France

Le PCF veut faire de la résistance

Après 91 ans d’existence, il tente de survivre grâce au Front de Gauche. Au risque de s’effacer.

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«Le PCF est mort, Mélenchon l’a tué», peut-on lire sur certains forums communistes. Preuve que le candidat du «bruit et de la fureur» ne fait pas l’unanimité au sein du Parti communiste. L’ancien secrétaire général Robert Hue, parmi les premiers à avoir montré son hostilité à la candidature commune du président du Parti de Gauche, a pris ses distances avec la direction buffetiste en décembre 2008.

Robert Hue a alors créé son propre mouvement, le Mouvement unitaire progressiste, tout en permettant la double-adhésion avec le PCF. «L’outil PCF, c’est fini. Je respecte les militants communistes y compris les purs et durs. Souvent, quand on est faible, on a tendance au repli. Mais ça n’est pas la solution», balançait en décembre 2010 un membre du mouvement. Et d’ajouter, sur la même ligne que Robert Hue: «Il fait le coucou, notre ami Mélenchon. Il fait son nid avec le Parti communiste pour avoir sa propre structure après 2012.»

Hue vote Hollande

Chantre de la stratégie d’union avec le PS qui a conduit à la gauche plurielle de Lionel Jospin, Robert Hue avait annoncé publiquement son intention de voter pour François Hollande lors de la primaire socialiste. Une prise de position logique pour le spécialiste du PCF Dominique Andolfatto:

«Pour un ancien dirigeant du PCF, il est sans doute difficile de se ranger derrière un ex-trotskiste. Robert Hue a toujours joué le jeu de l'union avec le PS et, en tant que secrétaire national du PCF, a été longtemps l'interlocuteur du premier secrétaire du PS, alors François Hollande. Des liens se sont sans doute noués. Cette stratégie d'union, Hue l'a toujours privilégiée, dénonçant au passage les  choix ou les hésitations de Marie-George Buffet.»

«Le PCF a connu un effondrement tragique avec Hue», observe Romain Ducoulombier, auteur de De Lénine à Castro. Idées reçues sur un siècle de communisme. L’effondrement s’est poursuivi jusqu’au cinglant revers de Marie-George Buffet, tombée à moins de 2% lors de l’élection présidentielle de 2007, loin derrière Olivier Besancenot. Un affront. C’est pourquoi, sous l’impulsion de la candidate malheureuse, dès 2007, la nouvelle direction a cherché à créer un grand parti de la gauche de la gauche.

Issu de l’euphorie de la victoire du non au référendum européen de 2005, le Front de Gauche est une association entre un «un petit parti de 8.000 adhérents», dixit l’historien Romain Ducoulombier, et un vieux mastodonte de 91 ans. Mais après avoir pratiquement disparu des écrans radars, le PCF y a trouvé un moyen d’exister pour mieux survivre. «Le PCF n'a plus grand chose à voir avec celui qui marqua la vie politique des années 30 aux années 70. Son audience électorale, ses effectifs militants se sont effondrés», explique Dominique Andolfatto à propos d’un parti qui reste le troisième de France tant financièrement qu’en termes d’implantation électorale locale.

«Défaut de charisme»

En optant pour Jean-Luc Mélenchon en juin dernier, pour les représenter à l’élection présidentielle, les communistes ont abandonné l’idée d’une candidature propre. Une première depuis 1974, rappelle Dominique Andolfatto:

«En 1965 puis en 1974, le PCF soutint dès le premier tour François Mitterrand. Cela s'inscrivait dans une stratégie d'union de la gauche mais, plus au fond, l'appareil redoutait une échéance trop personnalisée, en rupture avec ses pratiques organisationnelles collectives, ou encore le défaut d'une partie de son électorat, attiré par des candidats au charisme plus fort que ceux qu'il pourrait présenter ou privilégiant un "vote utile". A compter de 1981, le "vote utile" puis le défaut de charisme des candidats présentés par le PCF sont pour beaucoup dans l’effondrement de son audience électorale lors des présidentielles.»

«Je ne dirai pas que le PCF a été phagocyté», ajoute-t-il. «Il a préféré s'effacer purement et simplement.» Mais élus comme militants, apeurés de se faire grignoter, sont inquiets de cet effacement progressif du Parti communiste dans le paysage politique. Pourtant, il semble que la marque Front de Gauche, plus porteuse et moins connotée que celle du PCF, apporte un bénéfice en termes d’image. «Le titre Front de Gauche a deux avantages», explique Romain Ducoulombier. «Cela rappelle la gauche et marque son clivage face à la droite. Et cela l’oppose à un autre front, le Front national.»

Historiquement grand parti de la classe ouvrière, qui y était bien représentée, le PCF est devenu un parti d’élus où les ouvriers ne représentent plus qu’environ 7% du Conseil national. Un changement sociologique qui pose la question de son positionnement sur l’échiquier politique, alors qu'il est tiraillé par ses extrêmes. «A cause de son alliance avec le Parti de gauche, le PCF ne peut plus faire alliance avec le PS et EELV», estime Romain Ducoulombier. Or, les communistes n’ont pu avoir un groupe parlementaire qu’avec le concours bienveillant des socialistes. Un casse-tête. Robert Hue, qui vient d’être réélu sénateur, incarne ce PCF d’élus locaux qui doivent beaucoup au PS. Quid donc d’une participation à un futur gouvernement socialiste?

20% des circonscriptions au Parti de gauche

Qu’en sera-t-il aussi lors des prochaines législatives, maintenant qu’un accord électoral a été conclu offrant 20% de ses circonscriptions au Parti de gauche? Pourrait alors se poser la question d’une recomposition plus profonde du Front de gauche, selon Dominique Andolfatto: 

«Il faudrait envisager l'émergence d'une organisation telle Die Linke en Allemagne. Mais cette perspective ne paraît pas encore tracée, le PCF hésitant à conserver son autonomie de parti d'élus locaux, avec sa poignée de parlementaires et sa base de militants intermittents. Autonomie qui doit beaucoup à des liens avec le PS, en contradiction avec une éventuelle recomposition avec le PG

In fine, de la stratégie adoptée dépend aussi la survie financière d’un parti dont les comptes étaient moribonds avant qu’il ne se décide à liquider ses actifs. Une partie de son patrimoine culturel offert par Aragon, Chagall et d’autres a ainsi été vendue. Deux des six étages de son siège historique, place du Colonel-Fabien, sont disponibles à la location. «Un étage est loué à un cabinet d'architecte, un demi-étage est loué à une société de production de film d'animation, l'autre demi étage étant loué à la fédération de Paris», nous a détaillé le PCF.

Une autre partie du financement du parti est soumise à la générosité des élus, obligés de reverser une bonne proportion de leur indemnité. «Si la situation s’est stabilisée, elle n’est pas résolue», pense Romain Ducoulombier. Et elle risque de se compliquer à nouveau si le nombre d’élus baisse.

«Une mémoire communiste»

Dans l’imaginaire collectif et dans l’héritage politique issu de l’après-guerre, que reste-t-il du PCF mis à part la Fête de l’Huma, son grand raout médiatique annuel à la Courneuve? «Pas grand-chose», estime Romain Ducoulombier. «Il est plus facile de savoir ce que le PCF n’est plus plutôt que ce qu’il est.» S’il a abandonné sa ligne marxiste-léniniste au profit d’un réformisme de gauche loin du productivisme marxiste, le PCF continue d’exister grâce à une permanence mémorielle, selon Dominique Andolfatto:

«Demeure tout de même une mémoire communiste, voire une certaine hypermnésie en lien avec la Résistance, certaines réformes sociales de la Libération, la fonction tribunitienne longtemps remplie par le parti... L'entrée dans le Larousse d'Ambroise Croizat, qui fut l'un des porteurs de ces réformes de la Libération, symbolise cette mémoire.»

Sébastien Tronche

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