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Quand les gouvernements cesseront-ils de mentir?

La solution à la crise tient en un mot: fédéralisme. Il est temps de le dire aux citoyens et de demander leur avis aux électeurs.

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La crise est d'abord une crise politique. Les dirigeants occidentaux ne sont pas à la hauteur du gigantesque mouvement des plaques de la prospérité d'ouest en est, d'Europe et d'Amérique vers les Brics. Ils sont incapables de voir, d'expliquer et de présenter aux peuples les efforts d'adaptation nécessaires. Ils tergiversent, ils croient encore sauver l'ordre ancien ou pis: ils se réfugient dans la nostalgie plus lointaine de l'identité et de la nation.

Beaucoup se trompent; quelques-uns sont cyniques: la dure vérité n'est jamais bonne à dire... En voici deux exemples, à vingt-quatre heures d'intervalle: la rigueur en France, l'Europe fédérale en Allemagne.

Le budget 2012 en France a donné, mercredi, le spectacle du parfait double discours. Voyez mes ailes messieurs les marchés financiers: je fais de l'austérité pour conserver mon triple A. Ma détermination est entière. Français, voyez mes pattes: je ne m'appelle pas austérité.

Ne croyez surtout pas que le président Sarkozy, le candidat du pouvoir d'achat, soit l'homme d'un revirement. Les autres pays font de l'austérité, la France non. Elle coupe 150.000 postes de fonctionnaires, elle économise 45 milliards sur 2011-2012, dont 50% par des réductions de dépenses, mais non, ce n'est pas de la rigueur. Enfin, ça l'est pour les marchés, ça ne l'est pas pour les Français.

Quand les gouvernements cesseront-ils de raconter des sornettes?

Peut-être quand le président Sarkozy se sera, enfin, déterminé lui-même pour savoir qui il est de Guaino-la dépense ou de Fillon-l'orthodoxie.

Peut-être quand la France aura, enfin, une stratégie économique et une seule.

Quand Sarkozy II aura défini ce que sera la ligne de son prochain mandat.

En attendant, on maquille la vérité de la rigueur que le peuple voit et qu'au fond de lui il admet. On la maquille et on dénonce en creux les marchés qui l'imposeraient.

En Allemagne, le Bundestag était appelé à voter jeudi pour le deuxième plan d'aide à la Grèce. L'essentiel était de doubler à 440 milliards les capacités du Fonds européen de stabilité financière (FESF), la pompe à incendie qui manque pour parer à un embrasement du Portugal et des banques si «on» décide d'un défaut grec.

Concrètement, le vote porte sur le passage de la garantie allemande de 123 à 211 milliards. Mais, déjà, les dirigeants font savoir que cela ne suffirait pas si l'Italie était contaminée et qu'il faut élargir jusqu'à 2.000 milliards les capacités du Fonds. Quid alors de la garantie des Allemands? Chut! Votez! On s'occupe du reste. Plusieurs élus du parti d’Angela Merkel renâclent à accepter ce tour de passe-passe. Ils ont raison.

La Grèce doit rester dans l'euro

Tout comme le responsable de la France devrait cesser de mentir sur une rigueur honteuse aux Français, les responsables européens devraient cesser d'avancer dans un fédéralisme de travers.

Il faut sauver la zone euro, il faut que la Grèce y reste, il le faut face à la Chine: une grande majorité d'Européens se rallie à cette idée. Ce sauvetage passe par le FESF et par plus de fédéralisme. Mais la façon cachée dont les gouvernements avancent dans cette direction risque de monter une nouvelle fois les peuples contre l'Europe. Il y a omission et tromperie, on le voit. Il y a aussi incohérence: les gouvernants croient possible un fédéralisme interétatique, oxymore démocratiquement dangereux.

On le voit sur le fond: l'austérité n'est présentable que si elle vient d'ailleurs, imposée par ces marchés transformés en boucs émissaires ou, comme en Grèce, par une troïka (Commission, FMI, BCE) qui met carrément le pays sous tutelle.

On le voit sur la forme: le couple franco-allemand, tant bien que mal rabiboché, décide et dicte sa décision. Il faut bien agir dans l'urgence, objectera-t-on. Et les chemins de l'Europe n'ont jamais été droits. C'est juste. Le couple franco-allemand est le seul moteur possible. Mais dans toute cette affaire, les gouvernements tordent les traités et molestent les Parlements, comme ils ont hier contourné les référendums sur la Constitution européenne.

Il faut en revenir au départ: si l'Europe est en crise, si l'Union monétaire est menacée de se défaire, c’est qu’à Maastricht a été refusée l'union politique. Aujourd'hui, il faut avancer dans cette voie.

Croire qu'on peut le faire de biais et en préservant l'interétatisme est une erreur. C'est l'Europe des Etats-nations qui est en échec. Une union désormais fédérale est indispensable: il faut le dire aux peuples et leur demander leur avis. Sinon la crise reviendra vite.

Eric Le Boucher

Chronique également parue dans Les Echos

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