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Affaire DSK: le Sofitel et Accor démentent

Le BlackBerry de DSK était-il piraté? Pourquoi est-il introuvable? Et que signifie cette scène de liesse entre un employé du Sofitel et un anonyme après le témoignage de Nafissatou Diallo? L'enquête d'un journaliste américain relance l'affaire.

Temps de lecture: 4 minutes

Rebondissement dans l'affaire DSK du Sofitel? Edward Epstein, fait état, au terme de ses recherches, de nouvelles zones d’ombres concernant Dominique Strauss-Kahn et l’affaire du Sofitel à New York.

Dans un long article pour la New York Review of Books, que nous avons pu nous procurer et désormais accessible en ligne, le journaliste d’investigation américain retrace le fil de la fameuse journée du 14 mai 2011 et soulève de nouvelles questions à propos de ce dossier déjà très enchevêtré.

A la lecture de cet article, William Taylor, l'un des avocats américains de Dominique Strauss-Kahn, a affirmé dans un communiqué que le comportement des représentants du Sofitel et du groupe Accor était «sérieusement mis en question», et a relancé la thèse d'un complot contre son client:

«Nous ne pouvons plus exclure la possibilité que Dominique Strauss-Kahn ait été la cible d'un effort délibéré de le détruire en tant que force politique.»

Douglas Wigdor, l'un des avocats de Nafissatou Diallo, a qualifié l'article de «grotesque», «basé ni sur des faits, ni sur des preuves», ajoutant :

«C'est plus que grotesque et irresponsable de dire que Mme Diallo fait partie d'un complot gouvernemental pour faire tomber DSK.»

Voilà ce que l'article raconte, dans le détail:

1. La scène de liesse à l'hôtel

A 12h26, après sa rencontre avec DSK, Nafissatou Diallo entre dans la chambre 2820 dans laquelle elle serait déjà allée «plusieurs fois» plus tôt dans la matinée.

Une à deux minutes après être passée par la chambre 2820, elle re-rentre dans la suite présidentielle 2806 que DSK a quittée. Quand elle sort, elle rencontre son superviseur dans le couloir et lui demande ce qui se passerait si un client abusait d'une employée.

A 12h52, elle est prise en charge par le service de sécurité de l'hôtel. A 13h03, John Sheehan, un expert des questions de sécurité «identifié sur son profil LinkedIn comme "directeur de la sûreté et de la sécurité chez Accor", est appelé par le Sofitel.

Son supérieur, rappelle Epstein, est René-Georges Querry, un ancien membre de la brigade antigang, qui «a travaillé dans la police avec Ange Mancini, coordinateur national du renseignement du président Sarkozy».  En route, il passe au moins un coup de fil (avec le préfixe 646).

A 13h33, Brian Yearwood, ingénieur en chef du Sofitel (qui est entré dans la suite présidentielle à 12h51, souligne Epstein), et l'homme –anonyme– qui a accompagné Nafissatou Diallo jusqu'au bureau de la sécurité s'éloignent du groupe qui s'est formé autour de Diallo. A regarder les bandes vidéo de l'hôtel, ils se félicitent, frappent dans leurs mains et se lancent dans «ce qui ressemble à une extraordinaire danse de fête qui dure trois minutes».

La police arrivera sur place à 14h05.

Le Sofitel, qui a revisionné les bandes à la sortie de l'article, a réagi officiellement ce dimanche 27 novembre, affirmant au Figaro que les réjouissements entre les deux hommes «ont duré huit secondes, sans qu'aucune "extraordinaire danse de fête" n'ait pu être constatée».

Le management de l'hôtel a également dit avoir interrogé les deux protagonistes, de la mini célébration, qui «ont catégoriquement nié que cet échange ait quelque lien que ce soit avec Monsieur Strauss-Kahn».

Quant à la chambre 2820, qu'Edward Epstein considère mystérieuse dans le déroulement des faits du 14 mai, son occupant a «procédé au règlement de sa chambre (check-out) à 11h36 et la femme de ménage a fait le ménage de cette chambre immédiatement après» a indiqué l'hôtel, confirmant la chronologie établie par Newsweek à l'été 2011.

2. Le piratage

Dans la matinée, DSK apprend par une amie «qui travaille temporairement comme documentaliste au siège parisien de l'UMP» qu'«au moins un de ses e-mails privés récemment envoyés depuis son BlackBerry à son épouse, Anne Sinclair, a été lu dans les bureaux de l'UMP à Paris».

Le journaliste souligne que la façon dont l'UMP aurait pu recevoir cet email n'est pas claire (depuis, l'UMP, par la voix de Jean-François Copé dans Les Inrocks, a démenti formellement l'«article et les allégations»).  

«Mais s'il provient de son BlackBerry, il a des raisons de croire qu'il est sous surveillance électronique à New York. Il a déjà été prévenu par un ami du corps diplomatique français que l'on pourrait essayer de l'embarrasser avec un scandale.»

DSK, toujours selon Epstein, téléphone à Anne Sinclair, depuis le fameux BlackBerry, à 10h07. Il lui explique qu'il a «un gros problème» et lui demande de contacter un de ses amis, Stéphane Fouks, pour lui demander au retour de DSK à Paris d’analyser le portable et son iPad pour savoir s’il est sur écoute.

Viennent ensuite les 6 à 7 minutes, entre 12h06-07 et 12h13 durant lesquelles Nafissatou Diallo est dans la chambre 2806 avec lui et qu'Epstein décrit selon les mots du rapport du procureur de New York: «un rapport sexuel hâtif».

A 12h13, il appelle sa fille Camille, depuis son BlackBerry, pour la prévenir qu'il aura du retard pour leur déjeuner. A 12h28, les caméras de l'hôtel montrent DSK partant du Sofitel.

A 12h51, selon BlackBerry, le téléphone est déconnecté et «la circuiterie du GPS désactivée». «Si on excepte la possibilité d'un accident, pour qu'un téléphone soit mis hors service de cette façon, il faut, selon un expert légal, une connaissance technique du fonctionnement du BlackBerry», précise Epstein (Comme le fait remarquer un utilisateur de Twitter, désactiver le GPS d'un BlackBerry n'est pas bien compliqué. Reste donc à savoir ce qu'Epstein entend par «la circuiterie du GPS» pour comprendre si cette désactivation de la géolocalisation est à la portée de tous ou non).

A 12h54, les caméras du restaurant montrent DSK arriver.

 

3. Le BlackBerry disparu

Comme on l'a vu plus haut, DSK appelle sa fille à 12h13. Puis ne se sert plus de son BlackBerry. Peu après 14h15, alors qu'il quitte le restaurant pour se rendre à l'aéroport, DSK se rend compte qu'il n'a plus le téléphone, qu'il voulait faire analyser.

Il appelle sa fille pour savoir s'il ne l'a pas oublié au restaurant. A 15h01, il appelle en vain son BlackBerry avec un autre téléphone. A 15h29, il appelle l'hôtel pour savoir s'il n'a pas oublié son BlackBerry chez eux. C'est lors de ces échanges qu'il dit qu'il est à l'aéroport JFK. La police l'arrête à 16h45. Le BlackBerry n'a pas été retrouvé.

Edward Jay Epstein est un journaliste américain d'investigation. En 1966, il a publié Inquest, une critique de la Commission Warren sur l'assassinat de John F Kennedy, auxquels il a consacré deux autres livres.

Cécile Chalancon

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