France

DSK peut-il revenir dans la course à la présidentielle?

Si les charges contre lui sont abandonnées, cela change-t-il la donne au Parti socialiste?

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Après Le Bûcher des vanités, va-t-il falloir relire Le comte de Monte-Cristo pour tenter de cerner la portée du dernier rebondissement dans l'affaire DSK? Si les révélations du New York Times selon lesquelles les charges qui pèsent contre Dominique Strauss-Kahn pourraient s'effondrer, s'avèrent justes, quelles en seront les conséquences pour les primaires socialistes et pour la présidentielle de 2012?

DSK peut-il revenir?

Pour l'instant, l'accusatrice Nafissatou Diallo est soupçonnée d'avoir menti sur son passé. Selon deux enquêteurs cités par le NYT, la jeune femme pourrait être impliquée dans un réseau de trafiquants de drogue et de blanchiment d'argent. Des faits possiblement graves, mais qui ne remettent pas forcément en cause –à cette heure– ses accusations de viol portées à l'encontre de Dominique Strauss-Kahn.

Sauf que la femme de chambre aurait téléphoné à un détenu dans les 24 heures qui ont suivi sa rencontre avec le Français et aurait évoqué au cours de cette conversation, qui aurait été enregistrée, le profit qu'il y aurait à maintenir ses accusations contre DSK. De quoi donc accréditer du côté de la défense l'hypothèse d'une manipulation contre l'ancien patron du FMI.

Au-delà de ces questions toujours sans réponse et outre les problèmes d'organisation et de personnes au sein du Parti socialiste, la possibilité d'un retour de DSK dans la bataille politique française dépend également d'une part de sa volonté personnelle, et d'autre part de l'impact sur l’opinion publique française de toute cette affaire débutée le 15 mai.

Candidat archi-favori avant l'affaire du Sofitel, DSK a vu inévitablement sa popularité chuter depuis. Mais d'une vingtaine de points seulement. «Pas plus finalement que pour un président de la République pris dans un cycle de réformes impopulaires par exemple», estime Stéphane Rozès, président de la société de conseil CAP.

Dès le début de l'affaire, une majorité de Français ont eu peine à croire à la culpabilité du leader socialiste. Un sondage CSA paru le 18 mai indiquait même que 57% des citoyens pensaient que DSK a fait l'objet d'un complot.

Tout dépend donc pour la suite de la manière dont pourrait être blanchi DSK. Stéphane Rozès:

«S'il est formellement établi que son accusatrice a menti sur les faits incriminés, la popularité de Dominique Strauss-Kahn va remonter et sera même sans doute dopée par un effet de victimisation. En revanche, si la plaignante a certes menti sur son passé, mais qu'il reste des zones d'ombre sur les accusations du Sofitel, la situation sera plus compliquée pour Dominique Strauss-Kahn car il y aura toujours une incertitude néfaste.»

DSK veut-il revenir?

Plusieurs de ses soutiens l'y poussent déjà. Sur Twitter, @lesJSK, compte des jeunes qui militent pour sa candidature, estime déjà que DSK doit «retrouver sa liberté» pour «se mettre au service du bien commun».

L'entourage politique du responsable socialiste se fait, lui, plus prudent. L'ensemble des strauss-kahniens préfèrent attendre la réaction de leur ancien champion. «S'il est blanchi, il faudra attendre que Dominique dise lui-même ce qu'il souhaite faire», explique François Patriat. «Laissons la justice américaine agir et DSK dire sa vérité», écrit sur son blog Jean-Christophe Cambadélis.

Un éventuel retour est délicat pour son camp depuis que la plupart de ses soutiens ont rejoint, faute de candidat, d'autres écuries. Jean-Christophe Cambadélis, Sandrine Mazetier, Jean-Jacques Urvoas ou Michel Destot ont rallié Martine Aubry; François Patriat ou Marisol Touraine ont choisi François Hollande que s'apprêtait aussi à rejoindre Pierre Moscovici. Seul Jean-Marie Le Guen n'avait pas encore fait son choix.

Même blanchi, DSK aurait-il envie de replonger dans le bain socialiste? Meurtri, blessé, humilié planétairement depuis plusieurs semaines, nourrirait-il des envies de revanche ou préfèrerait-il prendre de la distance?

Julien Dray, lui aussi pris dans une tempête judiciaro-médiatique en 2009, penche pour la première option: «Quand on sort d'une épreuve comme ça, on a envie de manger le monde», explique-t-il. Pas si sûr, d'autant que la campagne électorale en 2012 serait d'une violence extrême après la multiplication d'accusations, de rumeurs, de commentaires et de bruits lancées sur l'homme DSK dans la foulée de l'affaire du Sofitel.

Comment revenir?

C'est un des points les plus tactiques, la période de dépôt des candidatures à la primaire socialiste courant jusqu'au 13 juillet. Il n'est pas dit que la nouvelle affaire DSK soit terminée avant cette date. Mais des strauss-kahniens ont déjà réclamé un temps mort et une «suspension» de la campagne pour permettre à l'ancien patron du FMI de se présenter s'il le peut et s'il le désire, poussant le porte-parole du parti Benoît Hamon a déclarer sur Public Sénat/LCP qu'une suspension de la primaire n'était «pas à l'ordre du jour aujourd'hui».

Si le cas d'un éventuel retour de DSK dans la course présidentielle est embarrassant à droite pour Nicolas Sarkozy ou Jean-Louis Borloo, il l'est paradoxalement encore plus pour son propre camp. Après la tempête du 15 mai, les socialistes commençaient à peine à sortir la tête de l'eau et à retrouver un semblant d'organisation. Patatras?

Dans un premier temps, les candidats se sont bien gardés de réagir à chaud, refusant de s'exprimer sur une éventuelle remise en cause du processus. A commencer par Martine Aubry: la première secrétaire du PS («en réserve»), officiellement candidate depuis trois jours seulement, a tout fait pour démontrer qu'elle n'est pas une candidate par défaut, mise sur orbite par la défection strauss-kahnienne. Revenir en arrière serait pour elle désastreux.

Mais pas question non plus de bénéficier du soutien d'un DSK blanchi mais hors-jeu pour la primaire. «Les Français veulent un lien direct avec le candidat et rejettent toute candidature qui serait liée à des accords d'appareil ou à des circonstances. C'est d'ailleurs ce qui fait la force depuis le départ de la candidature de François Hollande qui n'a jamais varié de stratégie, Dominique Strauss-Kahn candidat ou pas», estime Stéphane Rozès.

Ledit Hollande ne s'est dans un premier temps exprimé que sur l'affaire auprès de l'AFP, de même que Ségolène Royal. Avant, dans la soirée, d'être le premier candidat à déclarer —auprès de la même source– n'avoir «aucune réserve» envers un report de la date de clôture des candidatures «à fin juillet, voire même fin août» afin de permettre à DSK de se prononcer en fonction de l'audience du 18 juillet...

Pour Jérôme Sainte-Marie, directeur général adjoint de l'institut de sondages CSA, cette affaire est de toute façon depuis le 15 mai un «poison lent» pour le PS. «Concernant le cas DSK, il faut que la porte soit ouverte ou fermée, que ce soit blanc ou noir. Toute notion de gris serait un handicap pour le Parti socialiste quel que soit son candidat à l'arrivée. Etre désigné dans un contexte d'incertitudes sur l'affaire DSK serait dans tous les cas de figure un affaiblissement de la campagne socialiste.»

Bastien Bonnefous

Article actualisé le vendredi 1er juillet à 19h30 avec les déclarations de François Hollande, Ségolène Royal et Benoît Hamon.

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