Économie

Pourquoi le taux de chômage grimpe-t-il?

Parce que la zone euro crée des emplois… mais en nombre insuffisant.

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La zone euro butte sur le seuil de 10% du taux de chômage. Et pourtant elle crée des emplois. Pour le deuxième trimestre 2011, Eurostat qui tient à jour les statistiques concernant l’Union européenne, évaluait à 0,3% la hausse du nombre de personnes ayant un emploi dans les 17 pays de la zone par rapport au trimestre précédent.

Cette croissance est un peu anémique. Mais sur seulement trois mois, elle n’est pas négligeable avec une mention particulière pour le secteur des activités financières et des services aux entreprises (0,9% d’emplois en plus) et le commerce, les transports et les communications (+0,5%). En revanche, la progression a été moins évidente dans le secteur manufacturier et la construction (+0,2%). 

Globalement, alors que la zone euro avait dû faire face à une baisse récurrente de l’emploi pendant six trimestres consécutifs de l’automne 2008 à la fin 2009, un début de tendance favorable semblerait se confirmer depuis la mi-2010.
Le nombre de chômeurs a un peu reculé: à la fin du mois d’août, on en comptait 38.000 de moins en 3 mois, et 215.000 sur un an

L’amélioration de la situation reste cependant peu sensible. Dans les 17 pays de la zone, 15,74 millions de personnes sont toujours en quête d’emploi et sur un mois, Eurostat ne peut noter d’amélioration significative.

Chômage stable

Ainsi, malgré un frémissement, la courbe globale des taux de chômage reste plate à 10% pour la zone euro, avec des minima en Autriche (3,7%) et aux Pays-Bas (4,6%) et un maximum en Espagne (plus de 21%).  L’Allemagne se situe à 6% (plutôt en baisse sur 2011) et la France à 9,9% (plutôt en hausse).

Attention, toutefois, aux comparaisons d’un pays à l’autre. Les autorités néerlandaises ont vite fait de sortir des statistiques les personnes handicapées en recherche d’emploi, en le justifiant par le versement d’une allocation spécifique. Et dans les pays du nord, le travail à temps partiel est plus répandu que dans le sud, ce qui n’est pas forcément positif pour le pouvoir d’achat des salariés. On note que l’Allemagne reste globalement portée par ses exportations, un pilier qui manque à la France où la croissance est seulement entretenue par la consommation. Quant à l’Espagne, elle fait les frais d’une politique de croissance prioritairement fondée sur le marché de l’immobilier. L’explosion de la bulle immobilière a jeté sur le pavé les salariés des entreprises qui ont fait faillite.

Croissance démographique

Si l’Europe crée des emplois, pourquoi le chômage ne recule-t-il pas? La réponse est dans l’augmentation de la population active, liée à la croissance démographique et à la hausse du taux d’activité.

Avec ses 17 membres, la zone euro compte 331 millions de personnes  sur les 502 millions de l’Union européenne à 27. Et cette population augmente: un million de personnes en plus dans la zone euro pour la seule année 2010.

Par ailleurs, le taux d’activité, qui mesure le nombre d’actifs de 15 ans à 64 ans  par rapport à la population totale, est en hausse. Par exemple au Danemark, en Suède, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Autriche et en Finlande, ce taux est supérieur à 75%, ce qui signifie que plus de trois personnes sur quatre sont sur le marché de l’emploi. En France il est de l’ordre de 71%.

Au final, la population active augmente plus vite que les créations d’emplois. Et le taux de chômage, qui correspond au pourcentage de chômeurs dans la population active, grimpe.

Cette situation est due aussi bien à l’évolution sociétale qu’au recul de l’âge de la retraite. Ces facteurs élargissent la population impliquée dans un processus d’emploi. Pour l’économie de la zone euro en général et son avenir, ce dynamisme démographique du monde du travail est une richesse.

Mais il explique aussi pourquoi le nombre d’emplois créés ne parvient pas à faire baisser le taux de chômage. Et pourquoi les jeunes éprouvent tant de difficultés à entrer sur le marché du travail: 20,4% des moins de 25 ans étaient au chômage dans la zone euro en août dernier.

Avec un pic à 46,2% en Espagne, où les jeunes sont doublement pénalisés: beaucoup travaillaient dans le secteur immobilier, désormais sinistré, et beaucoup ne disposaient que de contrats précaires, le gouvernement espagnol ayant misé sur un marché du travail très souple, à base de contrats à durée déterminée.

Prévisions pessimistes

On connaît la solution au problème: elle réside dans la croissance économique. Avant la crise, on estimait qu’elle devait être supérieure à 2% pour générer un solde net d’emplois et faire reculer le chômage. Aujourd’hui, on considère que la croissance est plus riche en emplois, c'est-à-dire qu’elle génère plus d’emplois à progression identique. Ce qui permet d’abaisser le curseur, et d’établir qu’un taux de chômage commence effectivement à reculer à partir d’une croissance de 1,5%.

Malheureusement, les perspectives économiques sont révisées à la baisse. Dans son rapport d’automne, le Fonds monétaire international (FMI) a durci ses prévisions tablant sur 1,6% de croissance cette année pour la zone euro et seulement 1,1% en 2012.  «La crise dans la zone euro continue de prendre de l’ampleur. Les mesures approuvées lors du sommet européen du 21 juillet 2011 constituent des progrès importants, mais il est urgent de déployer des efforts supplémentaires», commente le Fonds.

Le FMI n’est pas le seul à laisser transparaître un certain pessimiste: les statistiques de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne vont dans le même sens. Sombre perspective: avec de tels niveaux de croissance, l’expérience montre que les économies détruisent plus d’emplois qu’elles n’en créent. Il ne sera pas facile pour les 17 membres de la zone euro de faire reculer le chômage en 2012.

Gilles Bridier

Chronique également parue sur Emploiparlonsnet

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