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Israël-Palestine: deux stratégies pour avoir l'initiative

Benjamin Netanyahou, le premier ministre israélien et Mahmoud Abbas, le président de l'Autorité Palestinienne cherchent l'un comme l'autre à avoir le plus d'atouts pour la grande négociation qui s'annonce.

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Tandis que les américains cherchent à ranimer les pourparlers de paix et que le Quai d’Orsay tente d’arbitrer le débat qui s’enlise, les deux dirigeants des deux camps, Benjamin Netanyahou et Mahmoud Abbas, cherchent à se donner des marges de manoeuvres et à affiner la stratégie qu'ils espèrent victorieuse. Américains comme Français veulent éviter un clash avant septembre 2011 et la proclamation unilatérale d’indépendance de la Palestine.

Le premier ministre israélien cherche ainsi à se démarquer des positions de son parti, le Likoud. Ses conseillers précisent qu’il est prêt à de sérieuses concessions dans le cadre d’une signature d’un véritable accord de paix qui lui enlèverait l’épine du pied du Grand Israël dont il a abandonné le principe. Plusieurs membres de son parti ont assimilé l’exigence de la restitution d’une partie des territoires et ils le font savoir à présent. Ils ont compris qu’il était difficile d’intégrer des arabes contre leur volonté d’autant plus que l’identité juive du pays serait remise en cause avec les écarts de natalité entre juifs et arabes. Le problème est toujours celui de la fiabilité de l'interlocuteur. Car Israël échange des territoires contre des promesses et les retraits de Gaza et du Liban n'ont apporté jusqu'à aujourd'hui que des désillusions et des conflits.

Mais l’échec de l’annexion du plateau syrien du Golan illustre l'impossibilité d'une assimilation sous la contrainte des populations arabes. Les habitants arabes du Golan refusent la carte d’identité israélienne qui leur a été proposée puis imposée. Ils ont reçu le soutien de centaines de manifestants qui ont tenté de forcer la frontière syrienne dans la foulée du soulèvement populaire. Netanyahou est par ailleurs convaincu qu’aucun accord ne serait viable sans l’intégration de la Syrie à la négociation et, pour cela, il est prêt à sauter le pas en échangeant la paix contre le Golan. Il a même exigé des kurdes syriens qu’ils tempèrent leurs actions contre le régime de Bachar El-Assad.

Son projet secret prévoit une cession qui s’effectuerait définitivement dans un délai maximum de quinze ans, le temps de tester l’évolution et la réalité de la paix et de trouver des arrangements avec les habitants du plateau où vivent 18.000 druzes et 20.000 juifs qui représentent une population faible par rapport aux centaines de milliers de la Cisjordanie. Malgré l’annexion du Golan en 1981, les gouvernements successifs avaient la conviction qu’ils s’en serviraient comme monnaie d’échange à l’instar du Sinaï et, de ce fait, ils n’ont jamais investi dans ce territoire boudé par ailleurs par les militants religieux. L’impression de vide qui entoure cette région est corroborée par le peu d’investissements hôteliers et immobiliers réalisés dans la région à l’exception du village vinicole de Katsrin et de quelques chambres d’hôtes, les «tzimerims».

Indépendance palestinienne

Ce délai de quinze ans coïnciderait d’autre part avec la période nécessaire aux palestiniens pour consolider leur indépendance dans une Cisjordanie restituée à 90%,  pour bâtir leur infrastructure et leur structures politiques, pour atteindre une autonomie industrielle et financière, pour s’affranchir des liens énergétiques avec Israël et enfin pour consolider leur indépendance économique.

Le retour de Benjamin Netanyahou des Etats-Unis a augmenté l’inquiétude au sein de Likoud après les louanges qui ont été exprimées pour sa «victoire» contre Barack Obama. Le parti commence à entrevoir les desseins de leur chef puisque la députée Likoud Tzipi Hotoboli, qui s’était déclarée prête à accorder la nationalité israélienne aux habitants non-juifs de Cisjordanie, exige à présent des explications du premier ministre à la suite de rumeurs d’accord tacite avec les américains sur les conditions de la création d’un Etat palestinien. Elle met en garde les dirigeants sur le combat qu’elle mènera pour que la Cisjordanie reste intégrée à Israël. 

Le ministre de la défense Ehud Barak, qui a quitté le parti travailliste pour créer le sien, «Hatsmaout», plus inféodé au Likoud, est le grand ordonnateur de cette politique iconoclaste. Il insiste auprès des collaborateurs de Mahmoud Abbas pour qu’ils le persuadent de temporiser avant de créer l'irrémédiable en n’entrant pas en négociations immédiatement et en créant son Etat en septembre.

Réunions secrètes

Du coté de Mahmouyd Abbas qu'on disait affaibli, désabusé et sans ressort face au Hamas, il vient de faire preuve d'une grande capacité de manoeuvre profitant de l'affaiblissement syrien et iranien. Des indiscrétions avaient état de tractations inter-palestiniennes. Avant les troubles en Syrie, Mahmoud Abbas avait envoyé à Damas une délégation de haut rang de son parti, le Fatah, pour engager des pourparlers secrets avec les dirigeants du Hamas qui s’opposent à tout plan de paix parrainé par les américains et pour les convaincre d’envisager un changement de leur position intransigeante. La signature de l’accord Fatah-Hamas donne à penser qu’une inflexion a été obtenue de la part des islamistes qui ont perdu le soutien de la Syrie dans la tourmente et de l’Iran intervenant par Assad interposé.

Les égyptiens, qui s’entremettent depuis plusieurs mois pour obtenir une avancée dans les discussions, ont fait le geste de rouvrir la frontières avec Gaza. Les conditions draconiennes qu’ils ont imposées aux voyageurs ont rassuré les israéliens puisque les jeunes de 18 à 40 ans devront déposer une demande de visa, que les valises seraient contrôlées par la douane et que les marchandises ne transiteraient pas par ce point de passage. Les égyptiens ont réussi à persuader le président de l’Autorité Palestinienne qu’il devait s’orienter vers la voie de la négociation s’il voulait continuer à obtenir leur soutien.

La délégation de haut niveau du Fatah, qui s’était déplacée à Damas, comprenait le vice-premier ministre Azzam Al Ahmad, le général Nasser Youssouf  et le chef des renseignements du Fatah Sahar Basiso. Elle avait pour mission de rencontrer le leader du Hamas Khaled Méchaal ainsi que Izzat a-Rishak, le chef des services secrets. La présence de ce dernier représentait la caution des activistes puisqu’il était responsable des attentats du 30 août et du 1er septembre contre quatre civils israéliens assassinés en Cisjordanie ainsi que de la planification d’une campagne sanglante du Hamas.

Chantage

Les israéliens ne voient pas d’un bon œil la réconciliation entre le Fatah et le Hamas à leurs dépens.  Ils n’apprécient pas non plus que Mahmoud Abbas lance des ultimatums pour la suite des pourparlers et l'annonce unilatérale de la création d'un Etat palestinien. Des voix politiques s’élèvent pour que l’initiative revienne à Israël, pour qu’un plan écrit et détaillé, reprenant les principales clauses d’un futur accord, soit remis aux palestiniens afin de servir de bases de discussion. Cela permettrait à Benjamin Netanyahou de reprendre l'initative. Ce plan, qui n’aurait rien de définitif puisqu’il sera soumis aux deux parties, aura trois rôles fondamentaux. Il aurait d’abord l’avantage de préciser les contours des concessions israéliennes. Il prouverait ensuite la bonne volonté des israéliens et reporterait enfin la responsabilité d’un éventuel échec sur les palestiniens s’ils refusaient de le discuter et de l’amender.

Jacques Benillouche

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