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Entre inné et acquis, l'origine de l'homosexualité idéologisée

De l’hypothèse génétique aux gender studies qui pencheraient vers une très importante influence de la société, les réflexions autour de l’origine de la sexualité sont aussi nombreuses qu'idéologisées.

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Glee, série musicale à succès. 18e épisode de la seconde saison. Will, le professeur de la chorale, espère récompenser aussi bien ses élèves que les fans de la série. Il leur propose de travailler sur Lady Gaga. Le but de la leçon, puisqu'il y a toujours un but avec Will, est de faire comprendre aux élèves qu'ils doivent s'accepter tels qu'ils sont. Et selon lui, personne d'autre que Gaga ne peut faire comprendre ce qu'elle expliquait si bien dans Born this way, c'est à dire «né ainsi».

Lady Gaga adorera l'épisode. Au point de féliciter le «courage» et le «combat» de l’équipe de Glee. Bien accueilli par la critique également, l'épisode fait néanmoins lever quelques sourcils.

Pour certains conservateur américains, l'école où se déroule Glee est un endroit «où beaucoup de parents ne voudraient jamais envoyer leurs enfants». C’est la vision du réalisateur sur la banalisation de la question gay qui s’exprime dans cet épisode, ajoutent-ils mais certainement pas celles de la majorité des Américains.

D'autres critiques, et également quelques militants pour les droits LGBT (lesbien-gay-bi-trans), ont, quant à eux, été surpris que la chanson ait été édulcorée de ce couplet dédié aux combats LGBT:

«Qu'importe une vie gay, hétéro, bi, lesbienne ou transgenre; je suis sur les bons rails bébé, je suis né pour survivre.» 

Born This Way est un hymne à l'acceptation de soi qui sert également d'autres causes. Un jeune homosexuel l’avait repris dans un témoignage dans le cadre du projet «It gets better». Il déclarait que Lady Gaga le rendait «heureux» en lui rappelant qu’il était né ainsi. Ce qui ne l’empêcha pas de se suicider le 19 septembre 2011 à cause du harcèlement de ses camarades de classe.

L'homosexualité n'est pas un choix

Un site reprend également le titre de Lady Gaga pour en faire son étendard. Il demande aux homosexuels d'envoyer des photos d'eux jeunes pour montrer qu'ils ont toujours été gays. Leur homosexualité n'est pas un choix, souligne le concepteur du blog. Il espère ainsi récuser, de la manière la plus simple possible, les remarques des conservateurs et chrétiens intégristes qui supposent qu'on peut prier pour transformer les homosexuels, «pray the gay away».

Les photos affichées reprennent pour beaucoup des clichés qu'on véhicule sur les homosexuels, car elles présentent régulièrement des gays efféminés et des lesbiennes masculines. Même si le responsable du site prévient:

«Il y a beaucoup de photos qui ne présentent pas d'enfants avec des comportements opposés à leur genre. Comme dans la vraie vie, les enfants LGBT présentés ici existent dans toutes les formes et les styles du masculin au féminin.»

Dire «je suis né homosexuel», de la même manière que Nicolas Sarkozy a pu dire «je suis né hétérosexuel» pendant la campagne de 2007, n'est pas anodin. Une des idées sous-jacente, très prégnante chez certains militants LGBT aux États-Unis, est d'arriver à prouver une origine génétique de l'homosexualité.

Il faut selon eux trouver des justifications scientifiques pour éviter les attaques de leurs adversaires. En plaçant leur cause à l'intérieur de leurs gènes, ils espèrent rejoindre les militants qu'ils ont côtoyés dans leurs combats: les Afro-américains pour les droits civiques ainsi que les femmes et le féminisme.

«Naître ainsi» ou «devenir celui qu'on choisit d'être»?

En 2006, deux chercheurs américains avaient cherché à relancer l'intérêt pour la recherche génétique d'une origine de l'homosexualité. Ils expliquaient que si on ne pouvait trouver un seul gène, on pourrait néanmoins repérer un certain nombre de gènes polymorphes impliqués. Dans Technology Review, Michel Raymond, chercheur en biologie humaine, expliquait dans une interview de 2007 qu’on avait déjà démontré que pour 20% des homosexuels mâles, leur sexualité pouvait être expliquée par un nombre élevé de grands frères. Selon lui, c’était un bon début, et cela prouvait que des recherches sur l’origine de la sexualité n’étaient pas vaines. Il ajoutait:

«Scientifiquement, je ne parierais pas sur une absence complète de facteurs génétiques.»

Nicolas Sarkozy ne s’était pas contenté de se déclarer «né hétérosexuel» pendant la campagne présidentielle. Il avait également parlé du «dépistage de la violence chez les enfants de moins de 3 ans». En réaction, le collectif Pasde0deconduite avait publié un communiqué intitulé «Non, les gènes ne commandent pas le comportement et le destin des humains». Et appelé notamment à rejeter les «thèses hygiénistes dans l’élaboration des politiques publiques de santé, d’éducation et d’action sociale».

Le plus important, selon eux, étant de ne pas négliger l’importance de l’éducation et du libre arbitre dans le choix de chacun à «devenir celui qu’il choisit d’être».

Une explication génétique contre-productive

Jean-Luc Romero, conseiller régional d'Île-de-France et auteur de Homo politicus, sur les relations entre les hommes politiques et l'homosexualité, écarte le besoin de chercher des origines à l'homosexualité. 

«On a prouvé que ce n'était pas contre-nature, puisque des animaux ont des comportements homosexuels, le reste du débat est inutile. Je suis homo, un point c'est tout.»

Il explique ensuite que se pencher sur l’origine de l’homosexualité «pourrait même devenir défavorable». Car quoi qu'en pensent les militants LGBT américains, trouver une origine génétique, par exemple, à la sexualité ne calmerait pas les ardeurs des anti. Pour la bonne raison que la génétique permettrait, selon eux, de «dépister» les homosexuels avant la naissance.

Lord Jakobovits, premier rabbin du Royaume-Uni,  l’exprimait par exemple en déclarant qu’il ne voyait «aucune objection morale à utiliser l’ingénierie génétique pour limiter ces tendances» si les parents le souhaitaient.

La sexualité construite

La réponse génétique n’est pas la seule hypothèse proposée. Car, à côté des biologistes, d’autres se penchent sur la façon dont la sexualité se construit. Débutées dans les années 1970 par des chercheuses féministes et inspirée par la «French theory» de Deleuze ou Derrida, les gender studies cherchent à déconstruire toutes les conceptions relatives au genre ou au sexe. Elles expliquent la sexualité comme un système en construction, influencé entre autres par la société.

Ce sont notamment ces études qui ont inspiré une nouvelle partie du programme proposé aux élèves de première en sciences de la vie et de la Terre, même si le ministre précise que le terme «gender studies» n'apparaît pas en tant que tel. Dans le chapitre «Féminin, masculin», le ministère de l'Éducation nationale déclare: 

«On saisira l’occasion d’affirmer que si l’identité sexuelle et les rôles sexuels dans la société avec leurs stéréotypes appartiennent à la sphère publique, l’orientation sexuelle fait partie, elle, de la sphère privée. Cette distinction conduit à porter l’attention sur les phénomènes biologiques concernés.»

Dans les manuels scolaires, cela se traduit par une partie sur la distinction entre le genre et le sexe et des passages sur l’orientation sexuelle. Ce sont ces phrases qui ont mis en colère Christine Boutin en mai 2011 et que 80 députés, poussés par ceux de la Droite Populaire, ont opportunément dénoncé fin août à l'occasion de la rentrée.

L'exemplarité pour mieux se construire

Les Associations familiales catholiques dénoncent dans une pétition le fait que, selon ces manuels, on puisse «choisir son "orientation sexuelle"». Ce qui les dérange dans ce qu’ils appellent la «théorie du genre», c’est le fait qu’on centre la sexualité sur le plaisir personnel et que soient distinguées la procréation et la sexualité, ce qui n’est pas compatible avec les enseignements de la Bible.

Christine Boutin refuse qu'on puisse apprendre aux enfants un «parti-pris idéologique» en le présentant comme une «vérité scientifique» et laisse entendre que l'apparition dans les programmes de cette doctrine vient de «groupes minoritaires en mal d'imposer une vision de la "normalité" que beaucoup de Français ne partagent pas».

Une des craintes des associations catholiques est également que ces enseignements exposent les jeunes à l’homosexualité à un âge où «les repères structurants manquent déjà, particulièrement dans le domaine de la sexualité». Et donc, sous-entendu, que ces cours les convertissent en homosexuels.

Alors qu’au contraire, ce qui semble manquer aux jeunes homosexuels, ce sont justement des repères dans le cadre scolaire. «L'exemplarité aide à mieux se construire», remarque Jean-Luc Romero, qui espère trouver rapidement dans les manuels des personnalités auprès desquelles les jeunes pourraient s'identifier, quelle que soit leur orientation sexuelle.

Alexandre Léchenet

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