France

Primaire (n. f.): processus contradictoire, dangereux mais audacieux

Les socialistes s'engagent dans une séquence politique qui les verra soit se déchirer soit au contraire gagner une légitimité difficilement altérable.

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Voici les socialistes enfin au pied du mur. Celui qu’ils ont eux-mêmes érigé: la primaire. Processus inédit, car la précédente, organisée en 2006, et qui avait conduit à la désignation de Ségolène Royal, avait été réservée aux seuls militants PS.

Cette fois, la primaire est ouverte: quiconque figurant sur les listes électorales et se réclamant des valeurs de la gauche peut participer en versant un euro. Processus contradictoire, dangereux mais audacieux.

La contradiction est forte entre la nature du PS, formation essentiellement parlementariste, avec son réseau d’élus, et l’hyper présidentialisation de la vie publique.

La première voudrait que, à l’issue d’un congrès, qui élit une direction et choisit une ligne politique, celle-ci porte les couleurs du PS à l’élection présidentielle.

A la quête d'un(e) «présidentiable»

Mais les socialistes se plient à la seconde, donc à la croyance selon laquelle on ne peut exister que si l’on est «présidentiable». D’où l’inflation des candidatures et la guerre permanente des «ego».

La primaire est donc le processus par lequel le PS confie à ses sympathisants le soin de trancher la question non résolue depuis le retrait de Lionel Jospin: celle de son leadership.

Processus à haut risque s’il est mal maîtrisé et tourne à la foire d’empoigne sans véritables débats d’idées. Il suffit de regarder du côté de la primaire écologiste pour figurer ce contre-exemple.

Il appartient donc aux leaders socialistes, et d’abord aux deux personnalités les mieux placées –François Hollande et Martine Aubry–, de tout faire pour contenir leur rancœur respective.

Le premier a paru longtemps porté par une dynamique d’opinion. Il parle de la France et construit son propos autour de la fracture générationnelle qu’il veut combattre. Mais, primaire oblige, il a désormais trop tendance à se fondre dans le moule du projet du PS.

La seconde est naturellement portée par une légitimité partisane, et se prévaut du programme du parti dont elle est l’initiatrice et dont elle veut être la bénéficiaire. Elle peut compter, pour élargir son spectre, une fois désignée, sur l’image et l’engagement de Jacques Delors.

Et surtout, en cas de second tour à cette primaire, sur le soutien de tous les autres, tant les prémices du processus ont ressemblé à un «tout sauf Hollande».

Leur face-à-face sera troublé par deux outsiders, Ségolène Royal, l’indestructible, dont la présence rappelle au futur vainqueur qu’il devra compter avec elle; et Arnaud Montebourg, qui a choisi une identification facile et démagogique —la démondialisation— qui rappelle qu’une partie de la gauche est désormais ouvertement protectionniste.

Sarkozy en embuscade

Deux cas de figures: soit la primaire ne séduit qu’un public militant, et l’avantage devrait aller à Martine Aubry; soit le corps électoral, grande inconnue de ce scrutin, surprendra par sa diversité et son ampleur: le jeu sera alors très ouvert.

Dans le premier cas, la prime ira au meilleur ancrage à gauche. Dans le second, à celui ou celle qui parlera le mieux de la France.

Mais les socialistes doivent être conscients d’une chose: Nicolas Sarkozy ne leur laissera aucun répit, lui qui excelle dans l’art du mouvement et du contre.

Premier exemple: décréter, via Jean-François Copé, que la primaire sera une machine à ficher les Français. D’une pierre, deux coups espérait-il: semer le doute sur un processus démocratique mais peu conforme à la tradition française; détourner un argument traditionnellement réservé à la droite, celui de la menace d’un état policier. Il y faut beaucoup de mauvaise foi et de culot. Et ce n’est sans doute qu’un début.

Plus sérieux: la thématique présidentielle sur la gestion de la crise internationale et les déficits souverains.

Le mot d’ordre, après la conférence de presse déclinant les investissements du grand emprunt, sera essentiellement celui-là: au choix, la France n’a plus les moyens de se payer les socialistes (thème de l’«explosion» de la dette); ou bien, si vous voulez un destin grec, votez PS! Ainsi la primaire socialiste sera-t-elle l’occasion aussi, pour Nicolas Sarkozy, de tester les thèmes de la «vraie» campagne, celle qui suivra la désignation du vainqueur au PS.

Mais le processus recèle aussi sa part d’audace. Ainsi de son duel face à Hillary Clinton, Barack Obama est ressorti avec une image et un crédit inaltérables qu’aucune critique venant des républicains n’est parvenue à entamer. C’est tout le bien que Martine Aubry et/ou François Hollande peuvent attendre de la primaire.

Jean-Marie Colombani

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