Économie

Il est encore temps d'éviter un nouveau Lehman Brothers

Une trentaine de banques internationales présentent un risque systémique. Une des solutions pour supporter le coût d'un éventuel sauvetage serait de créer un fond international d’intervention fortement doté.

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Un Lehman Brothers mais pas deux: les gouvernements alignent les dispositions qui permettront d’éviter d’avoir à renflouer un jour les grandes banques dites «systémiques», celles dont la chute ferait tomber les autres. 

Bâle III durci, obligation pour celles-ci de faire un «testament» pour faciliter d’avance leur démantèlement, introduction de ratios de liquidité et limitation des effets de levier… Au pire, quand bien même un sinistre arriverait, grâce à ces nouveaux pouvoirs juridiques et aux-dits testaments, les autorités seraient mieux armées pour trouver des solutions de reprise ou de découpage.

On nous permettra d’en douter fortement. On connaît le résultat du découpage de feu ABN AMRO, en fonction de ses trois grands métiers, selon un découpage a priori pertinent. Mais en cas de crise, les repreneurs potentiels ne sont pas forcément nombreux ni surtout aptes à reprendre avec succès des banques en difficulté.

Si les mesures prudentielles et les dispositifs ci-dessus sont bienvenus, ils n’empêcheront pas la survenance de sinistres bancaires en cas de crise majeure, y compris parmi les groupes les plus prestigieux et/ou paraissant les plus solides. Une alerte sur des résultats combinée ou non à un accident majeur sur un marché ou sur des risques juridiques,  des stress tests médiocres en période très chahutée et tous les fonds propres du monde: rien n’empêchera la perte de confiance des concurrents, des analystes, des clients et des actionnaires… avec des effets de contagion pouvant ne pas être maîtrisables.

Des «too big to fail» de plus en plus gros

Et les pouvoirs publics de se retrouver obligés de renflouer des équivalents Lehman Brothers, ou plutôt deux ou trois Lehman à la fois depuis que plusieurs banques ont repris en 2009 les activités des groupes défaillants.

Les «too big to fail» sont aujourd’hui plus gros qu’avant la crise alors qu’ils doivent de plus en plus souvent essuyer des crises financières violentes. Malgré le renforcement de leurs structures financières et leurs efforts dans l’appréciation et la maîtrise des risques, des défaillances se produiront nécessairement.

On compte aujourd’hui une trentaine de banques internationales systémiques. Pour la grande majorité, les Etats où sont situés leurs sièges sociaux n'ont plus les moyens d'en assurer le sauvetage. Dès lors, il faut reconsidérer le sauvetage de la banque en perdition par le seul pays du siège social alors que son activité, ses risques et ses résultats nationaux sont devenus minoritaires dans son activité globale et que très souvent, en plus, son capital est détenu à près de la moitié ou davantage par des non-résidents.

Ces méga-groupes bancaires se sont très fortement engagés sur des risques de marché et ils sont de plus en plus présents dans les pays émergents, avec des effectifs toujours croissants dans ces pays alors qu’ils seront en forte diminution dans le pays du siège social. Il n’est plus possible de demander aux contribuables du pays de supporter la totalité de leur renflouement. 

Ne faudrait-il pas instituer un partage du fardeau entre pays d’origine et pays étrangers selon une pondération multi-critères (parts des risques résidents/ non-résidents, poids des marchés dans les risques et le produit net bancaire, sources des résultats, composition de l’actionnariat…) à définir par une instance internationale ad hoc de nature prudentielle?

Faire jouer la solidarité entre Etats

Cette autorité prendrait la forme d’un fond international d’intervention fortement doté et qui de ce fait pourrait tirer des fonds auprès du FMI pour compléter ses ressources. Il interviendrait en liaison étroite avec le FMI, la BRI, et le Comité de stabilité financière pour décider ou non d’une intervention ainsi que du traitement qui serait fait aux actionnaires. Ce fonds serait alimenté par une taxe internationale sur les transactions financières proportionnelle aux risques et à l’utilité desdites transactions.

Ce dispositif supranational renforcerait à la fois la robustesse des systèmes bancaires et éviterait de concentrer le sauvetage des banques systémiques sur un seul pays pour la seule raison que cette banque y a son siège. L'Islande, l'Irlande ne diront pas le contraire et la Suisse elle-même s'est inquiétée de ce risque à l'occasion des difficultés récentes de ses deux champions.

Que diraient demain, par exemple, les Anglais s’il fallait sauver HSBC qui a son cœur de métier en Asie mais toujours son siège social à Londres?

Il n’y a plus, avant longtemps, d’actionnaires en dernier ressort pour des groupes aux risques devenus incommensurables. La question de leur sauvetage éventuel est cruciale, complexe, très sensible vis-à-vis des souverainetés nationales et très difficile à mettre sur pied... surtout en pleine crise. Raison de plus pour que ce soit le plus tôt possible un nouveau chantier pour les prochains G20.

Diogène

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