Life

Septembre, l'été des gourmands

Quelques adresses pour prolonger le plaisir estival.

Temps de lecture: 7 minutes

Septembre reste un mois particulier pour les vacanciers. Il y a moins de monde sur les plages, les hôtels et restaurants ne sont plus envahis, les prix sont raisonnables et le service attentionné. La haute saison s’efface avec l’affluence et les complets. Voici un éventail d’adresses choisies dans la France du bien-vivre.

La Cabro d’Or aux Baux-de-Provence

C’est en 1961 que Raymond Thuilier, grand restaurateur et hôtelier à l’Oustau de Baumanière, décédé en 1993 à l’âge de 97 ans, a créé la Cabro d’Or, un mas provençal niché dans un parc de deux hectares, au bas du Val d’Enfer. À l’origine, c’était un centre équestre doublé d’une table de campagne pour les familles en vacances qui ne pouvaient pas s’offrir le luxe, le chic, la munificence de l’Oustau, trois étoiles dans les années 1960. Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Jacques Chirac, James de Coquet faisaient étape dans l’ancienne bergerie de pierres blanches.

La Cabro d’Or reste la seconde maison de Baumanière, étape mythique en Provence. Après un demi-siècle d’existence, elle a beaucoup changé, évolué dans le confort, la décoration et l’agrément grâce à l’attachement de Geneviève et Jean-André Charial, les héritiers: tennis, spa, piscine, terrain de pétanque et un jardin bucolique aux herbes provençales. Dans les deux restaurants menés par Michel Hulin, étoilé, fils de pêcheur, la Cabro met en valeur les produits du terroir provençal, tomates, safran, olivettes, asperges, pignons, fenouil, pigeonneau, filet de taureau et l’admirable dos de loup de Méditerranée cuit sur sa peau, légumes comme une barigoule à l’huile d’olive des Baux. Ici, à l’ombre des rochers accrochés au bord du ciel, le charme des lieux vous saisit dans cet oasis de bien-être et de civilisation. On se désaltère grâce à l’Affectif rosé du maître de maison. Adresse de rêve pour un séjour aux Baux.

  • 13520 Les Baux-de-Provence, route d’Arles par la D7. Tél.: 04 90 54 33 21. Menus à 49 et 68 euros. Carte à 130 euros. Chambres à partir de 180 euros.

Le Relais Bernard Loiseau à Saulieu

Dans le palace bourguignon inventé par le regretté chef trois étoiles mort en février 2003, Dominique Loiseau, son épouse, a maintenu et développé l’œuvre de son mari avec le concours du chef Patrick Bertron, 28 ans de fidélité, trois étoiles –les plats historiques de Bernard Loiseau voisinent avec ses créations innovantes comme les suprêmes de pigeon rôti et son jus, jeunes légumes sur une purée d’herbes (55 euros).

Au déjeuner, tous les jours, le Relais affiche un joli menu à 66 euros: tartine de pain au fondant de foie gras, filet de truite fario du Morvan poêlée et la royale de cresson et beurre citronné, la pièce de faux-filet de bœuf charolais, pommes de terre et navets étuvés, farcis à la queue de bœuf, dacquoise meringuée aux fruits, sorbet pêche et thé vert. Désaltérant Crémant de Bourgogne aux fines bulles et bourgogne rouge ou blanc du sommelier Éric Goettelmann. Une aubaine à midi.

  • 21200 Saulieu. Tél: 03 80 90 53 53. Spa, boutiques, piscine. Chambres à partir de 180 euros.

Le Mas des Herbes Blanches à Joucas

La Provence est devenue la terre d’élection des Relais & Châteaux. On a l’embarras du choix. Dans le secteur du Lubéron, vous trouvez l’Hostellerie Le Phébus et Spa entre Roussillon et Gordes, la Bastide de Capelongue, fief d’Édouard Loubet, tout près de Bonnieux, la Coquillade au pied du Mont Ventoux et, à Joucas, le Mas des Herbes Blanches, l’une des premières étapes, dans les années 1970, de la Route du Bonheur, les prémices de la chaîne des Relais & Châteaux.

Ce mas de pierres sèches, les bories, restitue le charme, la beauté altière de la Provence de l’astre solaire, de la lumière chère à Marc Chagall et à Victor Vasarely. Bâti autour d’une piscine rafraîchissante quand le soleil darde ses rayons, ce relais offre une vue envoûtante sur la vallée du Lubéron.

Le restaurant, installé sur la terrasse abritée des vents, vient d’être amélioré grâce à la présence d’Akhara Chay, chef d’origine thaïe et cambodgienne, formé chez Ledoyen, passé par le Royal à Deauville, la brigade d’Alain Ducasse à Paris et l’école de cuisine de Paul Bocuse à Écully (Rhône) –excellent bagage pour travailler les asperges de Pertuis, les légumes et fruits des maraîchers de Provence et les poissons de Marseille.

Délicate tarte aux tomates de couleur, saint-pierre à la vapeur, cocotte de petits légumes, turbot meunière à l’ail nouveau, gnocchi de pommes vitelotte, rouget barbet farci façon Riviera, suprême de pigeon au foie de canard, cuisse en coque croustillante, il y a là un style sudiste, des ingrédients nobles, des accompagnements de saison qui excitent les papilles. Addition raisonnable, autour de 80 euros au dîner.

  • Gordes 84220 Joucas. Tél.: 04 90 05 79 79. Chambres à partir de 150 euros.

Le Bistrot de l’Oasis à La Napoule

Le chef Stéphane Raimbault et ses deux frères, Antoine et François, ont transformé le premier étage du grand restaurant deux étoiles, l’un des mieux fréquentés de la Côte d’Azur, en table bistrotière dont l’éventail des plats, une douzaine plus cinq desserts, attirent les gourmets de la région et les vacanciers tout heureux de bénéficier d’un rapport qualité prix exceptionnel dans cette région cannoise où les coups de fusil menacent tous les mangeurs.

Pour 25 ou 29 euros, on a le choix entre le carpaccio de Wagyu, le fameux bœuf japonais, la soupe de poissons du marché Forville, le filet de loup à l’orientale, le curry d’agneau, la bouillabaisse maison, le saumon aux coques ou la tête de veau gribiche, une rareté en Méditerranée. Comme gâteries, le millefeuille vanille, le baba au rhum, les crêpes soufflées au Grand-Marnier (8 ou 10 euros). Côtes de Provence Sainte-Victoire à 28 euros. Une affaire pour les gourmets à quinze minutes de la Croisette.

  • Rue Jean-Honoré Carle 06210 Mandelieu La Napoule. Tél.: 04 93 49 95 52. Fermé dimanche et lundi.

La Chèvre d’Or à Eze Village

Perchée sur un nid d’aigle entre le ciel et la Méditerranée à 400 mètres d’altitude, cette bastide tout en terrasses, recoins et sentiers –sans véhicules– offre une vue panoramique sur la grande bleue et l’horizon liquide: un site unique, un lieu protégé, pas d’urbanisation sur les collines qui descendent vers la plage. La Chèvre légendaire, inventée voici plus d’un demi-siècle par un violoniste slave, mérite une visite sur les hauteurs d’Eze; mieux, un séjour tout de sérénité.

Sur ce promontoire aménagé dans les rochers au sommet du village d’Eze, à douze kilomètres de Nice, un grand chef de cuisine, Fabrice Vullin, veille sur les trois restaurants dont le plus fameux est doté de deux étoiles. Il propose de superbes plats de luxe: un tartare rafraîchissant de homard à la pastèque, une grosse sole aux coquillages, et un admirable suprême de pigeon escorté d’un couscous franco-marocain et d’un tajine, souvenirs de Marrakech où le cuisinier a réinventé la cuisine des Jardins de la Palmeraie.

Truffes noires et blanches venues d’Alba –c’est le début– produits nobles comme le bœuf japonais, caviar ici et là (50 kilos par an), le répertoire de l’ancien bras droit d’Anne-Sophie Pic à Valence rivalise, côté luxe de la chère, avec celui d’Alain Ducasse au Louis XV de Monaco: un second «trois étoiles» sur la Riviera?

Deux autres tables plus simples, les Remparts et l’Eden, permettent de profiter du somptueux décor naturel et de préparations sudistes, le loup en croûte de sel et le gratin de courgettes, et la tarte au citron en boule ronde: une innovation du génial pâtissier Julien Dugourd qui laissera un nom dans son métier. Addition de 60 à 190 euros, selon l’enseigne, dans ce relais maritime d’une beauté à couper le souffle.

  • Château de la Chèvre d’Or, rue du Barri, 06360 Eze Village. Tél.: 04 92 10 66 66. Chambres à partir de 280 euros.

L’Auberge de Noves

À une dizaine de kilomètres d’Avignon, cette île de verdure nichée au milieu d’un superbe parc de quinze hectares a été l’un des plus grands restaurants de France, mené par une cuisinière cordon-bleu, Suzanne Lalleman, qui avait obtenu deux étoiles dans une modeste table de Sauveterre dans le Gard. Sa quenelle, l’assiette de légumes du potager, la poularde de Bresse, la tarte au citron ont bâti une forte notoriété et une large clientèle régionale, à tel point que son mari en salle et elle en cuisine acquièrent en 1953, à Noves, le domaine forestier du Devès, dominé par une bâtisse de pierres blanches en surplomb de la vallée ombragée de Châteaurenard.

C’est ce site campagnard abandonné que les Lalleman vont rénover, installant un restaurant provençal, la Petite Auberge de Noves, et quelques chambres: ce sera l’un des premiers relais de campagne de l’Hexagone, et Robert Lalleman, un membre fondateur de la chaîne des Relais & Châteaux. Pas rien.

Aux fourneaux, aidé par un gros bonnet, M. Charpentier, l’Auberge de Noves aura trois étoiles après la Seconde Guerre et accueillera l’élite des gastronomades en goguette dans les environs, d’abord les acteurs et metteurs en scène du Festival d’Avignon dont Jean Vilar, fidèle du lieu, Michel Audiard, Lino Ventura, Jean Seberg, Mort Schumann, Jean-Loup Dabadie et les journalistes de Paris Match, Raymond Castans et Michel Clerc –Noves fut une étape de gueule et d’amitié, rivale de l’Oustau de Baumanière, aux Baux.

La pimpante terrasse sous les pins et les chênes reste le joyau de l’endroit. C’est là que l’on sert les repas, le déjeuner sous le soleil et le dîner dans la douceur de la nuit. Un vrai moment de sérénité.

Hélas, avec le temps, Noves va subir les effets nocifs du nœud de vipères familial. Mésentente entre le grand-père, le père et le fils Robert, né en 1966, qui a repris l’Auberge en 2008 en piteux état. Il y croit. Grand gaillard au crâne dégarni, sosie de l’Alsacien Marc Haeberlin en plus filiforme, Robert Lalleman cuisinier est passé par Hiely-Lucullus à Avignon, Chapel, Troisgros et Raymond Blanc près d’Oxford, et il s’est mis au piano avec énergie et obstination. Il envoie des préparations goûteuses, attendues en Provence, issues du répertoire sudiste. Exquise minestrone de homard, filets de rougets et une délicate anchoïade de légumes du potager, épaule d’agneau confite en croûte d’herbes et de sel, bar sauvage rôti escorté d’une barigoule de violets, la queue de lotte est rôtie et les légumes croquants, la palette gourmande reste concentrée sur les produits locaux, les poissons du pêcheur, les écrevisses, le homard, les huîtres du vivier et les herbes du jardin, verveine et menthe exquises.

Pour l’heure, Noves est en convalescence. On sent les efforts et l’application du quadra Robert et de sa brigade. Il faut plus d’allant, de fini, de saveurs dans les assiettes –le cadre admirable, la paix, le silence, la douceur de vivre à Noves ne suffisent pas encore à redonner à l’auberge bucolique son lustre d’antan. Il s’agit de persévérer. La cave de 47.000 bouteilles, riche en vins du Midi, recèle des crus majeurs à des prix jamais observés dans des enseignes étoilées. Menus à 35 euros en semaine, 68, 95 et 115 euros.

  • Route du Châteaurenard 3550 Noves. Tél.: 04 90 24 28 28. Chambres à partir de 160 euros, quatre suites, piscine, tennis, vélos.

Nicolas de Rabaudy

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