Économie

«Les banques françaises sont prudentes et même trop prudentes»

Un entretien avec Olivier Pastré, professeur d’économie à Paris VIII et membre du Cercle des économistes.

Temps de lecture: 2 minutes

Eric Le Boucher: Les Banques françaises ont été particulièrement attaquées en bourse la semaine passée. Faut-il avoir des inquiétudes particulières sur leur santé ?

Olivier Pastré: Des inquiétudes objectives, non. Il faut voir que pendant l’été, les volumes échangés en bourse sont plus faibles et quand un investisseur vend 100 sur un marché de 1000, son impact est dix fois plus fort que sur un marché normal de 10 000. Dans ce cadre, on ne peut pas exclure qu’il y ait eu des rumeurs venant de spéculateurs qui cherchaient à profiter de cette grande volatilité. Mais les banques françaises comptent parmi les plus solides du monde. Il ne s’était rien passé au cours des derniers jours qui justifie des écarts de valorisation aussi importants.

ELB: Pourquoi les plus solides ?

OP: Pour deux raisons. Elles sont organisées selon le mode de la banque universelle: elles se sont diversifiées sur plusieurs dizaines de métiers. Quand l’un va mal, comme la banque de marché en 2009, elles compensent par d’autres, comme la banque de détail (les guichets pour le public). Ce modèle est répandu en Europe continentale, il est contraire à celui des banques américains, sauf exceptions. L’autre raison est qu’elles ont été et sont globalement prudentes.

ELB: Cela n’a pas été le cas de  Dexia, du Crédit Agricole ou de Natixis

OP: Certains étaient très implantées dans les métiers à risques. Certaines avaient pris des positions extrêmes. Mais dans l’ensemble, ce n’était pas le cas, elles sont restées prudentes. On peut même le leur reprocher, d’avoir été et de rester trop sages.

ELB: Que voulez-vous dire?

OP: Il faut comprendre qu’en Europe, deux tiers du financement de l’économie passe par les banques et un tiers par les marchés financiers. C’est le contraire des Etats-Unis. Les règles comptables et prudentielles actuelles pénalisent les PME. C’est le plus sûr moyen de casser la reprise. Comme les banques françaises appliquent ces règles avec un zèle excessif, il ne faut pas s’étonner si la croissance française reste faible pendant de nombreux semestres. Et quand je parle des PME, je pense aux plus petites d’entre elles et aux entreprises en création.

ELB: Si les banques ont été attaquées en bourse, c’est aussi qu’elles détiennent de grandes quantités de titres émis par les Etats surendettés européens

OP: Ce sont ces mêmes règles comptables et prudentielles, dites Bâle III,  qui poussent les banques à acheter des dettes publiques, au prétexte qu’elles étaient sans risque. Alors c’est vrai, les banques françaises sont investies dans des dettes européennes, y compris de pays fragiles. Mais toutes les banques le sont, pas seulement les françaises.

ELB: Mais elles pourraient subir de lourdes pertes en Italie ou bien sûr en France, si ces deux pays entraient en difficultés de paiement de leurs dettes.

OP: Il faut arrêter de dire n’importe quoi! Le risque d’éclatement de la zone euro est égal à zéro. Tous les pays européens, y compris l’Allemagne, ne pourraient le supporter. A partir de là, il peut y avoir des tensions, en Italie par exemple qui se répercutent sur les comptes des banques françaises. Mais il existe aussi bien d’autres risques hasardeux, dans les pays émergents, dans certaines infrastructures. Arrêtons: il n’y a pas de risque majeur de défaut d’un pays européen de taille significative. Les stress test d’avant l’été étaient encore trop mous malgré leur durcissement par rapport aux précédents. Mais ils ont montré que les seules banques éventuellement menacées étaient toutes de second rang. Mais une fois de plus, l’imbécillité des normes comptables et prudentielles écrites en période de croissance en 2002-2003, devraient vite être révisées. On les maintient au péril du financement de l’économie européenne.

 Propos recueillis par Eric Le Boucher

 

 

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