France

Primaire, la course d'obstacles des socialistes

Participation, sincérité du scrutin, intronisation du vainqueur... Au-delà de la polémique juridique récemment engagée par l'UMP, le PS va devoir relever cinq défis pour réussir sa primaire ouverte.

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Top départ le 28 juin: mardi prochain s’ouvre officiellement le dépôt des candidatures pour la primaire socialiste en vue de la présidentielle. La troisième après celles de 1995 et de 2006, et la première qui ne sera pas réservée aux militants mais accessible aussi aux sympathisants de gauche. Après les débats internes sur le concept même de primaire ou sur la date, c’est l’UMP qui a polémiqué ces derniers jours sur les modalités juridiques d’organisation de la consultation. Mais ces prochains mois, le PS devra éviter plusieurs autres écueils (plus ou moins tangibles) pour transformer l’essai de cette primaire «ouverte» qui se tiendra les 9 et 16 octobre.

Des postulants recalés

Certains observateurs avaient jugé trop fermée la primaire interne de 2006, pour laquelle il fallait les parrainages de 15% des membres du Conseil national pour se présenter, ce qui n’autorisait que six candidats maximum. Pour l’instant, ils sont une dizaine à s’être déclarés et plusieurs parrainages sont possibles: 5% des parlementaires socialistes (17 signatures), des membres du Conseil national (16 signatures), des maires socialistes des grandes villes (16 signatures) ou des conseillers régionaux et généraux PS (100 signatures).

Le risque serait que cette barre plus basse laisse quand même des candidats «médiatiques» sur le carreau: le 15 juin, le site du Journal du dimanche évoquait des difficultés du côté de Manuel Valls, Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg, dont le conseiller Thierry Mandon a confié au Figaro ne pas avoir de «marge». Le président de la fondation Terra Nova Olivier Ferrand, un des inspirateurs des primaires (et également chroniqueur sur Slate), estime cependant qu’à l’heure actuelle aucun des trois hommes «n’est en danger de ne pas avoir ses parrainages».

Un nombre d’électeurs décevant

4 millions de votants, soit près de 10% de l’électorat français: c’est le chiffre rêvé par certains responsables socialistes (Arnaud Montebourg notamment) et aussi le «potentiel» haut de mobilisation de la primaire, selon une note de Bruno Jeanbart de l’institut de sondages OpinionWay. Un niveau qui serait égal voire supérieur à celui des primaires organisées en Italie en 2005, 2007 et 2009 (3 à 4,3 millions de votants pour un corps électoral comparable).

Mais le succès ou l’échec de la primaire sera d’abord jaugé sur une autre barre, celle du million de votants, fixée par le porte-parole Benoît Hamon en décembre dernier. «Le seuil de succès, c’est plus de 1 million de personnes», confirme Olivier Ferrand. «La primaire interne de 2006 avait mobilisé 150.000 électeurs. Un facteur six donnerait une légitimité extraordinaire, d’autant qu’une partie des votants fera campagne sur le terrain pour le candidat.»

Un doute sur la sincérité du scrutin

Et si des sympathisants UMP s’inscrivaient pour perturber le vote? Et si se répétaient les irrégularités supposées de l’élection comme première secrétaire de Martine Aubry face à Ségolène Royal en novembre 2008, par 102 voix d’écart (l’élu marseillais Patrick Mennucci évoquant dans un livre «plein de fraudes et dans tous les sens»)?

Sur le premier point, les concepteurs de la primaire démentent le «fantasme» d’un «entrisme» de l’UMP, en estimant notamment que l’organisation très locale du vote (10.000 bureaux, deux à trois fois plus que pour les habituels scrutins internes) découragera les militants UMP de se montrer. Sur le second, une Haute autorité de contrôle du scrutin, composée de l’avocat Jean-Pierre Mignard, de la présidente de l’Adie Catherine Barbaroux et de l’ancien préfet Rémy Pautrat, doit faire fonction de vigie de la primaire.

Là aussi, c’est le nombre de votants qui sera décisif, suivant l’adage d’Arnaud Montebourg selon lequel «le grand nombre protège la primaire»: avec 1 million d’électeurs, un 53%-47% au second tour représenterait 60.000 voix d’écart, autant que le total des voix de Martine Aubry en 2008…

Un candidat en délicatesse avec le programme

Pour 2011, le PS a choisi un calendrier comparable à 2006: vote du projet dans un premier temps (il a été approuvé par 95% des adhérents le 20 mai) puis sélection du candidat. Une procédure dont Terra Nova considérait en 2008 qu’elle «aboutit inéluctablement à un conflit entre le programme du PS et celui du candidat». En 2007, sitôt la défaite acquise, Ségolène Royal avait ainsi déploré avoir du reprendre des propositions peu «crédibles» du projet comme le Smic à 1.500 euros ou la généralisation des 35 heures.

La difficulté va donc être pour les candidats de présenter des options différentes sans affaiblir le projet global. Intervenant devant des militants à La Rochelle en 2010, Arnaud Montebourg estimait que ce projet serait une boîte à idées souple: «Ce n’est pas un enfermoir, c’est une référence possible. Il y a des candidats qui vont s’écarter du projet, il y a des candidats qui vont être dans le projet, il y a même des candidats qui vont se proclamer protecteurs éternels du projet.»

Reste à savoir comment, concrètement, ces différentes attitudes s’exprimeront: les modalités des possibles débats (à La Rochelle fin août, à la télévision à l’automne…) devraient être fixées au début du mois de juillet.

Une intronisation ratée

L’événement est prévu pour le 5 ou le 6 novembre: une convention nationale d’investiture et de lancement de la campagne dont le but sera de boucler «à l’américaine» la séquence des primaires. «Il faudra avoir des dizaines de milliers de militants. La convention devra tourner autour du vainqueur et être scénarisée par lui, et non par le premier secrétaire, et devra durer longtemps. Et les battus devront y être associés et parler lors d’un moment cathartique», résume Olivier Ferrand. Avec pour modèle la convention des démocrates américains à Denver en 2008, lors de laquelle Hillary Clinton avait fait allégeance («Nous faisons partie de la même équipe») à Barack Obama, qui lui avait rendu hommage.

Et en repoussoir plus ou moins avoué, le congrès d’investiture à la Mutualité du 26 novembre 2006, devant un gros millier de militants. Victorieuse des primaires dès le premier tour (60,65% des voix), Ségolène Royal avait plus tard épinglé dans ses souvenirs de campagne l’absence de son prédécesseur Lionel Jospin et l’attitude jugée «discourtoise» ce soir-là de ses rivaux Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius: «[Ils] ne font même pas semblant. […] Pas un sourire. Juste une moue accrochée aux lèvres, des yeux qui regardent obstinément les chaussures et des mains qui applaudissent du bout des ongles.»

Jean-Marie Pottier

Article actualisé le vendredi 24 juin 2011 avec la possibilité pour un candidat de se faire parrainer par 5% des conseillers régionaux ou généraux PS.

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