Économie

La règle d'or, une publicité mensongère

Floue et imprécise, la règle d'or sera contournable sans difficultés. Son adoption n'est pas un enjeu économique important, seulement une opération de communication politique et en plus mensongère.

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Personne n'a rien compris à la «règle d'or». Sinon que c'est important. D'où son nom.

Pourtant, à bien y regarder, la règle d'or s'apparente plus à une règle de tungstène ou de cobalt, pour citer des métaux foireux dont je n'ai pas bien compris l'utilité. 

Si elle était adoptée, la règle d'or de Sarkozy imposerait dès 2013 le vote de «loi-cadre d'équilibre des finances publiques» sur une durée d'au moins 3 ans définissant une trajectoire budgétaire pour les années suivantes. Il n'est fait aucune mention d'un objectif chiffré de réduction du déficit, comme en Allemagne où la règle d'or votée en 2009 interdit un déficit structurel de plus de 0,35% du PIB à partir de 2016.

Lendemains meilleurs

Le texte constitutionnel de la règle d'or française ne dit rien de plus que la «loi-cadre» est votée «en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques». À ce stade, rien dans le texte n'oblige à prévoir que la dernière année du cycle de la loi-cadre affichera un budget à l'équilibre. Le texte est presque poétique, rêvant de lendemains meilleurs, d'un horizon dégagé mais sans jamais oser le définir précisément.

D'ailleurs, que veut dire l'«équilibre des comptes»? On pourrait en donner au donner au moins 3 définitions qui divergent nettement:

- un déficit de 0%, donc un équilibre parfait des recettes et des dépenses sur un an.
- un déficit de 0%, mais uniquement sur les dépenses de fonctionnement, en laissant une marge de manoeuvre budgétaire pour l'investissement. C'est la «règle d'or» que propose François Bayrou depuis plusieurs années.
- un déficit compris entre 2,5 % à 3 % du PIB, niveau en-dessous duquel l’endettement cesse de croître. C'est l'esprit de la proposition de François Hollande d'un amendement au projet de loi de finances garantissant un retour sous les 3% en 2013.

Méthode Coué

Sarkozy s'en vante peu mais la règle d'or existe déjà, elle est gravée dans la Constitution depuis le 23 juillet 2008. Article 34«Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques.» Jugeant sans doute que ces «lois de programmation» n'ont servi à rien puisque la dette n'a jamais autant augmenté qu'en 2009, Sarkozy propose d'en faire des «lois-cadre» qui s'imposeront aux lois de finance annuelles, sous la surveillance stricte du Conseil Constitutionnel.

C'est un peu comme si il fallait réécrire l'article 1 de la Constitution en ces termes: «La France est VRAIMENT une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Je vous jure, sans déconner». La méthode Coué législative nous assure que cette fois-ci, vraiment, les budgets seront votés «en vue d’assurer l’équilibre des comptes des administrations publiques». Le sémillant trio Debré-Chirac-Giscard s'en porte le garant.

Maastricht, la règle de platine

En plus de cette pré-règle d'or votée en 2008, il existe une règle de platine depuis 1993, le traité de Maastricht, qui interdit des déficits supérieurs à 3% du PIB et qui surplombe, en théorie, la Constitution. Cette règle de platine n'a pas été respectée 11 années sur 18, preuve s'il en est que les contraintes juridiques n'entravent qu'à la marge les exigences politiques.

Contrairement aux critères de convergence de Maastricht qui n'ont pas bougé depuis 1993, la «loi-cadre» sera toujours modifiable en cours d'exercice dans des conditions qui ne sont pour l'instant pas définies. En Allemagne, la règle d'or peut être dépassée «en cas de catastrophe naturelle ou de situation d'urgence exceptionnelles qui échappent au contrôle de l'Etat et compromettent considérablement les finances publiques». On peut imaginer que la France sera bien moins rigoureuse sur les conditions de modification de la «loi-cadre». Les «situations d'urgence exceptionnelles», si jamais elles étaient fixées dans la loi, ont l'avantage de n'être pas si exceptionnelles que ça. On peut toujours trouver une crise économique, une catastrophe naturelle ou une guerre qui justifie de passer outre ses promesses.

Gouvernement juge et partie

La règle d'or, modifiable à tout moment, n'est qu'un exercice d'auto-régulation. Une bonne résolution du jour de l'an qui ne risque pas de passer le printemps. Elle est comparable en ce sens au plafond de la dette américaine, qui n'est contraignant que jusqu'à ce que les parlementaires en votent un nouveau. La contrainte n'est pas juridique (car le gouvernement est juge et partie) mais politique. Pour ajouter du déficit, au lieu de passer comme d'habitude par un obscur collectif budgétaire, il faudra oser le coup de projecteur médiatique d'un débat autour d'une loi de programmation pluri-annuelle. L'opinion sera donc prise à témoin de la faillite des promesses, c'est le principal changement.

Le député socialiste Jean Mallot parlait à juste titre à l'Assemblée de «publicité mensongère» au sujet du terme «équilibre» contenu dans le projet de loi. Le CSA devrait imposer aux chaînes un bandeau «appellation non contractuelle» lors de chaque mention de la «règle d'or», la mal-nommée. 

Vincent Glad

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