France

Jusqu’où ira le PS sur la dette?

Martine Aubry et François Hollande se rejoignent sur la question du déficit des finances publiques. Le PS, rattrapé par les conséquences de la crise grecque, est-il en train de revoir son programme?

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UN PEU PENAUDE, niant qu'il s'agisse d'un revirement, Martine Aubry a dû elle aussi admettre que la France devra réduire le déficit de ses finances publiques à moins de 3% du PIB en 2013. Le Parti socialiste, dont elle a la charge, estimant qu’il fallait ne pas «s’obnubiler» avec ce sujet des dettes, envisageait jusqu’ici un retour sous ce fameux 3% en 2014 voire plus tard.

Le revirement est bien réel, il suffit pour s’en convaincre de voir comme le porte-parole Benoît Hamon s’en étrangle. Manuel Valls et François Hollande, dès le départ sur une ligne rigoriste, ont gagné.

C’était inévitable en vérité. Martine Aubry, si elle emporte la primaire, n’aurait pas pu tenir cette date de 2014. Mais j’attendais son virage plus tard, à l’hiver prochain, quand les marchés financiers auraient commencé à hausser les taux d’intérêt et les «produits de couverture», les CDS français.

On aurait vu le jeu des sondages et des taux: plus sa cote monterait devant celle de Sarkozy, plus les marchés seraient devenus nerveux. Et plus la victoire socialiste aurait apparue coûteuse en service de la dette. Bref, si Martine Aubry s’approchait de la victoire, le 3% se serait rappelé à elle et elle aurait dû revenir à 2013.

La crise grecque est passée par là: le PS de Martine Aubry est ramené à la rigueur dès juillet 2011, 4-5 mois d’avance sur mon pronostic. Seulement, contrairement à ce que pense la grande majorité des socialistes, le PS  n’en est pas quitte avec ce revirement de 2014 à 2013. D’abord parce qu’en lui même, il appelle une question naturelle: «Vous reviendrez à 3% un an plus tôt, mais comment allez vous faire? Quelles dépenses allez-vous supprimer? Quel est votre programme budgétaire?»

Les marchés financiers chauffés à rouge par l’impuissance européenne sur la Grèce et par le conflit entre Barack Obama et son Congrès, n’en sont plus à croire sur parole les politiques. Les socialistes n’en ont pas encore conscience. Une  réalité est entrée par la porte des 3%, mais ce n’est qu’un début. C’est en clair tout le projet du PS qui va être passé au crible par les analystes financiers et quand je dis au crible, je veux dire à la moulinette.

Vous verrez camarades: il n’en restera que les chapitres qui ne coûtent rien. Car le misfit est radical: tout le projet du PS est bâti sur «un retour de l’Etat» c’est-à-dire, dans l’esprit, sur des dépenses nouvelles. Relisez-le: banque publique d’investissement, politique énergétique, agriculture, 300.000 emplois jeunes, revalorisation du SMIC, et politique culturelle augmentée de 50% a cru devoir ajouter la semaine passée Martine Aubry… Tout le «nouveau développement» que prône le PS est d’une facture années 1970: l’Etat, l’Etat, l’Etat. Or, l’Etat n’a plus un radis.

Cet épisode est une bonne chose. Le PS a 4-5 mois de plus pour réviser son projet. Pour refaire ses calculs budgétaires et apporter des réponses claires sur le financement de ses dépenses aux marchés financiers qui ne laisseront rien passer qui soit obscur. Mais il devrait en profiter pour pousser encore plus loin l’aggiornamento. Et si le socialisme du XXIe siècle était tout autre que celui des années 1970? Et si l’Etat n’en était plus le centre? Et si François Hollande qui dit que «la dette est l’ennemie de la gauche» devait être pris beaucoup plus au sérieux sur le fond?

Le 3% en 2013 pourrait fermer la boîte aux vieilles idées et ouvrir celles de l’innovation: inventer un socialisme qui marie justice et rigueur, qui donne à la société civile un rôle supérieur à celui de l’Etat et qui exige de cet Etat une efficacité bien supérieure pour moins cher.  Le 3% puis, au-delà, le retour à l’équilibre budgétaire imposent une révision radicale du socialisme.

Eric Le Boucher

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