France / Politique

Etonnez-nous, François Hollande!

Le candidat socialiste va enfin dévoiler son programme. On peut déjà avoir une petite idée de ce qu’on va y trouver, mais il faudrait qu’il y ait quelques surprises…

François Hollande lors d'un discours à Tulle, le 7 janvier 2012. REUTERS/Régis Duvignau.
François Hollande lors d'un discours à Tulle, le 7 janvier 2012. REUTERS/Régis Duvignau.

Temps de lecture: 4 minutes

François Hollande a de bonnes raisons de ne pas dévoiler son programme trop tôt: son principal adversaire ne s’est pas encore officiellement déclaré et il sait que ses propositions, à peine dévoilées, vont être aussitôt mises en pièces par les porte-flingues de l’Elysée qui attendent ce moment avec impatience. Pour autant, il ne lui est plus possible d’attendre: si l’on prétend à l’exercice du pouvoir, on ne peut rester trop longtemps dans le flou sur ses intentions. Le moment est venu et va marquer un tournant décisif de la compagne présidentielle.

Pas de quoi susciter l’enthousiasme

A quoi faut-il s’attendre? En matière économique, le candidat du PS a déjà fait savoir qu’il reprendrait à son compte bon nombre des propositions émises par son parti dans le projet socialiste 2012. Mais il va lui falloir définir des priorités, préciser des objectifs un peu trop généraux et, surtout, mettre un peu d’âme là où les dirigeants du PS n’ont mis que de la technique. L’expérience montre qu’il est dangereux de trop personnaliser les mesures envisagées, de se présenter comme le futur président du pouvoir d’achat ou de l’emploi…. Mais François Hollande doit enfin s’engager.

La présentation de ce programme va être d’autant plus déterminante que, jusqu’à présent, le candidat du PS n’a pas brillé par son audace: les propositions socialistes qu’il a déjà reprises à son compte n’ont pas de quoi susciter l’enthousiasme et les quelques initiatives qu’il a pu prendre en réponse à l’actualité (comme par exemple le retour à la TIPP flottante sur les carburants) n’ont pas convaincu.

Des nouveautés… qui existent déjà

Mesure numéro un du PS reprise par son candidat: la création d’une banque publique d’investissement pour soutenir les PME et prendre des participations dans des activités stratégiques et des filières industrielles d’avenir. Le moins que l’on puisse dire est que cette proposition ne brille pas par son originalité. A tout hasard, rappelons qu’il existe déjà un organisme appelé Oséo, dont l’objectif est précisément le financement de l’innovation et de la croissance des PME, et que le FSI (Fonds stratégique d’investissement), détenu conjointement par l’Etat et la Caisse des dépôts, a pour objectif de prendre des participations dans des entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française.

Dans le même ordre d’idées, François Hollande propose de «redresser l’industrie française». Etrange, personne n’y avait pensé auparavant! Et pour financer les PME, il envisage la création d’un nouvel instrument d’épargne, le livret de croissance. Curieux, cela rappelle étrangement le livret de développement durable, qui a pris la succession du Codevi.

Mesure numéro deux: baisser l’impôt sur les sociétés pour les entreprises qui réinvestissent et l’augmenter pour celles qui privilégient le versement de dividendes aux actionnaires. Là, c’est un retour aux sources des années Mitterrand! A première vue, l’idée ne paraît pas mauvaise, mais son application ne semble pas aussi féconde qu’on pourrait le penser. D’ailleurs l’Allemagne, jusqu’au début des années 2000, a fait strictement le contraire en imposant davantage les bénéfices mis en réserve que les bénéfices distribués; cela ne semble pas lui avoir trop mal réussi…

«Mettre un terme à l’irrationalité des marchés»

Bref, il y a les idées qui ne paraissent pas apporter quelque chose de fondamentalement nouveau ou être de nature à mobiliser les électeurs, et puis il y a celles dont on ne voit pas comment elle pourront être mises en œuvre. En ce domaine, la plus étonnante est probablement celle-ci: «Je mettrai un terme à l’irrationalité des marchés». Là, chapeau bas, même Nicolas Sarkozy, l’homme qui affirmait «Les paradis fiscaux, le secret bancaire, c’est fini», n’avait pas osé aller jusque là. 

Sur le fond, on comprend très bien ce que veut dire François Hollande et ce qu’il voudrait. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que «la reprise de contrôle politique de la finance internationale» n’est pas pour demain.  Un candidat peut déclarer qu’il agira en ce sens et qu’il consacrera à la réalisation de cet objectif une partie importante de son temps et de son énergie, mais il ne peut prendre aucun engagement en un domaine où la réussite dépend de la volonté d’autres chefs d’Etat.

D’ailleurs, François Hollande ne se démarque pas beaucoup de l’actuel président de la République lorsqu’il affirme vouloir créer une taxe sur les transactions internationales. Pour y arriver, il reste beaucoup à faire, ne serait-ce qu’au sein même de l’Union européenne.

Tous impuissants!

En fait, pour tout candidat, la question majeure est là: comment vaincre l’incrédulité des électeurs?  Plus que le «tous pourris», qui a fait en d’autres temps la bonne fortune de démagogues, c’est le «tous impuissants» qui exprime le mieux actuellement le sentiment général. Même s’ils accordent quelque crédit à certains hommes politiques et s’ils les estiment sincères et honnêtes, les électeurs sont peu nombreux à croire qu’ils peuvent faire quelque chose pour eux. Comme si toutes les décisions se prenaient ailleurs, dans des cercles de pouvoir économique et financier sur lesquels nos dirigeants n’auraient aucune prise. Et, de fait, pour une grande part, notre avenir se discute au niveau européen ou mondial.

Un candidat à la présidentielle doit impérativement dire dans quel état d’esprit il entamerait son action internationale. Mais ce n’est pas sur ce point, si important soit-il, qu’il peut faire la différence. Quand François Hollande déclare que la «relance de la construction européenne se fera en étroite collaboration avec l’Allemagne», en quoi se différencie-t-il de Nicolas Sarkozy? Et n’est-il pas probable qu'Angela Merkel préférerait continuer à travailler avec l’actuel président, qu’elle connaît et dont elle est plus proche idéologiquement?

Impôts, retraite, emploi des jeunes

S’il veut convaincre, François Hollande doit impérativement annoncer des mesures fortes dont la réalisation ne dépendra que de la future majorité au Parlement national. Parmi elles doit figurer le rapprochement de l’impôt sur le revenu et de la CSG, pour ne faire qu’un seul impôt progressif touchant tous les revenus.

Il y a aussi l’indispensable clarification sur le sujet de la retraite: comment défendre, au moins partiellement, la retraite à 60 ans tout en reconnaissant qu’il serait normal de travailler plus longtemps quand l’espérance de vie augmente? En quoi consistera cette réforme de la fiscalité locale annoncée et comment le candidat compte-t-il s’y prendre pour définir une «nouvelle assiette pour les cotisations sociales»? Comment fera-t-il pour financer toutes les mesures annoncées en faveur des jeunes et de l’éducation?

Mais cela ne peut suffire: le monde a beaucoup changé depuis Jaurès et Blum. Le candidat socialiste devra annoncer quelques mesures phares en matière de pouvoir d’achat ou d’emploi des jeunes, pouvant être appliquées rapidement et de nature à rassembler une large partie de la gauche, mais il va devoir aussi innover et défricher quelques champs d’action pour la gauche du XXIe siècle. Même s’il est fortement incité à ne pas dérouter ses électeurs potentiels et donc à rester très conventionnel, il doit indiquer quelques pistes nouvelles.

Paraphrasant une vieille chanson de Françoise Hardy, sur des paroles de Patrick Modiano (c’était en 1968), on serait tenté de lui dire ce que beaucoup attendent de lui: «Etonnez-moi, François.» Souvenez-vous de la dernière strophe:

«Étonnez-moi
Car de vous à moi
Cela ne peut pas, cela ne peut pas
Durer comme ça
Car de vous à moi
C'est fou ce qu'on s'ennuie, tu sais»

Gérard Horny

cover
-
/
cover

Liste de lecture