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Logement: la terre promise électorale!

Jouez hautbois, résonnez musettes: il est né le divin programme de logement. Illuminés par la pensée de l’abbé Pierre, les candidats à la présidentielle rivalisent de promesses.

Construction des décors de Metropolis. DR
Construction des décors de Metropolis. DR

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C’est Noël dès février. Les principaux candidats à l’élection présidentielle sont tous d’accord. Tous signent le «contrat social pour une nouvelle politique du logement» proposé par la Fondation abbé Pierre. Tous sont prêts à adopter l’objectif de construction de 500.000 logements par an, dont 150.000 très sociaux. Alléluia, nous sommes sauvés! Demain, nous serons tous propriétaires ou locataires d’un logement décent à un prix raisonnable.

Quelle que soit la sincérité de ces déclarations, il faut pourtant rester prudent. Annoncer des chiffres globaux comme ceux-là n’a guère de sens. La question du logement est beaucoup trop compliquée pour être réduite à de grands objectifs quantitatifs. De ce point de vue, une réunion organisée par la Fondation abbé Pierre n’est probablement pas le meilleur lieu pour lancer une véritable politique en ce domaine.

Cette fondation fait un travail remarquable, personne ne peut le contester, mais les problèmes qu’elle soulève dépassent le seul cadre du logement. Tous les drames humains dont elle se fait l’écho ont une origine bien plus complexe: on peut construire autant de logements sociaux qu’on voudra ou pourra, on ne résoudra pas de cette seule façon  les problèmes de ceux qui n’ont pas de travail, pas de revenus suffisants et sombrent dans la pauvreté. Nicolas Sarkozy, qui avait annoncé qu’il n’y aurait plus de SDF à la fin de son mandat est bien placé pour le savoir. On ne peut aborder la question du logement par le seul biais de la difficulté à se loger des plus pauvres.

Un marché dysfonctionnel

Quand la difficulté à trouver un logement concerne une grande partie de la population,  ceux qui sont en bas de l’échelle sociale souffrent encore plus que les autres, mais ce n’est probablement pas en voulant résoudre leur problème spécifique qu’on sera le plus efficace.

C’est, par exemple, ce que montrent les dernières études réalisées par l’IEIF (Institut de l’épargne immobilière et foncière), ainsi que l’explique leur auteur, Gilbert Emont:

«Ce qui est grave c’est qu’on a détruit l’escalier entre le logement social et la primo accession à la propriété ou le locatif privé. La marche est trop haute aujourd’hui».

A priori, c’est une bonne idée que de vouloir réserver les logements sociaux à ceux qui ont le plus besoin. C’est l’objectif de la loi Boutin du 25 mars 2009, dite de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, qui comporte une réduction des plafonds de ressources pour les HLM et prévoit la résiliation du bail si les ressources de l’occupant dépassent le double du plafond.

L’objectif est louable, mais cette façon répressive de résoudre le problème ne peut pas marcher si les locataires les plus aisés de logements HLM ne peuvent trouver d’autres solutions dans le secteur privé ou accéder à la propriété. Il faut non seulement construire des HLM, mais aussi des logements accessibles à la classe moyenne...

Nicolas Sarkozy peut répéter que l’on trouve dans les logements sociaux «des gens qui ne devraient pas y être», cela prouve simplement que la loi Boutin qu’il a fait voter il y a trois ans ne peut être vraiment efficace dans le contexte actuel; s’il existe bien des cas minoritaires effectivement condamnables, la plupart de ces gens restent là parce qu’ils ne peuvent faire autrement.

Le gadget des droits à construire relevés de 30%

Alors, le candidat non déclaré mais très actif a une grande idée, qu’il a lancée le 29 janvier à la télévision et développée le 2 février à Longjumeau: il faut pouvoir réaliser 30% de logements de plus sur une surface donnée et une loi va rendre cette disposition automatique pour les trois ans à venir, sauf en cas d’opposition des maires, puisque ce genre de disposition est de leur compétence.

Cette idée a reçu un accueil réservé mais poli de la part des professionnels, qui ne peuvent pas afficher trop ouvertement leurs réticences; dans les discussions privées, ils se montrent très sceptiques sur l’efficacité d’une telle mesure.

D’abord, il est clair qu’elle va conduire à une hausse du prix des terrains à bâtir. Un terrain n’a aucune valeur intrinsèque: il ne vaut que par ce qu’on peut construire dessus. Si on peut construire plus, il vaudra plus cher. Or le prix du foncier est un problème majeur dans les zones où la pénurie de logements est la plus grande. Et les coûts de construction des immeubles augmentent avec la hauteur. Surtout, nous dit un professionnel, «il est stupide d’en faire une mesure universelle, car on sait que son application ne sera pas universelle». Pour prendre l’exemple de Paris, il est évident qu’on ne va pas relever la hauteur de tous les immeubles de 30% ; il existe bien d’autres contraintes.

Effet d'annonce

Il ne faut pas se leurrer : si on ne construit pas davantage sur beaucoup de terrains, c’est parce que les maires n’y sont pas toujours très favorables, mais aussi parce que le coefficient d'occupation des sols (COS) n’est pas la seule limite. Il faut respecter l’abord des bâtiments, leur environnement, leur dimension humaine, etc.; ce n’est pas le COS qui détermine à lui seul ce que l’on va construire.

En fait, dans le monde de l’immobilier, ce que l’on reproche le plus à cette mesure, c’est de constituer un coup médiatique, au demeurant indigne d’un  Président de la République. La question des COS, c’est du niveau des maires, pas du chef de l’Etat. Une politique du logement, c’est autre chose.

Le seul aspect positif d’une telle annonce, c’est qu’elle peut favoriser la prise de conscience de la nécessité de densifier l’habitat dans les zones où c’est nécessaire, comme par exemple la première couronne de Paris. Mais une telle orientation doit s’inscrire dans la durée, pas dans un cadre limité dans le temps.

Mieux utiliser le foncier public? Pas simple!

Le Président et ses concurrents déclarés ont une autre idée : accélérer la mise à disposition de terrains publics. Ce n’est pas une idée nouvelle. L’actuelle majorité se plaît à rappeler qu’elle a construit plus de logements sociaux que le gouvernement Jospin, ce qui est exact. Mais il faut rappeler pourquoi : chaque année, le gouvernement Jospin a prévu dans le budget de l’Etat des dépenses de construction de logements sociaux et chaque année s’est terminée avec des budgets non consommés faute de terrains disponibles.

Et c’est cette expérience malheureuse qui a ensuite décidé les gouvernements suivants à s’occuper plus activement de cet aspect du problème, avec, notamment, la mission confiée en 2004 à Dominique Figeat de vendre les terrains du ministère des Transports et des entreprises placées sous sa tutelle (SNCF, RFF, RATP, etc.).

Mais si l’Etat a  beaucoup de terrains, ce n’est pas forcément là où il y en a le plus besoin. La vente de tous les anciennes casernes de l’est de la France ne change rien aux problèmes de pénurie en Ile-de-France. Et les terrains que peuvent libérer l’administration ou les entreprises publiques sont convoités pour d’autres usages tout aussi importants que le logement : universités, hôpitaux, etc.

Gratuit ou payant?

Enfin une autre question se pose : l’Etat doit-il mettre gratuitement ces terrains à la disposition des communes, ce qui est le moyen le plus efficace d’arriver à construire à un prix modéré, ou doit-il les vendre pour en tirer le meilleur profit possible et réduire ses déficits? Dans la situation actuelle des finances publiques, la question peut être légitimement posée.

Dans son programme, François Hollande annonce que cela sera fait gratuitement, en opposition à la politique suivie actuellement. Jean-François Copé, lorsqu’il était ministre délégué au Budget, a ainsi créé la Sovafim, Société de valorisation foncière et immobilière, qui, comme son nom l’indique clairement, est «dédiée à la valorisation d’actifs immobiliers en provenance de la sphère publique». De 2006 à 2010, cette seule société se flatte d’avoir contribué à la réduction des déficits publics de 800 millions d’euros. Il va y avoir des choix politiques à faire.

C’est tout le problème du logement. La question ne se règle pas par quelques déclarations fracassantes et des mesures ponctuelles. C’est une politique qui ne peut être menée qu’en utilisant toute une gamme d’instruments législatifs et fiscaux s’intégrant dans la politique d’ensemble de l’Etat et avec une vision à long terme.

Sur ce point, Nicolas Sarkozy ne rassure personne en annonçant aussi une baisse des droits de mutation. Quand on voit à quelle rapidité les mesures fiscales se suivent et annulent les précédentes… En tout cas, ce n’est pas avec ce genre de déclaration qu’il va convaincre les élus locaux de sa majorité : les droits de mutation vont aux départements et communes!

Cette idée risque d’être d’autant  plus mal accueillie que ces élus locaux sont déjà peu enthousiastes face au projet  de relèvement autoritaire des COS. Quelle mouche a piquée le Président-candidat pour qu’il heurte ainsi de front ses propres troupes? Mais que les autres candidats à la présidentielle ne se réjouissent pas trop de cette avalanche d’initiatives improvisées: pour séduire les électeurs, il leur faudra aller au-delà des belles promesses et développer des programmes réellement… constructifs.

Gérard Horny

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