Culture

Britney est de retour. Encore.

Mieux que Madonna et George W. Bush réunis, entre scandales non planifiés et rédemptions ratées.

Temps de lecture: 5 minutes

Mercredi 6 mai, 10h00: ouverture à la vente des tickets pour les deux concerts de Britney Spears à Paris les 5 et 6 juillet. On la croyait (re)finie: ses concerts américains, puis londoniens affichent tous complets, et la chanteuse prolonge le volet européen de sa tournée...

Près de onze ans après «...Baby one more time», des milliers de personnes se ruent pour acheter des places dont le prix est compris entre 70€ et 100€, juste pour voir de loin une petite blonde à moitié nue faire du play-back sur des chorégraphies plus ou moins élaborées. Sa voix n'est pas plus impressionnante que ça, elle n'est pas plus jolie que sa dizaine de concurrentes et imitatrices, et sa carrière est aussi chaotique que sa santé mentale, qu'est-ce qui explique le succès mondial jamais diminué de Britney Spears?

Fausse vierge sacrifiée à la Madonna

1998, alors les Backstreet Boys et les Spice Girls survolent les charts, Larry Rudolph décide de la nouvelle tendance qui dépassera celle des boy and girl bands: la starlette pop préadolescente, qui attirera les jeunes fans en même temps que les vieux concupiscents. Un peu comme Madonna à ses débuts? Pas vraiment. Dès «Lucky star», son premier clip, Madonna est une punkette qui s'habille gothique et se mord les lèvres langoureusement. Dans «Borderline», sa deuxième vidéo, elle boit du Martini, tague les murs et embrasse les garçons. Britney, elle, est «vendue» de façon beaucoup plus ambigüe. Certes, sa jupette d'écolière et son ventre nu dans «...Baby one more time» émoustillent les foules, mais cette image est immédiatement contrebalancée par son deuxième single: «Sometimes» élève le gnangnan au rang d'art, entre les robes virginales de la jeune chanteuse et le cœur qu'elle forme avec ses danseurs en guise de choréographie.

A ses débuts, les managers de la native de Louisiane passent leur temps à la «vendre» aux jeunes Américains et à leurs parents: Britney jure vouloir rester vierge jusqu'au mariage, comme sont censés l'être tous les jeunes Américains, tout en la sexualisant — la couverture de RollingStone par David LaChapelle en 1999 pour ne donner qu'un exemple. Ça marche: Spears bénéficie d'une couverture médiatique exceptionnelle et l'Amérique — l'Europe aussi mais dans une moindre mesure — se retrouve avec des mini-Brit à chaque coin de rue. Cette ambivalence dure jusqu'à Britney, son troisième album sorti en 2001: «I'm a slave 4 U» a des paroles et un clip hyper sexualisés (sueur, danse du ventre, et références subtiles à des scènes orgiaques), mais est immédiatement suivi de la sortie du titre «I'm not a girl, not yet a woman», où Britney affirme qu'elle n'est encore qu'une adolescente.

Quand elle sort «Like a virgin», Madonna a déjà un album derrière elle et un début d'image de rebelle. Elle a beau s'y balader dans une robe de mariée virginale, les paroles sont claires: elle se sent «comme pucelle» grâce à son nouvel amour, ce qui signifie bien qu'elle ne l'est pas, pucelle. A aucun moment Madonna n'a cherché à nuancer sa sexualité. Madonna est bien sûr célèbre pour ses scandales qui ont choqué l'Amérique puritaine, mais ces scandales, elle les choisit et les met en scène. La star avoue elle-même être une «control freak», c'est-à-dire qu'elle a besoin d'être en contrôle total et permanent de sa musique, de son image, de sa carrière.

Clairement, ce n'est pas le cas de Britney Spears. Là où son aînée est depuis ses débuts une business woman avérée, la lolita star continue d'être ballotée de manager en manager. Après les responsables de Disney dans sa période au Mickey Mouse Club, puis ceux de sa maison de disques Jive ensuite, elle est passée sous le contrôle de vrais faux amis et amants, avant qu'un juge ne demande qu'elle soit mise sous tutelle de son père. Elle a 26 ans, un divorce et deux enfants au compteur.

La rédemption façon George W Bush

C'est au moins le troisième supposé come-back de Spears. C'est que la figure de l'«underdog», le cheval qui perd toujours la course et sur qui on mise tout de même, dans l'attente d'un miracle, mobilise les fans. Il n'y a qu'à se tourner vers George W. Bush pour comprendre l'attrait du loser devenu un gagnant.

Britney Spears est à la presse people ce que George W. Bush est au journalisme politique: une source constante de lecteurs et de clics. Comme l'explique Harvey Levin, le fondateur du site people TMZ, à Rolling Stone, «On fait une saga de Britney Spears. Elle est notre Président Bush». Et le magazine de déveloper: «Elle est la célébrité parfaite pour l'Amérique en déclin. Comme le président Bush, elle n'en a juste rien à foutre, mais au moins on n'aura pas à réparer ses dégâts pour le reste de nos vies».

Britney Spears prend trop d'alcool, de drogues et de médicaments, au point d'être attachée à la civière qui l'a emmené à l'hôpital un soir de crise. Celui qui est devenu le 43ème président des Etats-Unis aime à rappeler qu'il était loin d'être un «citoyen modèle» pendant ses années fac. Il a admis son problème avec l'alcool pour mieux raconter comme il s'est repris en main grâce à sa famille et, bien sûr, à Dieu. C'est que la transformation passe par la rédemption. Sauf que contrairement à George W. Bush, sauvé une fois pour toute, Britney Spears passe son temps à tomber au fond du gouffre pour mieux en resortir le temps de quelques chansons et concerts à succès, puis replonger dans ses démons personnels, et ainsi de suite.

On ne sait pas si la chanteuse se tourne vers dieu pour lutter contre ses addictions dans la vraie vie, mais le clip de sa chanson «Everytime» (2004) fait appel à des symboles religieux: Britney est légèrement blessée dans une cohue de fans et de paparazzi. Revenue dans sa chambre d'hôtel elle prend un bain, et se rend compte que son crâne saigne. Sa main est couverte de sang façon stigmate christique. Elle perd conscience et s'enfonce dans l'eau. Une Britney sort alors de la lumière blanche, simplement vêtue d'une longue chemise d'homme et d'un crucifix en pendantif, et regarde les secouristes s'affairer sur son corps sans succès. Dans les dernières secondes, retour sur Britney dans son bain qui sort brusquement la tête de l'eau, soulagée de n'avoir pas coulé. Britney voulait mourir dans sa vidéo, entourée par des pilules et des bouteilles. Sa maison de disque a refusé, s'est servi à la place des paparazzi, et l'a faite sortir de l'eau, purifiée.

Sublimer ses limites

C'est peut-être justement dans ses chansons qu'il faut chercher pour comprendre ce qui fait le succès de Britney Spears. La petite fiancée de l'Amérique a craqué. Sous la pression d'une vie entièrement contrôlée par ses managers et sa famille, des paparazzi dont elle est la cliente préférée, elle s'est rasée la tête, a attaqué une voiture de photographes à coups de parapluie et a décidé de sortir sans petite culotte.

Incapable de gérer ses scandales personnels a priori, Britney — ou son entourage — sait en tout cas les sublimer a posteriori, dans la musique. Ses fans et les médias décrient son mariage avec Kevin Federline, l'un de ses danseurs vu comme un opportuniste malin? Britney met en scène la cérémonie dans sa reprise de «My prerogative», en chantant «Tout le monde dit tous ces trucs sur moi/ Pourquoi ils ne me laissent pas vivre?/ Je n'ai pas besoin de permission / Je prends mes propres décisions». Elle passe plus de temps dans les tabloïds que dans les studios d'enregistrement? Le clip de «Piece of me» la filme tentant d'échaper aux paparazzi prêts à tout pour prendre sa (non)culotte en photo, alors qu'elle se trémousse en expliquant: «Je suis Miss American Dream depuis que j'ai 17 ans... Je suis Miss mauvais Karma un nouveau jour, un nouveau drame».

Pour son dernier come-back, la chanteuse a même planifié un vrai/faux scandale professionnel: en choisissant de sortir en single sa chanson, «If U seek Amy», (littéralement «Si tu cherches Amy»), qui cache un jeu de mots osé, elle savait pertinemment qu'elle déclencherait les foudres des associations de parents américains. D'ailleurs, son clip commence et se termine par une fausse présentatrice commentant l'affaire, reprenant mot pour mot les paroles d'une vraie présentatrice de la chaîne conservatrice Fox, outrée par la chanson et son impact sur les jeunes.

Des anciens élèves du Mickey Mouse Club, Justin Timberlake a échappé aux *Nsync pour devenir une super star du R&B, Christina Aguilera a assuré son passage à l'âge adulte sans scandales personnels, seule Britney Spears s'est enfermée dans son propre mythe. Un mythe qui fonctionne au point de devenir une étiquette que l'on colle à toutes les mini pop stars à peine pubères qui font les bonheurs de MTV mais que seule Britney Spears sait faire durer. Un come-back? Non! Britney Spears n'est jamais partie.

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