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Pas de trêve des confiseurs pour la police grecque. Ni pour les moines du Mont Athos. Dans la nuit du vendredi 23 au samedi 24 décembre, les forces de l’ordre ont encerclé le monastère Vatopedi, un des plus riches, sinon le plus riche, des vingt couvents de la République monastique, située sur la péninsule de Chalcidique au nord de la mer Egée. Des barrages routiers et un cordon de vedettes ont empêché quiconque de fuir.
Le suspect recherché n’était autre que l’archimandrite Ephraïm, un Grec chypriote, qui a été le prieur de ce monastère. Bien que le moine ait promis de se rendre spontanément à la justice, la police est venue le cueillir afin d’exécuter une décision de la Cour d’appel. Et sans doute aussi afin de faire un exemple à un moment où le gouvernement de Loukas Papademos semble enfin prendre au sérieux la lutte contre la corruption.
Souffrant de diabète et d’une forte fièvre, Ephraïm a échappé à la prison. Il a été assigné à résidence dans son monastère et a passé le jour de Noël dans sa cellule gardée par un policier. Que lui reproche-t-on? De s’être enrichi dans un scandale immobilier qui secoue la Grèce depuis plus de cinq ans.
Exhibant un édit de l’époque byzantine, le monastère Vatopedi et son prieur ont convaincu en 2005 le gouvernement conservateur de Costas Caramanlis qu’ils étaient propriétaire du lac de Vistonida en Thrace occidentale. Ils ont échangé cette pièce d’eau contre des biens immobiliers appartenant à l’Etat grec, qu’ils ont revendu ensuite avec un bénéfice conséquent.
Cette opération aurait rapporté plus de 100 millions d’euros et 200 millions d’euros ont été retrouvés par les enquêteurs sur le compte bancaire d’Ephraïm. Trois ministres du gouvernement Caramanlis avaient été contraints à la démission à la suite de cette affaire. Heureusement pour eux, ils ne seront pas poursuivis, le parlement grec ayant décidé en février 2011 que l’affaire était prescrite. Pour les anciens ministres. Mais pas pour les moines.
L’opération Vistonida n’est en effet qu’un épisode parmi d’autres. L’Eglise orthodoxe qui est le principal propriétaire terrien de Grèce – et qui, rappelons-le, ne paie pas d’impôts sur son patrimoine – s’est livrée ces dernières années à de nombreux échanges du même type que Vistonida. Pas moins de deux cents quarante, dit-on. Le principe était toujours le même. L’Eglise obtenait de l’Etat des biens immobiliers, souvent sous-évalués, dans des lieux recherchés comme Athènes, et les revendait en faisant un confortable profit.
Les moines de Vatopedi se sentaient peut-être à l’abri des poursuites d’une justice grecque qui jusqu’à maintenant n’avait pas montré un zèle excessif. Le monastère passe en effet pour être un lieu de rencontre pour célébrités du monde entier, membres de la famille royale britannique, riches armateurs grecs basés à Londres ou à Chypre, oligarques russes et leur ami Vladimir Poutine, etc.
Toutes ses personnalités apprécient la discrétion d’un lieu où les visiteurs – masculins – ne sont admis qu’en petit nombre et pour un temps limité. Les femmes, elles, sont interdites dans toute la république semi-autonome du Mont Athos en vertu d’un édit du XIe siècle.
Mais peut-être les temps sont-ils en train de changer en Grèce. Bien que les moines du Mont Athos dépendent, pour les affaires religieuses, du patriarche de Constantinople (Istanbul) et non de l’archevêque de Grèce, Mgr Ieronymos, celui-ci a exprimé tout le respect que lui inspire la justice de son pays. Il a toutefois regretté que les autorités aient choisi de faire des misères à l’archimandrite Ephraïm justement la veille de Noël.
Daniel Vernet