l'AG de Peugeot, Faurecia, Eurodisney, etc. Dès que le dossier m'oblige à aller sur place, je vais voir les dirigeants, dans des contextes où ils sont obligés de répondre à des questions. Une AG est le seul moment où vous pouvez voir un dirigeant.»

Il n'en dira pas plus à ce propos.

«Je ne suis pas Bernard Tapie»

Nicolas Miguet est un cumulard, spécialiste du mélange des genres. Il possède un journal pour «conseiller» et exciter ses lecteurs, a créé une association de petits actionnaires l'Arare (Association pour la représentation des actionnaires révoltés) pour les fédérer et joue en bout de course le porte-parole intéressé.

«Vous savez, je ne suis pas un homme d'affaires, je ne suis pas Bernard Tapie, je n'ai jamais repris des boîtes à la casse.» 

Son amour des coups fumeux et tordus lui joue pourtant des tours. Avec des condamnations pour fraude fiscale, fraude à la TVA, diffamation, injures et d'autres encore au cours des quinze dernières années, Miguet a le profil du délinquant en col blanc, de l'habitué des prétoires.

Son fidèle bras droit, Nicolas Martin du Nord, qui fut un temps son banquier avant de devenir, en 1999, le PDG de son groupe, confiait en 2003 à propos de son patron:

«Mon rôle est de l'empêcher, désormais, de faire trop de bêtises. Car c'est un formidable entrepreneur, mais il est capable de gérer comme moi d'être plombier...»

En janvier 2011 –rebelote– l'Autorité des Marchés Financiers (AMF) le condamnait à une amende bien salée de 500.000 euros pour s'être empêtré «dans un conflit d'intérêt en achetant puis revendant des actions qu'il avait conseillé à ses lecteurs d'acheter dans la lettre La Bourse».

Une astuce vieille comme la Bourse et les lettres confidentielles. Car il y a beaucoup d'actionnaires qui sont à la recherche de tuyaux et qui sont prêts à payer pour des trucs très chers en se disant que cette lettre confidentielle va leur permettre de gagner de l'argent. Souvent c'est de l'arnaque.

En conseillant une petite valeur sur une société qui a un nombre limité d'actions en circulation et si tous les jours il s'échange quelques dizaines ou centaine d'actions, il suffit de la mentionner dans cette feuille confidentielle et dire «cette valeur-là, à notre avis, pourrait monter». Et forcément, si les lecteurs achètent, comme il y a peu de transactions en volume, l’action va monter. Il n’y a plus qu’à dire: «Je vous l'avais bien dit.»

C'est précisément pour des raisons similaires que Miguet s'est fait épingler par l'AMF. Entre le 24 mars et le 2 avril 2009, le bonhomme acquiert 60.000 actions Le Belier, dont le cours est alors légèrement supérieur à un euro. Dans la foulée, entre le 24 mars et le 15 avril, voilà qu'il donne un bon tuyau sur le titre Le Belier, aux 1.500 à 2.000 abonnés qui s'acquittent chaque année de 1.069 euros pour sa lettre confidentielle. Et évidemment, la valeur du titre explose et atteint les cinq euros.

Entre le 8 et le 17 avril, Miguet revend ses actions, réalisant une très belle plus-value (s’il a acheté les actions à un euro et les a revendues à 5, 240.000 euros). Il n'a certes pas été condamné pour manipulation de cours, mais pour ne pas avoir fait part à ses lecteurs de sa petite astuce, et donc du conflit d'intérêt manifeste dans lequel il s'était fourré.

Le peu de précautions de sa part est franchement étonnant dans cette affaire, les journalistes financiers étant tout de même un peu surveillés. Il a été tenu d'afficher sa condamnation dans les journaux de son groupe ainsi que dans Investir, le magazine où il avait fait ses premières armes. 

«Tous les gens qui me connaissent disent du bien de moi»

Peut-on pour autant résumer Nicolas Miguet à un poujadiste ou un affairiste? C'est un homme qui peut vous donner du «monsieur le procureur» à la pelle ou vous dire que «vous auriez fait une bonne carrière dans la Gestapo», si, comme moi, vous lui posez des questions sur ses accointances passées avec le FN ou sa manie de vouloir récupérer des fichiers d'abonnés à tout prix.

S'il compte nombre de détracteurs parmi les journalistes économiques et autres professionnels de la finance avec lesquels je me suis entretenu, certains ont parfois loué ses qualités.

«D'un point de vue boursicotage, c'est un type qui sait lire un bilan, qui n'est pas mauvais avec la Bourse. Il s'y connaît en finance et il a bien compris qu'il y avait un créneau dans la défense des petits.»

Même Robert Lafont, qui a pourtant de quoi lui en vouloir, lui concède quelques qualités:

«C'est probablement l'un des meilleurs journalistes économiques français. En revanche, son caractère pressé et autoritaire lui font commettre de graves erreurs.»

Miguet est aussi capable d'affirmer: «Tous les gens qui me connaissent disent du bien de moi.»

Au cours de l'heure et demie que j'ai passé avec lui, il a souvent changé de posture, tour à tour hargneux, agressif, me reprochant «un manque de culture générale crasse» ou m'enjoignant à «retourner à l'école», avant de jouer les Cosette la minute suivante, pleurnichant sur le coût de ses campagnes politiques, les coups qu'il prend à longueur et les reproches que lui font ses lecteurs, l'exhortant visiblement à ne se consacrer qu'à la Bourse. Il se plaît dès qu'il le peut à rappeler que son canard vit sans publicité. «Je suis l'équivalent du Canard Enchaîné», dit-il, avant de poursuivre en changeant de ton, la voix grave:

«On parle de Nicolas Miguet aux élections, mais on ne cite jamais l'hebdomadaire dans lequel il écrit.»

Est-elle là, sa faille? Pour lui qui prétend n'être qu'un homme de lettres, peut-être est-ce difficile de réaliser qu'il ne sera jamais un grand journaliste, ni même un éditeur respecté. Alors il se console tant qu'il peut, en campant le périodiste isolé dans un système gangréné, en se gargarisant d'être le «Robin des Bois des petits actionnaires», un homme politique qui nie en être un.

Loïc H. Rechi

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