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Pourquoi Herman Cain est-il populaire auprès des républicains?

Le candidat a un attrait: celui de la simplicité.

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Un candidat de tête médiocre talonné par un prétendant surgi de nulle part et tirant de sa poche un nouveau projet d’impôt. Autrefois, ce fut Bob Dole, Steve Forbes et la «flat tax». Aujourd’hui, ce sont Mitt Romney, Herman Cain et le «plan 9-9-9». On pardonnera aux Républicains s’ils se croient revenus en 1996.

Voici quinze ans, un conservateur résumait ainsi son enthousiasme pour Dole: c’est comme embrasser sa sœur. Avec Romney, il s’agirait plutôt d’embrasser un mannequin à l’effigie de sa sœur. Cain est à présent le troisième candidat, après Michele Bachmann et Rick Perry, à émerger dans les sondages en tant que challenger de celui qu’on considère comme le favori: selon un sondage NBC News/Wall Street Journal, Cain devance même Romney chez les républicains, par 27% contre 23%. De plus, il défend une attrayante proposition fiscale qui lui a rapporté beaucoup d’intérêt.

Toutefois, ce qui différencie Cain, c’est qu’il s’est fait l’avocat le plus fervent du Gospel de la Simplicité: l’idée selon laquelle les solutions ne sont pas aussi compliquées que le disent les experts, et que les responsables de l’essentiel de nos difficultés sont ceux qui prêchent la complexité.

Le problème de Romney

Lors du dernier débat, Cain a pris Romney pour cible en lui demandant d’énoncer l’intégralité des 59 points de son programme économique. Romney a répondu que la réalité économique était plus complexe: «Les réponses simples sont très utiles, mais bien souvent inadéquates.» Plus tard, Cain a balayé ce «renvoi dans les cordes», en déclarant: «La simplicité, c’est le génie.» Un slogan familier: à peu de choses près, c’est ce que Ross Perot avait l’habitude de répéter.

Cette passion de la simplicité résonne chez les partisans de Cain comme Diane Harris de Naples, en Floride, qui a voté pour Cain lors d’un sondage mené le mois dernier au sein de militants conservateurs en Floride.

«Il est logique que Romney, politicien et bureaucrate ait dit cela. Les bureaucrates prennent un temps fou avant d’agir. Ils ne vont jamais droit au but. Il va tirer de sa manche un bon vieux plan. On en a assez. Il existe des solutions de bon sens pour remédier aux problèmes, mais les gens ne cessent de rajouter des couches et des couches jusqu’à ce qu’on se retrouve au milieu de l’eau avec un boulet autour du cou.»

Si l’on énumérait tous ceux qui prêchent la complexité, on se retrouverait avec une liste des méchants du monde politique actuel: avocats, politiciens, chefs de parti traditionnels, et la presse. La complexité, c’est ce qui explique les problèmes de Romney, car c’est un nom de code pour qualifier l’absence de principes et le retournement de veste.

L'anti-Obama

Lorsqu’on parle de complexité aux partisans de Cain et aux conservateurs, ils comprennent qu’on leur prépare une entourloupe. Comme le souligne mon collègue David Weigel, c’est ce qui explique la force du projet 9-9-9: son équité. Impossible d’aller chez son avocat chercher une ruse pour payer moins.

À cet égard, Cain n’est pas seulement l’anti-Romney. C’est aussi l’anti-Obama. Le président bat tous les records de longueur dans ses réponses. Il ne s’agit pas pour autant d’ignorantisme revendiqué —les partisans de Cain dans le récent sondage du Wall Street Journal ont fait des études supérieures.

C’était le rôle que Perry devait incarner. C’était également l’atout de Donald Trump. Mais Trump s’est retiré de la course, et Perry est toujours en déroute. Si Cain a un problème, c’est peut-être l’absence d’organisation derrière lui, qui lui permettrait de transformer son soutien en véritable campagne. Mais cette absence n’est pas dissuasive pour ses partisans —à l’inverse, c’est un atout. C’est la preuve de son authenticité.

Cain doit à présent trouver le moyen de garder sa place sous les projecteurs, et se démarquer des autres candidats non-Romney. Son projet 9-9-9 a subi de violentes attaques, aussi bien à gauche, où l’on considère qu’il menace les pauvres, et à droite, où les militants anti-impôt comme Grover Norquist se soucient de la TVA. Cain devra également répondre de son soutien au plan de sauvetage du système financier, qui reste en travers de la gorge des mêmes militants Tea Party qui l’adorent d’autre part.

Le gospel de la simplicité repose sur les mêmes choses ques l’espoir et le changement en leur temps: l’agréable sonorité de mots énoncés avec confiance. Le revers de la médaille de cette simplicité, c’est qu’elle peut servir de couverture à un candidat qui n’a pas fait son travail et refuse de s’en soucier. C’est ce que lui reprochent les conseillers de Cain qui l’ont lâché l’été dernier: il n’est pas vraiment prêt à se consacrer à la tâche ardue d’une candidature aux présidentielles.

On peut le sentir dans les réponses de Cain à ses détracteurs. Répondant à une critique adressée à la facette TVA de son programme, Cain a lancé à un électeur du New Hampshire: «Vous êtes satisfait du code des impôts actuel? Vous savez ce qu’il dit? Au moins, avec le mien, on le sait.» Ce n’est pas vraiment un argument. Bien des réponses de Cain manquent de l’à-propos de ce débat de 1994 avec Bill Clinton.

En 1996, Forbes était si peu connu que Dole fut en mesure de l’enfermer dans une étiquette et de le battre une fois les primaires engagées. Ce fut une campagne très négative, qui coûta fort cher à Dole. Ce ne sera probablement pas ainsi que finira l’affrontement entre Cain et Romney. Cain n’est pas assez riche. Il a également soutenu Romney en 2008, ce qui rend plus délicat de prétendre qu’il souffre d’une carence rédhibitoire. Cain surfe sur une vague d’enthousiasme et profite de son heure de gloire. Reste à voir comment il pourra convertir tout cela en suffrages. Cela risque d’être compliqué.

John Dickerson

Traduit par David Korn

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