Politique / France

Batailler sans se battre, la pari de la primaire socialiste

Si le PS arrive à faire en sorte que le gagnant et les perdants se tombent dans les bras en octobre, le candidat issu de ce miracle politique sera plutôt dur à battre en mai 2012.

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Ce mardi, avec la déclaration de Martine Aubry, commence la véritable bataille de la primaire au PS. Et c’est toute la question: cette compétition sera-elle une «bataille» politique?

Nous sommes habitués au combat gauche/droite, majorité/opposition, mais tout débat interne en France est considéré comme de la cacophonie ou de l’indiscipline… quand il n’est pas réduit à une simple guerre d’égos.

La responsabilité des commentateurs, de nous-mêmes est d’ailleurs assez importante dans cet état de fait. Il nous est toujours plus facile d’expliquer un conflit interne par une détestation entre fortes personnalités que par une compétition de conceptions politiques. Surtout quand il n’a pas beaucoup de différences de fond, comme cette fois-ci entre Martine Aubry et François Hollande.

Le problème vient plutôt de la culture politique française héritée de la Révolution. Cette culture de l’affrontement peut-elle être compatible avec une primaire interne, c'est-à-dire une compétition pacifique entre des candidats qui, après le match, devront faire une campagne dans le même camp et peut-être gouverner ensemble?

Notre société politique, notre organisation sociale même, est fondée sur la mesure du rapport de force. Les réformes, les choix politiques en France résultent d’affrontements. Les vainqueurs appliquent pleinement leur solution, les vaincus font un procès en légitimité.

Il n’en est pas de même au Etats-Unis, régime présidentiel pur, où l’exécutif est hermétiquement séparé du législatif et où se nouent des compromis... De même, dans d’autres pays européens dotés, au contraire, de régimes parlementaires où l’on développe forcément l’idée de la coalition, la compétition, même interne, est organisée, acceptée et n’est pas regardée comme forcément destructrice.

Dans ces pays, après d’âpres discussions, on réforme davantage par le contrat que par l’affrontement. A la fin, la réforme ou la désignation d’une personnalité aura moins le goût amer de la défaite humiliante pour l’opposition et la victoire sera moins arrogante pour la majorité.

Ce n’est pas notre culture, donc on peut se poser cette question: une primaire peut-elle bien se passer en France?

Réponse fin octobre... Mais pour l’instant, les exemples français ne sont pas particulièrement convaincants. En 1995, la droite n’a jamais réussi à les organiser, en 2007 les perdants de la primaire PS n’avaient pas aidé Ségolène Royal. Elle-même n’avait pas spécialement, après sa victoire, fait œuvre de mansuétude envers les vaincus. On voit le tour assez pénible qu’a pris la primaire des écologistes.

Les socialistes sont conscients de ces risques. Ce week-end, Ségolène Royal a dit qu’elle avait changé et François Hollande répète qu’il sera courtois. On sait que Martine Aubry et François Hollande ne s’apprécient pas… (Mais je ne vais pas faire ce que je dénonçais plus haut et tout expliquer par la mésentente).

Les candidats à la primaire subissent en ce moment une formidable pression de la part des sympathisants de gauche: «Ne vous étripez pas!» leur disent-ils quand ils retournent sur leur terre. Ils savent que le coup du marché de Brive la Gaillarde où les mégères de Brassens se «crêpent le chignon» mais se «réconcilient quand il s’agit de rosser les cognes»… ça ne marche pas en politique et en France.

Mais si le PS arrive à organiser une primaire sereine, si les socialistes arrivent à faire en sorte que le gagnant et les perdants se tombent dans les bras sous des cotillons tricolores en octobre, le candidat issu de ce miracle politique dans un pays comme le nôtre sera certainement assez dur à battre en mai 2012.

Thomas Legrand

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