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A Cuba, la Revolución prend l’autoroute!

Raúl Castro légalise la vente d’autos neuves, interdite depuis 1959. Belle opportunité pour les constructeurs et les automobilistes, mais aussi pour les spéculateurs proches du régime.

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Les grands constructeurs automobiles, déprimés par l’atonie générale des immatriculations en Europe et aux Etats-Unis, vont peut-être retrouver le sourire avec l’ouverture d’un nouveau marché. Enfin, un tout petit sourire puisqu’il s’agit de l’ouverture d’un tout petit marché, pour dire la vérité…

Mais bon, faute de grives, on mange des merles! Et l’on subodore que messieurs Peugeot, Renault, Ford et Toyota ont immédiatement allumé un Cohiba Espléndidos de 18 centimètres en apprenant, fin septembre, qu’il serait à nouveau possible de vendre des voitures neuves à Cuba après 52 ans d’interdiction.

C’est que tout fout le camp en Caraïbe marxiste depuis que Raúl a remplacé Fidel, lequel a même troqué son uniforme kaki pour un survêt Adidas: plus un jour ne se passe sans qu’une réforme capitaliste ou une autre ne soit annoncée sur l’île, qu’il s’agisse du droit de devenir propriétaire de sa maison, d’ouvrir un commerce ou de recruter ses propres salariés... Quant au licenciement d’un million de bureaucrates gouvernementaux, sur une population totale de onze millions d’âmes, il relativise pas mal le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite de notre Lider maximo à nous.

Pour autant, la création d’un marché automobile digne du XXIe siècle n’est pas qu’une opération politique et économique. C’est aussi un phénomène esthétique et éditorial: si La Havane, où circulent essentiellement de belles américaines à ailerons de requins d’avant 1959, voit ses rues se peupler de Clio, de Polo et de Yaris, il va falloir sacrément renouveler un stock de cartes postales et de brochures de tour-operators jusqu’à présent jugé intemporel.

Ah, on repère bien aussi quelques Lada moins antédiluviennes sur le Malecón ―certains apparatchiks ayant eu la possibilité d’injecter leurs pesos non-convertibles dans l’économie russe jusqu’à la chute du Mur― mais, de l’avis général, elles sont bien moins fiables que les Studebaker et autres Chevrolet rafistolées!

«Acheter une auto? Mais avec quels sous? Va voir le camarade Machin, il va t’arranger ça»

Concrètement, les constructeurs du monde entier ne vont pas se précipiter pour ouvrir des réseaux de concessionnaires à travers tout le pays («Grand garage Citroën de la Baie des Cochons, ouvert tous les jours sauf en cas de débarquement de mercenaires à la solde la CIA!»), Cuba jouant alors les relais de la croissance mondiale au côté de la Chine, du Brésil et de l’Inde. Non: dans un premier temps, le commerce automobile copiera les mécanismes tortueux de celui du cannabis sous d’autres cieux ―où l’on tolère plus que l’on autorise vraiment.

Ainsi, s’il devient possible d’acheter une auto neuve chez un importateur contrôlé par l’Etat, il faut pouvoir expliquer d’où vient l’argent, ce qui est rarement une option pour un Cubain moyen abonné au business officieux.

Mais coup de chance, il devient également légal pour les particuliers de se vendre des véhicules récents les uns aux autres (signature du contrat devant notaire, 4% de taxe)! Les Cubains disposant de revenus officiels en devises (athlètes, personnes autorisées à voyager, nomenklaturistes…) achèteront donc des véhicules aux concessionnaires publics qu’ils revendront immédiatement à leurs compatriotes moins «connectés» en prélevant leur commission et tout le monde sera (plus ou moins) content…

Oh, trêve de mauvais esprit! Au train où vont les choses, l’ouverture du premier showroom Ferrari sur la Plaza de la Revolución n’est plus qu’une question de temps. C’est juste cette phase d’accumulation primitive du capital et de constitution d’une oligarchie crédible qui est toujours un peu délicate… Et qu’on se s’inquiète pas, les Studebaker continueront de transporter les touristes nostalgiques. Non, la seule vraie question qui reste en suspens, à ce stade, c’est: mais que deviendront les Lada?

Hugues Serraf

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