France

Mauvais professeurs et bonnes universités

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Parmi les nombreux sujets évoqués et débattus au cours de la controverse publique actuelle sur le métier d’enseignant-chercheur dans l’université française, un thème est resté relativement absent : celui de l’internationalisation du corps professoral.

Il faut dire que les universités françaises, à quelques exceptions près, ne sont guère en avance dans ce domaine. Les écoles de commerce, quant à elles, se sont lancées dans cette voie depuis la fin des années 1990. L’internationalisation du marché du travail et, par ricochet, l’accroissement de la concurrence mondiale entre les institutions académiques les ont amenées à accroître le nombre de professeurs étrangers en leur sein. La pression des accréditations et des classements internationaux a accentué ce phénomène. Alors qu’ils étaient encore marginaux il y a dix ans, les professeurs étrangers représentent désormais plus d’un tiers des professeurs dans la plupart de ces établissements.

A l’aune de l’expérience des écoles de commerce, quels sont les effets de la mondialisation sur le niveau du corps professoral ? L’embauche croissante de professeurs étrangers entraîne-t-elle une amélioration de l’enseignement assuré aux étudiants ?

Le premier effet indéniable et sûrement salutaire est la multiplication du nombre de cours proposés en langue étrangère, principalement en anglais. Le deuxième effet attendu d’une telle politique est l’amélioration du niveau moyen des enseignants-chercheurs dans la mesure où on élargit le vivier de recrutement, donc la sélectivité. Qu’en est-il dans les faits ?

Comme le savent les économistes, la mondialisation d’un marché sans barrières protectionnistes entraîne une hausse des inégalités entre les acteurs. Cet axiome fut à nouveau vérifié sur le marché des professeurs : les meilleurs établissements et les plus fortunés ont pu attirer les plus reconnus. Or les écoles de commerce françaises ne sont pas nécessairement les plus attirantes, en particulier sur le plan financier. C’est ainsi qu’il est bien plus facile de citer le nom d’excellents professeurs français enseignant à l’étranger que d’excellents professeurs étrangers enseignant en France. Seules les grandes écoles peuvent lutter quelque peu face à la concurrence.

Par ailleurs, l’évaluation des enseignants-chercheurs n’est pas chose aisée. Les débats actuels engagés avec le Ministère de la Recherche sont là pour le prouver. Cette tâche est encore plus complexe lorsqu’il s’agit d’évaluer des personnes ayant effectué leurs études et leurs travaux de recherche à l’étranger. Cette difficulté, couplée à l’impératif de disposer d’un corps professoral composé de nombreuses nationalités, conduit à des formes de discrimination positive lors des sessions de recrutement: les écoles préfèrent parfois un professeur étranger médiocre ou dont le niveau est difficile à évaluer à un professeur français moyen. Parce qu’il faut disposer de professeurs chinois, indiens, brésiliens… pour faire moderne et ouvert sur le monde, la nationalité devient une compétence à part entière lors du recrutement, voire un atout suffisant pour que les compétences réelles passent au second plan.

Les candidats étrangers sont parfois eux-mêmes les premières victimes de ces pratiques: si une école accueille déjà un professeur suédois, elle préférera embaucher ensuite un Allemand ou un Espagnol plutôt qu’un second Scandinave. Avouons que pour des institutions enseignant la gestion et le management à leurs étudiants, ces critères de sélection sont pour le moins surprenants!

Bien entendu, il existe également d’excellents professeurs étrangers en France, bel et bien recrutés pour leur rayonnement académique. L’exemple des écoles de commerce incite cependant à la prudence. Il n’est pas sûr que l’internationalisation des recrutements entraîne mécaniquement une amélioration de la qualité de l’enseignement. Au risque d’être un brin provocateur, on peut alors se demander si la faible internationalisation des professeurs d’université en France… n’est pas une chance !

Denis Monneuse

crédit: Reuters, hall de l'université de Bordeaux I, mars 2006

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