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«Les démocraties ont besoin de temps mais elles parviennent à résoudre leurs problèmes.» Il faut s’accrocher à cette vision optimiste de Francis Fukuyama, le professeur de Stanford. A ses yeux, la crise actuelle est très profonde, car elle n’est pas que financière ni même qu’économique. Elle remet en cause le lien social et politique qui nous unit: la démocratie.
Les citoyens ne croient plus en l’Etat parce que celui-ci ne rend plus les bons services qu’ils attendent de lui, il est «capturé» par les lobbies. Les populismes exploitent cette désaffection et cette incrédulité croissante dans la possible réforme de l’Etat. Mais pourtant, les régimes autoritaires ne triompheront pas: c’est la démocratie, la faible démocratie, qui vaincra.
Empêtré et endetté
Cette analyse optimiste a été livrée par Francis Fukuyama à Aix-en-Provence dans le cadre des journées du Cercle des économistes début juillet
Elle était une réponse sous forme de douche froide, ou tiède si l’on préfère, au discours trop facile du «retour de l’Etat», discours auquel se rallient, par tradition et goût, les Français.
La crise des subprimes est la défaite de l’ultra-libéralisme anglo-saxon et la déroute des marchés, dit ce discours. Il faut revenir en arrière, rétablir la suprématie de l’Etat sur la finance, de la politique sur l’économie. Il faut «réguler», mot valise qui fait moderne, en réalité les Français pensent «étatiser».
Et de proposer d’augmenter les impôts, d’interdire la spéculation, de corseter les banques, de relancer une politique industrielle étatisée.
Francis Fukuyama démolit ce faux espoir: l’Etat n’est plus légitime aux yeux des opinions publiques, rien ne sert de crier, comme dirait quelqu’un: «l’Etat, l’Etat, l’Etat». L’Etat est empêtré, ligoté et, en outre, il est appauvri, endetté au-delà du supportable, il n’a plus les moyens.
La crise des dettes souveraines exprime le doute des investisseurs, des épargnants, dans la capacité desdits Etats à imposer des politiques sans déficits, à ne plus vivre au-dessus de leurs moyens et, finalement, à être moins lourds mais plus efficaces.
Nouveaux risques sociaux
Pour autant, la thèse du besoin d’Etat n’est pas complètement réduite à néant. Justement: un nouvel Etat est possible qui se déplace vers des formes modernes d’intervention. L’Etat ne fait plus lui-même mais incite, habilement. C’est, par exemple, comme le développe Philippe Aghion, économiste de Havard, tout l’objet d’une taxe carbone qui oriente les acteurs économiques vers les énergies les moins polluantes. L’Etat réinventé doit être promoteur du progrès technique et assureur des nouveaux risques sociaux.
Encore faut-il que les dirigeants politiques prennent conscience de l’urgence et de l’ampleur de cette mutation. L’Etat providence est encore construit sur l’économie de la sortie de guerre: part prépondérante de l’industrie, grande usines de masse, emplois à vie. Dans l’économie des services et du savoir d’aujourd’hui, les productions sont déstructurées par la mondialisation, les emplois précaires.
D’où le besoin de reconstruire entièrement les mécanismes sociaux, de l’école à la retraite, en correspondance avec les besoins sociaux d’aujourd’hui: la formation tout au long de la vie, la recherche développement, la démassification des services publics.
L’Etat illégitime? Peut-être pas complètement s’il se réinvente complètement. Aux hommes politiques d’oser le proposer. Faute de quoi, le pessimisme des cyniques conduira au populisme.
Eric Le Boucher
Vidéothèque des Idées: quelles pistes pour la sortie de crise?
Emploiparlonsnet.fr, le web mag des idées sur l’emploi, a lancé en mai 2011, à l’occasion de la Conférence mondiale des Services Publics de l’Emploi, un outil attractif et original autour du format vidéo: la Vidéothèque des Idées.
L’objectif: accumuler dans un espace dédié de nombreuses vidéos au format court (deux minutes environ), vidéos dans lesquelles des intervenants de divers horizons exposent analyses, propositions, réflexions ou retours d’expérience sur l’emploi et les problématiques qui le déterminent (économie, questions sociales, management…). Au final, un foisonnement d’idées à découvrir et partager.
Dans ce cadre, Emploiparlonsnet.fr et Slate.fr, partenaire permanent du webmag, ont interrogé quelques-uns des intervenants des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, rendez-vous désormais de référence organisé chaque année début juillet par le Cercle des économistes.
Jacques Attali (cofondateur de Slate.fr), Jean-Paul Bailly, président du groupe La Poste, Guillaume Pépy, président de la SNCF, Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS et professeur d’économie à Sciences Po, Francis Fukuyama ou Anders Borg, ministre suédois des finances ont, pour ne citer qu’eux, livré leurs analyses et leurs pistes de réflexion sur la crise, ses effets et surtout les moyens d’en sortir.