France

Gang des barbares à huis clos

Le jour où j'ai vu Audrey

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Premier jour du procès des assassins présumés d'Ilan Halimi: tout le monde tient sa place. Très attendu par les parties civiles, le procès du «gang des barbares» accusé du rapt d'Ilan Halimi, a enfin débuté devant la cour d'assises de Paris. Un procès électrique pour une affaire hors norme.

Tellement de choses ont, d'ailleurs, été dites et écrites sur ce meurtre sordide qui a fait ressurgir en France le spectre de l'antisémitisme, que les principaux protagonistes de l'affaire ont semblé jouer un rôle distribué d'avance ce mercredi.

Fofana, le principal accusé, n'a pas manqué de défier la cour tout comme il l'avait fait face aux magistrats lors de l'instruction du dossier. Aussitôt rentré dans le box des accusés, cet homme de 28 ans d'origine ivoirienne a levé le poing en criant «Allah!». Collier de barbe et crâne rasé, vêtu d'un sweat-shirt d'un blanc immaculé, il n'a eu de cesse de narguer l'assistance d'un petit sourire goguenard. Plutôt que de décliner son identité comme le lui demandait la présidente, il se choisit le prénom «d'Arabs», pour «Africaine révolte armée barbare salafiste». Pour date et lieu de naissance, il annonce le 13 février 2006, à Sainte-Geneviève-des-Bois, le jour et l'endroit où a été supplicié Ilan Halimi.

Ses défenseurs, eux, n'ont pas manqué de rappeler la présomption d'innocence, la «campagne de marketing politique et religieux» contre leur client qui, à leurs yeux, devait être traité comme un «être humain». En vain, avec d'autres conseils du gang, ils ont tenté d'influer sur le déroulement de cette première journée en contestant des points de procédure.

Tout aussi en vain, les parties civiles ont demandé la publicité des débats qui se tiendront, comme prévu, à huis clos à cause de la présence de deux mineurs dans le groupe des accusés. La mère d'Ilan Halimi, Ruth, a passé une bonne partie de la journée à fixer du regard l'assassin présumé de son fils, sans provoquer une quelconque réaction de sa part. Dans la salle, amis et parents d'Ilan se mélangeaient avec les proches des accusés.

Dehors et devant la salle d'audience, de jeunes militants arborant kippas et drapeaux israéliens ont agressé et insulté ceux qu'ils croyaient êtres des proches des membres du gang. La mère et le frère de Fofana ont passé un mauvais moment. Les forces de l'ordre étaient, elles aussi, à cran surtout lorsque à quelques reprises elles semblaient débordées par l'organisation et la détermination des manifestants juifs qui criaient «Justice pour Ilan!» et «Fofana salaud!».

Comme attendu aussi, la presse était là, en grand nombre. Cameramen, photographes et journalistes de tous les médias sont venus renforcer le petit groupe des chroniqueurs judiciaires pour qui ce Palais de justice est une seconde maison. Conviés puis évacués de la salle par vagues successives, nous avons passé la journée à guetter les apparitions des avocats pour obtenir un peu plus d'information sur ce qui se passait «à l'intérieur».Un exercice auquel, nous serons réduits jusqu'à la fin des débats, début juillet.

Chroniquer un procès est un exercice où il faut être très patient et assidu pour espérer obtenir autre chose que les dépêches limpides des «professionnels de la profession»... Comme l'apparition fugace, ce mercredi 29 avril, d'une jeune femme frêle et recroquevillée sur elle même, au visage si familier: Audrey Lorleach que personne ne reconnaît lorsqu'elle arrive parce que, contrairement à ce qui avait été dit, son portrait robot lui ressemble très peu. Pourtant, c'est elle la «blonde», cette jeune femme que Youssouf Fofana voulait utiliser pour appâter de «riches juifs», mais qui n'est pas allée jusqu'au bout de l'entreprise.

Amante occasionnelle d'un autre membre du gang, c'est surtout elle qui met, enfin, les policiers sur la bonne piste en décidant de se rendre aux autorités au lendemain de la mort d'Ilan. Pourquoi ne pas l'avoir fait avant? «C'est la seule qui a dit non à Fofana et c'est elle qui a permis le démantèlement du gang, ça ne vous suffit pas?», s'énerve tout de suite son truculent avocat, Me Jean Balan, entre deux bouffées de cigarette. Et c'est pour cela qu'elle comparaît libre, sous contrôle judiciaire, après un passage par la case prison. Pâle, les traits tirés, elle se blottit dans un coin de l'entrée de la salle réservée à la presse, avant d'être rapidement repérée et discrètement prise en charge par Marie-Laure, la jolie brune associée de Me Balan. Celle-ci la guide jusqu'à sa place parmi les autres accusés qui comparaissent libres et ne la perd plus du regard.

Comment a-t-elle vécu ses dernières années? «Elle a réussi à refaire sa vie», souffle Me Balan qui ne veut pas en dire plus pour l'instant. Marie-Laure, elle, est allée régulièrement la visiter en prison et s'est beaucoup employée à l'aider à se redresser. Peut-être, un jour, lorsque le procès sera fini Audrey racontera elle son histoire? Pour l'instant, elle se contente de décliner d'une voix atone son identité et sa date de naissance. Dans l'affaire d'Ilan, elle n'est poursuivie que pour «non dénonciation de crime».

Alexandre Levy

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