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Syrie: les figures de la répression et de l'opposition

L’opposition syrienne continue à manifester contre le régime en dépit d'une répression féroce qui ne faiblit pas. Voici une présentation des principaux acteurs des deux camps.

Les manifestants utilisent leurs chaussures pour frapper l'affiche du président de la Syrie, Bachar Al-Assad lors d'une manifestation devant l'ambassade de Syrie à Ankara, le 10 juin 2011 Umit Bektas/REUTERS
Les manifestants utilisent leurs chaussures pour frapper l'affiche du président de la Syrie, Bachar Al-Assad lors d'une manifestation devant l'ambassade de Syrie à Ankara, le 10 juin 2011 Umit Bektas/REUTERS

Temps de lecture: 18 minutes

Qui sont les Maher al-Assad, Rami Makhlouf ou encore Ali Mamlouk, les fidèles qui entourent Bachar al-Assad? Quels sont leurs rôles dans la répression? Sont-ils unis ou, sont-ils, comme les services de sécurités, dominés par les membres du clan Assad, parfois rivaux, se contrôlant et s’espionnant?

Les particularités du régime syrien impliquent un pouvoir réel (en fonction du cercle dans lequel chacun se trouve) bien distinct du pouvoir apparent (fonction occupée). A cela s’ajoute le critère ethnique déterminant.

Hafez al-Assad, aujourd’hui décédé, puis son fils Bachar al-Assad qui s'accroche aujourd'hui par tous les moyens au pouvoir, se sont appuyés presque exclusivement sur la population alaouite, une branche minoritaire de l’islam chiite, (ils représentent environ 10 % de la population, les sunnites étant largement majoritaires). Ils sont évidemment omniprésents dans les services de sécurité, la hiérarchie du parti Baas et celle de l'armée.

Il existe par ailleurs une opposition, respectée par la population, réprimée, qui existe depuis longtemps mais commence tout juste à apparaître. La plupart des leaders qui ont dénoncé la corruption et l’autoritarisme du régime ont été arrêtés, torturés et emprisonnés.

Les fidèles de Bachar

L'opposition

Les fidèles de Bachar

Leur survie et leurs privilèges dépendent du maintien au pouvoir de Bachar al-Assad.

Ne sont présents sur cet arbre généalogique que les personnes mentionnées dans l'article. 
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1er cercle: la famille proche

2e cercle: les «utiles», ou ceux dont on ne peut pas se séparer

3e cercle: les dévoués qui n’ont (presque) pas d’influence

 

La famille proche

Maher al-Assad (1967-) C’est le frère cadet de Bachar l’un de ses plus proches conseillers. Il est chef de la garde républicaine.

Asef Shawqat (beau-frère du président), Maher al-Assad (au centre), Bachar al-Assad (à droite) lors des funérailles d'Hafez al-Assad, le 13 juin 2000. Khaled al-Hariri/REUTERS

A la différence de Bachar qui est ophtalmologiste, lui est militaire de carrière. Il est entré dans l’armée après avoir fait ses études à l’université de Damas, où il a étudié la mécanique. Il a ensuite fait ses classes pour devenir officier de la «4e division», une des unités les plus dévouées au régime. C’était le bras droit de Bassel, son frère décédé en 1994 dans un accident de voiture. Trop jeune à la mort de son père, Hafez al-Assad, en 2000, c’est son frère aîné Bachar qui a pris le pouvoir.

En 2000 Maher devient membre du comité central du parti Baas.

En 2005, il est cité avec son beau-frère, Asef Shawkat, dans un rapport de l’ONU les rendant responsables de l’assassinat de Rafic Hariri, l’ancien Premier Ministre libanais.

Depuis 1996, c’est lui qui de fait a la haute main sur l’armée . Il commande la garde républicaine (force qui protège le régime contre les menaces internes) et de fait la 4e division, même s’il ne dirige officiellement qu’un régiment. En pratique, il a plus de poids que l’officier principal dans la prise de décision (car il est frère du président!). Il s’est construit un réseau de relations au sein de l'armée et d'obligés comprenant des officiers présents (dans toutes les armes) influant dans tous les services.

On le considère souvent comme le véritable chef de la répression, l’UE a pris des sanctions contre lui en 2011 le considérant comme «le principal organisateur de la violence contre les manifestants».

Pour réprimer l'insurrection, les unités de l'armée qu'il dirige sont appuyées par la milice Shabiha (dirigée par Fawaz El-Assad et Mounzer El-Assad, des cousins de Bachar El-Assad), une milice dotée d’armes lourdes qui prend part aux violences dans les villes côtières. Cette milice donne dans le trafic d’armes et de drogue, le vol à main armée et la prostitution.

Maher est aussi réputé pour sa violence et son instabilité émotionnelle, on le surnomme «le boucher de Deraa». Beaucoup ne voient en lui que l’incarnation du frère d’Hafez al-Assad, Rifaat al-Assad qui avait massacré les frères musulmans en 1982, à Hama. Il fait aussi du kick-boxing et a tiré avec un pistolet dans le ventre de son beau-frère, Asef Shawkat (marié à sa soeur Bouchra) en novembre 1999, un jour où ils se sont disputés.

La famille proche

Rami Makhlouf (1969-) Cousin de Bachar, c'est un homme d'affaires [sa photo est ici]. Son père, Mohammad Makhlouf (beau-frère d’Hafez, par sa sœur Anisé), était un proche d’Hafez al-Assad, il exerçait une influence morale sur le président et gérait de nombreux dossiers économiques et financiers, comme celui de l’argent du pétrole ou du tabac.

Le fils s’est ensuite lancé dans les affaires avec l’argent de son père (article payant) au début des années 1990. Il s’est lancé dans la téléphonie mobile dans les années 2000, il est aujourd’hui vice-président du réseau de téléphonie mobile Syriatel (et le premier actionnaire). Il gère aussi des hydrocarbures, des banques, des transports aériens (du groupe cham), des travaux publics (immobilier de tourisme) ou encore des chaînes de télévision. Il a lancé Cham, le groupe le plus important du pays, qui s’occupe de banques, d’assurances, mais aussi de santé et d’éducation.

Surnommé «le roi de la Syrie», cet alaouite est en réalité le personnage économique le plus important du pays. Il contrôlerait 60% de la vie économique de la Syrie et gère les avoirs de la famille au pouvoir. Son travail bénéficie à l’ensemble du clan avec qui il partage l’argent.

Selon la BBC, aucune société étrangère ne peut faire affaire en Syrie sans son consentement. Il dispose d’une place privilégiée (lien payant) au coeur de l’exécutif syrien et concentre donc des pouvoirs économiques mais aussi politiques (et coopère avec les services secrets et l’armée), c’est pour cela qu’il est la cible de nombreux slogans lors des manifestations actuelles («Makhlouf voleur!»).

Le Trésor américain avait pris des sanctions contre lui en 2008, le qualifiant de «puissant homme d’affaires syrien qui a bâti son empire en exploitant ses relations avec des membres du régime».

Il est aussi propriétaire du quotidien privé al-Watan (à ne pas confondre avec al-Watan algérien) journal pro-gouvernemental pourtant interdit en mars 2011 à la suite de la publication d’un article intitulé «Les médias syriens nous mentent» (le journal avait ensuite eu le droit de vendre ses publications quelques heures plus tard, sans plus d’explications).

Rami Makhlouf est aussi connu pour faire régulièrement des déclarations fracassantes (en mai 2011 dans une interview au New York Times il avait par exemple lié la sécurité d’Israel au maintien au pouvoir de Bachar al-Assad, s’attirant les foudres des pro-palestiniens).

Comme la plupart des hommes forts de Syrie il a été l'objet en mai 2011 de sanctions, accusé par l'Union Européenne de corruption. Le 16 juin 2011, il a déclaré dans un communiqué que ses parts dans le groupe Syriatel (compagnie de téléphonie syrienne) allaient être reversées dans des activités humanitaires (soit environ 40%). Il dit vouloir  «créer des emplois et soutenir l'économie nationale».

La famille proche

Hafez Makhlouf (1971-) Cousin de Bachar et petit frère de Rami Makhlouf, il dirige la branche de la direction générale de la sécurité de la capitale Damas.

Il est connu pour être rescapé de l’accident de voiture dans lequel est mort Bassel al-Assad (le frère du président), en 1994. 

Il est apparu en 2008, lorsqu’Asef Shawqat (ancien chef des renseignements militaires) avait été écarté après des affaires mettant la Syrie en position difficile et portant un coup à la crédibilité des services de sécurité syriens. En septembre 2007, les Israéliens ont bombardé un site nucléaire qui allait entrer en service.

En février 2008, le chef du commandement militaire du Hezbollah, Imad Moughnieh, a été assassiné. Et finalement, en août 2008, Mohammad Sleiman, le conseiller en sécurité de Bachar (chargé de l’approvisionnement en armes stratégiques et non conventionnelles de la Syrie) et ancien ami du frère du président, Bassel, a également été assassiné. Hafez Makhlouf était alors apparu, bénéficiant du droit de consulter tous les dossiers de tous les services de sécurité pour tirer ces affaires au clair. Il connaît depuis, une influence grandissante.

Il dirige actuellement la branche de Damas de la direction générale de la sécurité. Son supérieur n’est autre qu’Ali Mamlouk, le chef de la sécurité d’Etat. En réalité, Hafez a plus d’influence que ce dernier, en raison de ses liens familiaux. Il a notamment eu la haute main sur de nombreuses nominations et beaucoup, au sein du régime, lui sont redevables.

En 2007, il avait fait l’objet de sanctions de la part des Etats-Unis pour avoir tenté de réaffirmer la domination de la Syrie sur le Liban (la Syrie a évacué le Liban en 2005 après 29 ans d’occupation). A la suite de ces sanctions, il avait déclaré à la BBC qu’il s’agissait d’une «manoeuvre politique visant à porter atteinte aux personnes importantes».

Tout comme Atef Nagib (autre cousin de Bachar et fils de la sœur de Mohammad Makhlouf), il s’est fait remarquer pour sa cruauté et son absence de scrupules. Ce sont tous deux des hommes forts des services de sécurité d’état à Damas. Ils participent à la direction des mukhabarat (services secrets) des soldats et des chabbiha (milice au service du pouvoir).

D’une certaine façon, Atef Nagib est responsable des manifestations qui ont lieu actuellement en Syrie. Il est, en effet, chef de la sécurité politique de Deraa, c’est lui qui a attrapé les enfants et qui les avaient relâchés après les avoir torturés en mars. L’affaire a ensuite fait éclater un soulèvement plus global sur le territoire syrien.

 La famille proche

Asef Shawqat (1950-) C’est le beau-frère de Bachar, il est actuellement chef adjoint d’état-major.

Maher al-Assad, Asef Shawqat (au centre) et Bachar al-Assad lors des funérailles d'Hafez al-Assad, le 13 juin 2000. Khaled al-Hariri/REUTERS

Asef Shawqat a fait des études de droit et d’histoire à l’université de Damas avant de rentrer dans l’armée de l’air dans les années 1970. En 1995, il épouse la fille unique d’Hafez al-Assad, Bouchra, contre la volonté de la famille al-Assad (Asef était d’origine modeste et avait déjà été marié). Il devient d’abord chef des renseignements militaires de l'armée de terre et conseiller en sécurité de Bachar al-Assad puis chef adjoint du renseignement militaire, en 2001.

En novembre 1999, à la suite d'une dispute, il est blessé au ventre par un coup de pistolet de Maher al-Assad, qui le déteste. Il se fait soigner au Val-de-Grâce, à Paris.

Après le 11 septembre 2001, il a aidé l’Europe et les Etats-Unis à mettre en place des opérations de renseignements en Syrie.

Pendant cinq ans, Bachar a refusé de le promouvoir chef de son service (le renseignement militaire) mais il le devient finalement en février 2005, juste après l’assassinat du Premier ministre libanais, Rafic Hariri. A ce poste, il contrôle les nominations et les relations entre les officiers. En Syrie, tous les services interviennent à tous les niveaux, ce qui leur permet de se contrôler mutuellement et de s’espionner. Asef Shawqat était connu pour les nombreux contacts dont il disposait au sein du pays mais aussi dans les services de sécurités d’autres pays du monde entier.

En 2005,  il est cité avec son beau-frère Maher al-Assad dans un rapport de l’ONU les rendant responsables de l’assassinat de Rafic Hariri.

Asef Shawqat est ensuite «écarté» de ses fonctions principales (et remplacé par Abdel Fatah Qudsiyeh) en 2010 et quitte le renseignement militaire. Cela fait suite à trois fiascos qui ont touché la Syrie quelques années auparavant (un bombardement et deux assassinats cités précédemment). La crédibilité des moukhbarats (services secrets syriens) était alors ébranlée.

Bachar avait peut-être aussi peur que son beau-frère profite de ses relations pour devenir une alternative, sinon une solution de recours face au président. Il est alors promu chef adjoint d’état-major des forces armées.

Cette nomination s’apparente à un placard doré, il était chef, il n’est plus qu’adjoint (son supérieur est Daoud Rajiha); d’autant plus qu’il ne surveille plus la sécurité militaire. Il se peut cependant que cette mise au ban ne soit que provisoire. Comme il s’agit du mari de sa sœur, Bachar ne peut lui porter atteinte sans porter la honte à sa propre famille. Des rumeurs disent que Bouchra, la sœur de Bachar a déclaré qu’elle dirait tout ce qu’elle sait si son mari est mis sur la touche définitivement.

 

 Les «utiles», ou ceux dont on ne peut pas se séparer

Ali Mamlouk (1946-) Il est chef de la sécurité générale de l’Etat [sa photo est ici].

Ce sunnite a peut-être été porté au pouvoir pour apaiser les tensions avec la population (à majorité sunnite). C’est Bachar al-Assad qui l’a fait monter alors qu’il n’avait aucun lien avec la tribu, la famille ou le clan au pouvoir. Il n’est donc devenu important que par la volonté de l’actuel président.

Il commence sa carrière comme chef adjoint de la force aérienne de renseignements.

Depuis 2005 Ali Mamlouk est chef de la sécurité générale de l’Etat. En pratique il a beaucoup moins d’influence qu’Hafez Makhlouf, même s'il est son supérieur.

En 2007, il a fait l’objet de sanctions de la part des Etats-Unis pour ses «activités répréhensibles concernant le Liban, et sa suppression de la société syrienne civile et l'opposition interne». Selon un câble diplomatique américain rendu public par Wikileaks, il aurait participé à un programme de lutte contre le terrorisme avec les Etats-Unis en 2010. 


Les dévoués qui n’ont (presque) pas d’influence


Bouthaina Shaaban (1953-) Cette alaouite est la conseillère politique et médiatique de Bachar al-Assad.

Bouthaina Shaaban, la conseillère du président Bachar al-Assad, lors d'une conférence à Damas, le 24 mars 2011. Khaled al-Hariri/REUTERS

Bouthaina Shaaban a suivi des études de littérature anglaise au Royaume-Uni et à Damas. Elle a ensuite été la traductrice des discours d’Hafez el-Assad puis de Bachar. Elle est nommée ministre pour les expatriés de 2003 à 2008. En 2005, elle aurait fait partie des nominations possibles pour le prix Nobel de la paix (les listes restent en principe secrètes)

Elle devient ensuite conseillère politique du président dès juillet 2008. Mais elle est décrite par l’opposition syrienne comme un «perroquet de Bachar».  Comme elle a traduit les discours de Bachar el-Assad pendant des années, elle s’est peu à peu imprégnée des valeurs qu’il voulait promouvoir, elle a donc acquis la confiance de Bachar.

Des discordes existent néanmoins entre Bouthaina Shaaban et Bachar el-Assad. Elle a déjà contredit plusieurs fois le président et a annoncé des projets qu’il n’avait nullement l’intention de mettre en place. Elle entretient aussi la rumeur qui veut que Bachar el-Assad ne soit pas le réel détenteur du pouvoir en Syrie. Les véritables raisons de son maintien demeurent inconnues, mais selon Ignace Leverrier, les Syriens pensent que son rôle est «d'apaiser et rassurer l'opinion publique internationale sur les bonnes dispositions du chef de l'Etat».

Elle a aussi écrit de nombreux livres et articles (sur le féminisme, la littérature...).

Les dévoués qui n’ont (presque) pas d’influence

Farouk Al Chareh (1938-) C’est un des deux vice-présidents syriens.

Le vice-président syrien, Farouk al-Chareh lors d'une conférence au club de la culture arabe à Damas, le 14 août 2007. Khaled al-Hariri/REUTERS

Ce sunnite a fait des études de littérature anglaise à Damas et a ensuite obtenu un diplôme de droit international à l’université de Londres. Il a travaillé pour Syrianair puis est devenu ministre des Affaires étrangères en 1984, il a notamment mené de nombreuses négociations avec Israël. Bien que sunnite il devient durant cette période l'homme de confiance d’Hafez el-Assad puis de son fils Bachar. C’est un «dur» du régime (opposé aux plus jeunes, dont Walid Mouallem, le ministre des affaires étrangères) qui a contribué à façonner la politique étrangère de la Syrie depuis longtemps.

Pendant la guerre Iran-Irak, Farouk al-Chareh a défendu la politique de soutien de l’Iran que développait la Syrie pour ensuite présider un dégel dans les relations avec l’Irak dans les années 1990.

En 2003, les Etats-Unis le portent responsable de la «propagande pro-Irak» pendant la guerre d’Irak en 2003.

Il est mis en cause par un rapport de l’ONU pour avoir «fourni de fausse informations» lors de l'enquête sur l’assassinat du Premier ministre libanais Rafic Hariri, alors que l’ONU soupçonne la Syrie d’être derrière l’assassinat.

En 2006, il devient vice-président, en remplacement d'Abdelhalim Khaddam qui avait quitté la Syrie. Farouk al-Chareh avait lui été remplacé par Walid Mouallem au ministère des Affaires étrangères. Son rôle lui permet d’être tout au plus «consulté». Bachar al-Assad lui accorderait moins de confiance qu'à Bouthaina Shaaban car il n'est pas alaouite (sans compter que Bouthaina Shaaban suit le président depuis le début).

Encore aujourd’hui, Farouk al-Chareh soutient les anciens du régime et estime que l’alliance avec l’Iran est une nécessité vitale pour le pays.

Il a été nommé président du comité préparatoire du congrès national syrien. Il doit donc maintenant choisir les membres de ce congrès qui aura pour objectif de définir des amendements constitutionnels et étudier des textes qui seront soumis à l’Assemblée du Peuple (loi sur les partis, sur les élections...).

Une opposition qui tente d'exister

L'opposition interne

Riad Seif (1946-) Ancien député, il est réputé pour sa lutte contre la corruption.

Riad Seif, membre du parlement et leader de l'opposition syrienne, dans son bureau lors d'une interview pour Reuters à Damas, le 6 mai 2005. Khaled al-Hariri/REUTERS

Certains membres de l’opposition sont alaouites, parmi eux, Riad Seif. Cet homme d’affaires syrien a créé un atelier de confection de chemises en 1963 puis obtient la franchise Adidas en Syrie en 1993, fabriquant ainsi la production exportée vers les pays européens. Réputé pour être profondément social, cet alaouite a en effet créé une garderie pour les enfants des employés, une cantine, des transports en commun entre l'entreprise et le domicile de ses employés.

Il est devenu député indépendant en 1994 (il sera réelu ensuite pour un second mandat). Il est très vite connu pour dénoncer la corruption.

Lors de son second mandat, il sème la panique dans l’assemblée en dénonçant l’attribution des contrats de téléphonie mobile à Rami Makhlouf (article payant), le cousin de Bachar al-Assad. Pour lui, cela constituait un cadeau à la famille royale car la Syrie connaissait un déficit en téléphonie fixe, la téléphonie mobile allait donc rapporter des milliards... qui se retrouveraient dans les poches d’un membre de la famille présidentielle!
Il perd son fils de 21 ans, Lyad, dans des circonstances mystérieuses, le 2 août 1996.

En 2000, il crée le «forum du dialogue national» (rassemblement d’intellectuels et de personnalités syriennes de la société civile qui débattent du système politique syrien). Il est arrêté pendant le «printemps de Damas» pour avoir voulu «changer la constitution de façon illégale». Il avait alors organisé un séminaire de plus de 400 personnes sous l’égide du «forum du dialogue national», sans autorisation du pouvoir. Le pouvoir avait alors signé une «autorisation spéciale» pour lever son immunité parlementaire et engager des poursuites. Il restera cinq ans en prison.

Il a fait partie des 300 opposants à signer la «Déclaration de Damas pour le Changement National Démocratique Pacifique en Syrie», le 16 octobre 2005. Ce texte, signé par les partis de l’opposition laïque et les Frères musulmans, appelait à un changement démocratique en Syrie.

A la suite de ce texte, le Conseil national de la déclaration de Damas pour le changement national et démocratique (CNDD) a été créé, il regroupait plus de 160 activistes politiques, défenseurs des droits de l’homme, intellectuels et artistes syriens. Riad Seif en a été nommé président du secrétariat général. Le conseil s’est réuni une première fois le 1er décembre 2007, mais le pouvoir a aussitôt arrêté une douzaine de ses principaux dirigeants.

Pour cette raison, ils ont tous été condamnés à deux ans et demi de prison par la Cour pénale de Damas pour avoir «porté atteinte à l’image de l’Etat» et «propagé des informations mensongères». Alors qu'il est atteint d’un cancer de la prostate, les autorités avaient refusé de lui permettre de suivre son traitement médicamenteux en prison.

Il a été arrêté une autre fois en 2011 lors des manifestations contre le régime, puis relâché.

Riad Seif est donc connu pour son rôle politique, mais aussi pour son rôle social. Il constitue une des personnalités d’avenir pour la Syrie en cas de chute du régime de Bachar al-Assad.

L'opposition interne

Riad al-Turk (1930-)  C’est un symbole du communisme syrien, poids fort de l’opposition interne.

Le leader de l'opposition Riad al-Turk lors d'une interview, le 2 mai 2007. Khaled al-Hariri/REUTERS

Riad al-Turk a adhéré au Parti communiste en 1944. Il devient ensuite secrétaire général lorsque le Parti communiste opère une scission avec le Front national progressiste (ce front avait été créé pour intégrer tous les partis du pays avec le Baas et donner une impression de pluralisme politique) dans les années 1970. Il crée alors le PC-bureau politique (aujourd’hui rebaptisé Parti démocratique du peuple).

En 1979 il a créé, avec le Dr Jamal al-Atassi, le Rassemblement national démocratique pour les politiques qui refusaient d’adhérer au Front national progressiste.

Surnommé le «Mandela syrien», ce militant est allé en prison dans les années 1980 et y est resté 17 ans, dans une cellule individuelle, car il avait dénoncé la répression contre les Frères musulmans à Hama en 1982. Il a été ensuite remis en prison lors du «printemps de Damas» pour «atteinte à la constitution» car il incarnait la résistance du régime.

Lors de son procès, il avait refusé de parler. Après ses incarcérations, il avait déclaré à Mohammad Ali Al-Atassi, un réalisateur qui tournait un documentaire sur lui, vouloir faire un «document pour tous ceux qui prendront à leur tour le chemin de la prison», épisode que la majorité des opposants.

En 2005, il avait participé à la rédaction de la Déclaration de Damas du 16 octobre, qui réclamait un «changement démocratique et radical» du pouvoir de façon «pacifique et graduelle».

L'opposition interne

Haytham al-Maleh (1931-) Cet avocat islamiste modéré est un symbole des droits de l’homme en Syrie.

L'opposant Haithan al-Maleh lors d'une interview pour Reuters à son bureau à Damas, le 14 avril 2006. Khaled al-Hariri/REUTERS

Haytham al-Maleh est devenu avocat en 1957 après avoir suivi des études de droit international. Il a rejoint l’institution judiciaire en 1958 mais une loi spéciale décidée en 1966 [PDF] a mis fin à ses fonctions (il put quelques années plus tard exercer à nouveau, jusqu’à son arrestation en octobre 2009).

De tendance conservatrice sociale et islamiste, ce sunnite a été arrêté et emprisonné de 1980 à 1986 car il plaidait en faveur de réformes constitutionnelles. Durant sa détention, il a effectué plusieurs grèves de la faim.

Il a toujours défendu les droits des gens conformément à la loi face aux services de sécurité. Il est souvent décrit comme quelqu’un «qui n’a peur de rien», ce qui lui a valu d’être emprisonné plusieurs fois.

Lors du «Printemps de Damas», il se montrait avec Ryad al-Turk, en dépit de leurs tendances politiques différentes, pour montrer l’accord qu’ils avaient dans la contestation du pouvoir.

En 2002, il a créé une association de défense des droits de l’homme en Syrie et en est devenu président.

Il a été interdit de voyager [PDF] hors de territoire syrien ces six dernières années. Et a finalement comparu devant le tribunal en 2009 puis en juillet 2010. Il avait alors été condamné à trois ans de prison ferme pour «diffusion de fausses nouvelles susceptibles de porter atteinte au moral de la nation», en vertu des articles 285 et 286 du Code pénal syrien. Il avait notamment critiqué, lors de plusieurs interviews, le maintien de l’état d’urgence en Syrie ainsi que le contrôle permanent exercé par les autorités syriennes sur le pouvoir judiciaire. Il a été remis en liberté le 8 mars 2011 à la suite de l’amnistie pour les plus de 70ans, décidée par Bachar el-Assad.

 

L'opposition interne

Facebook Son utilisation permet faire connaître ce qui se passe sur le territoire syrien

Capture d'écran de la page Facebook The Syrian Revolution 2011

Ce réseau social interdit de nombreuses fois a été rouvert par les autorités syriennes en février, peu après les premiers appels à manifester. Depuis plusieurs années, Internet a été utilisé par les autorités syriennes pour améliorer la communication politique.

Mais depuis le début des soulèvements, l’opposition et les pro-régime s’affrontent dans une réelle guerre d’image et de communication  (comme nous l’indiquions dans une précédente Slate TV, des vidéos d’une extrême violence avaient mystérieusement disparu de Facebook en avril et aussi, la page Facebook du Monde.fr a été piratée par des pro-Bachar en mai). Internet reste donc à double tranchant.

Depuis le début des manifestations, les opposants ont créé de nombreuses pages Facebook comme The Syrian Revolution qui regroupe plus de 200.000 membres ou Syrian Revolution Video (en arabe); des comptes Twitter comme @RevolutionSyria; des sites internet (comme syriarevolution.com ou syriarevolution.org dont les propos sont plus pacifiques que le premier), mais aussi des blogs qui se sont fait l'écho de ces manifestations.

Internet a donc permis aux manifestants de communiquer principalement des informations pour les Syriens, mais surtout de faire connaître la situation au niveau international. Cependant le phénomène des réseaux sociaux ne touche pas la majorité de la population, une grande partie croît encore aux discours de Bachar el-Assad (les soulèvements n'auraient qu'un caractère confessionnel et sont le résultat d'un complot intérieur et extérieur).

L’utilisation de Facebook n’est pas encore assez forte pour influencer réellement l'opinion.

L'opposition externe

Abdelhalim Khaddam (1932-) Ce sunnite fut le bras droit d’Hafez el-Assad puis vice-président sous Bachar. Il représente aujourd’hui une opposition syrienne en exil.


L'ancien vice-président syrien en exil lors d'une conférence à Bruxelles, le 7 avril 2011. Thierry Roge/REUTERS

Abdelhalim Khaddam a fait des études de droit et devient avocat à Damas de 1954 à 1964.

Cultivé, sa progression en politique est rapide. Il a adhéré au parti Baas à 17 ans, puis en est devenu responsable. Il est nommé gouverneur puis ministre de l'Économie et des Finances (1969).

Lorsqu’Hafez el-Assad (alors ministre de la Défense) prend le pouvoir en novembre 1970, il est  nommé ministre des Affaires étrangères. Il était réputé pour être un «pur et dur» (c’était un proche de Hafez el-Assad au moment du massacre de Hama) et pour affirmer la domination de la Syrie sur le Liban (il s’occupe du dossier libanais de 1975 à 1998). Il accède ensuite à la vice-présidence en 1984.

A la mort d’Hafez el-Assad, en 2000, il assure l’intérim de la présidence de la République jusqu’à la victoire de Bachar el-Assad aux élections, en juillet. Il aurait dû devenir président si Hafez el-Assad n’avait pas changé la constitution pour permettre à son fils Bachar de se présenter et créer une république héréditaire.

Abdelhalim Khaddam a ensuite démissionné en décembre 2005, officiellement après avoir critiqué la politique étrangère de Damas. Cependant, ce départ coïncide avec des désaccords avec Bachar el-Assad sur les réformes nécessaires au parti Baas et avec l’assassinat de Rafic Hariri, un de ses amis.

Il s’est exilé à Paris, où il vit toujours dans une propriété de la famille Hariri. Il incarne l’opposition en exil depuis décembre 2005, lorsqu’il a accusé le régime d’être la cause de l’assassinat de Rafic Hariri sur la chaîne al-Arabya.

Il fonde en 2006 le Front de salut national syrien (FSN), une coalition d’opposants en exil qui a pour but de renverser le régime de Bachar el-Assad dont la dernière réunion s’est tenue en 2007, à Berlin.

En 2008, il est condamné par contumace par un tribunal militaire syrien pour avoir notamment «organisé un complot en vue de renverser le pouvoir politique».

Il soutient actuellement les manifestants syriens et a déclaré que Damas était «un régime basé sur des institutions sécuritaires et militaires» qui «a fait sienne la corruption».  Il encourage un changement pacifique du pouvoir sans l’intervention de puissances étrangères. Il ne constitue cependant plus une alternative, il souhaite simplement participer à la chute du régime.

Fanny Arlandis

Remerciements:   

Ignace Leverrier, ancien diplomate, il tient le blog «un oeil sur la Syrie» sur lemonde.fr  

Fahed al-Masry, journaliste syrien en France.   

Salah Ayache, maître de conférence à Paris VII.

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