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Quand verra-t-on le premier «super-milliardaire»?

Quand la plus grosse fortune du monde dépassera-t-elle mille milliards de dollars?

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Lundi 19 septembre, l’administration Obama a proposé une nouvelle tranche d’imposition pour les millionnaires et les milliardaires, dans le cadre d’un plan de 4.400 milliards de dollars visant à faire reculer la dette américaine. Certains républicains, notamment le député Paul Ryan, ont dénoncé cette proposition, la qualifiant de «guerre des classes». Mais le président Obama s’en est défendu: ce n’est que justice.

Depuis que la récession sévit, les Américains les plus fortunés ont continué à s’enrichir. Le monde moderne se caractérise, entre autres, par des fortunes exponentielles. Avec un peu de chance, un dirigeant de hedge fund peut gagner des milliards en une seule année. Alors verrons-nous bientôt apparaître le premier «trillionnaire» (multimilliardaire dont la fortune s’élèverait au moins à un millier de milliards de dollars)?

La réponse à cette question dépend de divers paramètres. Notamment l’inflation, les taux d’imposition et la croissance économique globale. Prenons un premier exemple, où notre hypothétique «trillionaire» (ndlr en anglais, un «trillion» signifie 1.000 milliards) serait aussi riche que l'Américain actuellement le plus aisé, Bill Gates, dont le patrimoine net est estimé à 56 milliards de dollars. Etant donné que l’inflation dévalorise progressivement le dollar, il sera, au fil du temps, «de plus en plus facile» de franchir la barre du trillion de dollar (en fait, nous avons presque tous été, dans notre vie, des trillionaires zimbabwéens.)

Si l’inflation des Etats-Unis se situe en moyenne à 3% par an et que la plus grosse fortune américaine avoisine celle de Bill Gates, l’Amérique comptera son premier trillionaire dans 98 ans! Imaginons maintenant que le plus nanti des Américains voie sa richesse augmenter chaque année à un taux de non pas 3%, comme l'inflation, mais de 6%: dans ce cas, cette personne possèderait 1.000 milliard de dollars dans 50 ans.

Bill Gates depuis 15 ans

Et encore, quand on voit la vitesse à laquelle les hyper-riches ont multiplié leur fortune, ce pourrait être plus tôt. Mesurer le rythme de la croissance des revenus de l’Américain le plus opulent est un exercice délicat; ces 15 dernières années, il s’est pratiquement résumé à suivre l'évolution des actifs d'un seul individu: le patron de Microsoft, Bill Gates. (Son ami Warren Buffett, qui a prêté son nom à l'ISF à l'américaine que souhaite mettre en place Obama, lui est brièvement passé devant en 2008.)

La richesse de Bill Gates a suivi la sinusoïde du cours de l'action Microsoft, avec un pic au plus fort de la bulle informatique, en 1999: un patrimoine mirobolant de 90 milliards de dollars. Mais en tablant sur un taux de croissance annuel moyen compris entre 4 et 9%, la plus grosse fortune des Etats-Unis pourrait atteindre le millier de milliards de dollars entre 2050 et 2085 – si tant est que le droit fiscal ne subisse pas entre-temps de modifications majeures et que l’économie soit par ailleurs saine.

On aurait tort de croire que le premier trillionaire sera américain. Supposons que le patron de Facebook, Mark Zuckeberg (27 ans), revienne sur sa décision de donner une bonne partie de sa fortune – environ 8 milliards de dollars – à des œuvres caritatives et l’investisse judicieusement ces 25 prochaines années: même en dégageant un retour sur investissement à la Madoff de 20% par an, il n’arriverait pas au millier de milliards.

En effet, le premier à amasser une telle somme en dollars viendra très vraisemblablement d’un pays plus favorable à la concentration de la richesse. Un pays dont le taux de croissance est plus élevé, où les industries connaissent une expansion rapide, les réglementations économiques sont peu nombreuses et les taxes moins élevées. Rappelons que depuis deux ans, c’est le magnat des affaires mexicain Carlos Slim Helu qui détient le titre d’«homme le plus riche du monde», devant Bill Gates and et Waren Buffett.

 

On peut imaginer que le premier trillionaire fera fortune dans les matières premières. A l’heure actuelle, c’est un filon plus qu’excellent: la demande des pays émergents est insatiable; celle des pays développés ne devrait pas chuter dans un avenir prévisible. La famille la plus riche du monde, les Al Nahyan (qui vivent à Abu Dhabi), cumule un patrimoine estimé à 150 milliards de dollars, qu’elle doit au cours élevé du pétrole.

Quelques décennies de prix forts à la pompe, d'investissements intelligents et d'inflation du dollar et le patrimoine de cette famille pourrait dépasser la barre du trillion de dollars. (Pour comparaison, les Walton, la famille américaine la plus fortunée, qui possède la célèbre chaîne de centres commerciaux Wal-Mart, détient 90 milliards de dollars.)

Une famille ou un individu a-t-il déjà constitué un capital de mille milliards de dollars (en tenant compte de l’inflation)? Vraisemblablement pas. La fortune personnelle de l’homme le plus riche de tous les temps, l'Américain John Rockefeller – amassée à l'époque des requins de l'industrie –, approchait les 320 milliards de dollars (valeur actuelle). Même les Rothschild, ces banquiers européens dont le patrimoine est évalué à plusieurs centaines de milliards de dollars, et dont le patronyme est devenu synonyme d’immense fortune, n’ont probablement jamais atteint le montant astronomique de 1.000.000.000.000 dollars!

Annie Lowrey

Traduit par Micha Cziffra

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