France

Défaite au Sénat, affaires, divisions... la sale semaine de Nicolas Sarkozy

La gauche enregistre une victoire historique et montre déjà son visage post-primaire.

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La petite histoire retiendra que la victoire de la gauche au Sénat est venue clore la semaine noire de Nicolas Sarkozy. L’Histoire politique en revanche saluera comme il se doit ce rééquilibrage qui permet au Sénat de connaître à son tour l’alternance.

Semaine noire en effet marquée par l’hallucinante escalade des coups tordus et des révélations en tout genre. Et qui toutes donnent l’allure d’une machine folle échappant désormais à tout contrôle. Pour mémoire,  il y avait eu, dans la foulée de la publication d’un livre mettant en cause Claude Guéant pour ses relations avec un intermédiaire nommé Djourhi, le raz-de-marée déclenché par les «révélations» de l’avocat Robert Bourgi s’accusant lui-même d’avoir porté des valises d’argent liquide à Jacques Chirac et Dominique de Villepin, toutes provenant de chefs d’Etats africains. Et enfin avec la mise en examen d’un troisième intermédiaire nommé Takieddine, le sombre mystère de l’attentat de Karachi avait resurgi.

C’est alors, que pour couronner le tout, les confidences de l’ex-madame Takieddine puis de l’ex-madame Thierry Gaubert conduisaient à penser que des sacoches d’argent liquide venues de Suisse avaient, il y a 16 ans, alimenté la campagne d’Edouard Balladur.

Le premier tir était destiné à atteindre Nicolas Sarkozy, le second à l’étouffer par un bruit concurrent plus fort encore, le 3e ramenait des tirs de missiles vers la personne du chef de l’Etat.

Au-delà de la véracité des faits que la justice devra établir, retenons que sur le plan politique, toute cette agitation peu ragoutante crée un halo autour de l’Elysée qui nous ramène, là encore, un peu plus de 20 ans en arrière, lorsque approchant de la fin de second septennat, le pouvoir mitterrandien paraissait englué dans les affaires.

Cela recrée un terreau favorable au FN alors même que Marine Le Pen semblait devoir amorcer un reflux, un repli, dans l’opinion.

C’est dans ce contexte, dont l’Elysée peine à trouver le bon angle pour sortir par le haut, qu’intervient la défaite de la droite au sénat.  Nul doute que ce contexte particulier est de nature en renforcer l’impact.

Cette défaite restera elle dans les annales parce qu’elle est le point d’aboutissement d’une longue lutte de la gauche pour parvenir enfin à l’alternance en un lieu qui paraissait de toute éternité destiné à favoriser une droite modérée. Cela évitera sans doute au Parti socialiste de s’engager dans un énième combat contre la représentativité du Sénat, voire son inutilité.

Pour avoir en mémoire qu’à vouloir mettre en cause le Sénat, on passe volontiers pour liberticide: le général de Gaulle lui-même en fait les frais, puisqu’en avril 1969 il était tombé à l’occasion d’un référendum qui réformait profondément le Sénat et en changeait la nature. Le Sénat et la République, à dire vrai, sont dans l’esprit des Français inséparables.  Et bien que voué à juste titre à la représentation des territoires, et donc n’ayant pas le dernier mot qui revient fort logiquement à l’Assemblée issue du suffrage universel direct, le Sénat n’en est pas moins utile.

Par la qualité de ses travaux qui sont reconnus, par un état d’esprit plus consensuel que ne le voudraient les partis eux-mêmes; et aussi par tout sorte de moyens constitutionnels qui font que le Sénat peut être utilisé à l’occasion de grandes batailles politiques comme une vraie place forte. La droite en sait quelque chose; elle-même qui avait utilisé le Sénat plus que de raison après la victoire la gauche en 1981 pour tenter, par tous les moyens, de freiner les réformes que François Mitterrand demandait au Parlement de voter.

A ce moment historique, la droite a réagi dimanche soir de deux façons. L’une, dramatique, à la manière de Fillon: «La bataille commence», a-t-il déclaré en souhaitant susciter un choc salutaire à droite, en vue de la présidentielle; l’autre, banalisante, à la manière d’un Jean-François Copé, expliquant –il avait factuellement raison– que le succès de la gauche au soir du 25 septembre n’est jamais que la conséquence mathématique de ses succès municipaux, départementaux et régionaux depuis 2004.

L’un et l’autre sont cependant d’accord pour observer que les listes dissidentes ont coûté cher à droite. D’où un plaidoyer pour l’unité qui n’a aucune chance d’être entendu des différents leaders centristes, lesquels verront dans ce scrutin dominé par des élus locaux sans étiquette partisane —mais généralement classés divers droite et qui ont cette fois voté à gauche— un signal les encourageant à affirmer leur différence pour faire revenir vers le centre droit, et donc vers la droite, ceux qui aujourd’hui, déçus ou dépités, veulent voter à gauche.

A gauche enfin, au-delà des célébrations bien légitimes, on a assisté et cela devrait se confirmer dans les jours qui viennent, à une première bataille post-primaire. La rapidité avec laquelle Martine Aubry et François Hollande sont venus sur place montre déjà ce qui va se passer. Chacun venant compter ses appuis (Jean-Pierre Bel, le chef de file des socialistes au Sénat s’est rangé derrière Hollande) et montrer au vainqueur de la primaire —et éventuellement de la présidentielle— qu’il ou elle devra compter avec un groupe parlementaire pas forcément aux ordres. Le jeu politique est sans fin.

Jean-Marie Colombani

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