Économie

Qu'est-ce qu'un trader ripou?

Quelqu'un qui ne connaît pas ses limites.

Temps de lecture: 2 minutes

Le conseil d'administration de la banque suisse UBS a accepté samedi la démission du directeur général d'UBS Oswald Grübel, après l'annonce de pertes massives dues à des transactions non autorisées d'un trader. Nous republions à cette occasion un article de L'Explication sur les traders ripoux.

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Kweku Adoboli est un trader basé à Londres travaillant pour la banque suisse UBS. Il a été arrêté le 15 septembre, accusé d'avoir «pété les plombs» et fait perdre environ 2 milliards de dollars à son employeur. Qu'est-ce qu'un trader fou?

Quelqu'un qui fait des transactions qui n'ont pas été autorisées.

Chaque trader a le droit de prendre un certain niveau de risques, mais s'il veut le dépasser, il doit obtenir l'autorisation de ses supérieurs. (Le «risque» ne concerne pas tant la somme d'argent investie que la somme que le trader risque le plus probablement de perdre sur une position donnée). Les traders deviennent fous soit lorsqu'ils se lancent dans des investissements trop risqués, soit lorsqu'ils investissent des sommes bien plus importantes que celles qu'ils sont censés manipuler.

Dans certains cas, de tels échanges non-autorisés peuvent générer des profits et ont moins de chances de se voir contestés. Quand ils génèrent des pertes, par contre, les traders sont souvent tentés d'aller encore plus loin et de jouer à quitte ou double pour se sortir de la panade. Ce qui peut mener à d'autres types de fraudes.

Un employé débutant dans une banque comme UBS peut être autorisé à prendre un risque se mesurant en milliers, pas en millions, de dollars. En prenant des galons –et en prouvant sa capacité à faire des profits– son risque autorisé peut être relevé: le niveau d'exposition d'un individu très expérimenté dans une banque peut même se chiffrer en milliards de dollars.

Personne n'a encore précisé quel était le niveau de confiance d'Adoboli sur les marchés, mais selon le Wall Street Journal, il travaillait dans un service nommé Delta One où les opérations sont relativement sûres. Selon les charges qui pèsent contre Adoboli, il aurait falsifié ses comptes depuis octobre 2008. Ce qui sous-entend qu'il aurait dissimulé depuis longtemps les pertes de ses investissements non-autorisés, et pas qu'il se soit lancé dans un gigantesque et très mauvais pari.

Trouver la faille du système

Comment Adoboli a-t-il pu réussir à dissimuler son arnaque? Les banques échangent des milliards de dollars tous les jours, et leurs transactions sont si rapides qu'il est difficile de les surveiller minute par minute. Elles possèdent des systèmes automatisés de gestion des risques qui leur permettent de détecter des positions non-autorisées, mais quand un potentiel trader fou découvre une faille dans le système, il peut très bien l'exploiter jusqu'à la corde.

Jérôme Kerviel, qui a fait perdre 6,7 milliards de dollars à la Société Générale en 2008, a pu prendre des risques non-autorisés en achetant des actions volatiles, puis en prétendant en vendre d'autres pour couvrir ses positions. Un de ses compagnons d'infortune, Nick Leeson –qui a provoqué la faillite de la banque britannique Barings en lui faisant perdre plus d'un milliard de dollars– avait dissimulé ses pertes dans le compte d'une obscure compagnie qui n'était pas surveillé par ses supérieurs.

La démence boursière de Kerviel, comme celle de Leeson, les ont menés en prison. Kerviel a été condamné en 2010 à trois ans de prison et à rembourser ses 6,4 milliards de dollars de perte. Leeson a passé quatre ans dans une prison de Singapour, où il a écrit son autobiographie, Trader fou, plus tard adaptée au cinéma dans un film avec Ewan MacGregor dans le rôle-titre.

Julia Felsenthal
journaliste à Slate.com

Traduit par Peggy Sastre

L'Explication remercie Stewart Hamilton de l'IMD Business School, en Suisse, Kimberly D. Krawiec de la Faculté de droit de Duke, Jonathan R. Macey de la Faculté de droit de Yale, Jerry Markham de la Faculté de droit de l'Université internationale de Floride et Robert Webb, de l'Université de Virginie.

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