Monde

Sexe, mensonges et téléscripteurs

Vous pensez que les Français tolèrent les infidélités de leurs politiques? Jetez un œil aux États-Unis.

Temps de lecture: 3 minutes

L'agression sexuelle présumée d'une femme de chambre par le directeur du FMI, et possible futur candidat à l'élection présidentielle française, n'est pas seulement un crime épouvantable. C'est aussi un choc des civilisations –opposant les puritains et moralisateurs Américains aux libertins Français.

«Les Français sont légendaires pour leur nonchalance face aux appétits sexuels de leurs politiciens» fait remarquer le Wall Street Journal dans un éditorial. «Jusqu'aujourd'hui, des vies sexuelles compliquées, des divorces multiples et des adultères en série n'ont jamais entravé aucune carrières politique [française]», écrit un commentateur du Telegraph.

Il est vrai que les politiciens français sont connus pour leurs conduites lascives. Il était notoire que François Mitterrand avait une seconde famille lorsqu'il était président de la France. Quand un journaliste l'a attaqué sur son enfant illégitime, Mitterrand a répondu, «Et alors?».

Jacques Chirac avait tellement de maîtresses, selon son ancien chauffeur, que ses collaborateurs lui avaient donné le surnom de «trois minutes, douche comprise». Nicolas Sarkozy a divorcé de sa femme et s'est remarié avec un top-model au cours de son mandat.

Ce qui ne veut pas dire que les Français tolèrent les agressions sexuelles. Mais c'est un sentiment partagé par beaucoup d'Américains pour qui, chez les compatriotes de Pépé le putois, l'agression sexuelle est un prérequis, au même titre que le béret et un penchant pour le camembert.

Que les Américains se gardent de persifler!

Les Américains devraient bien se garder de persifler. Les politiciens américains sont tout aussi débauchés que leur homologues français –et ils en réchappent, aussi. En 2007, seuls 37% des Américains disaient être moins enclins à voter pour quelqu'un s'il avait eu une aventure extra-conjugale.

Les chiffres se dispersent selon des lignes partisanes, avec 62% des Républicains, et 25% des Démocrates rechignant à voter pour un infidèle. En pratique, ils semblent être encore plus bas, vu que les hommes adultères –même des Républicains– restent populaires et peuvent s'attendre à être réélus.

Il était un temps où l'infidélité était suffisante pour disqualifier un politicien lors d'une élection. Nelson Rockefeller a manqué l'investiture républicaine de 1964, après avoir divorcé de sa femme et s'être remarié avec Margaretta «Happy» Murphy, sa maîtresse depuis des années. La candidature présidentielle de Gary Hart s'est dégonflée, en 1987, après la révélation de son aventure avec Donna Rice, une mannequin de 29 ans.

Ces aventures ont l'air bien ternes comparées aux standards actuels. De nos jours, si un politicien confesse tout de suite ses infidélités, on lui pardonne tout. Quand les activités extraconjugales d'Antonio Villaraigosa, maire de Los Angeles, furent révélées en 2007, il s'excusa. Il obtint un second mandat en 2009.

David Vitter, sénateur de la Louisiane, a immédiatement fait pénitence quand son nom est apparu dans les petits carnets de D.C. Madam. [la maquerelle de Washington]. «J'ai demandé, et j'ai reçu le pardon de Dieu et de ma femme, en confession et en thérapie de couple», avait déclaré Vitter à l'époque, à l'Associated Press. Les électeurs furent du même avis que Dieu et Vitter fut réélu à un second mandat, en 2010.

«Infidélités +»

Les politiciens sont uniquement lésés lorsqu'ils commettent des «infidélités +». L'infidélité ET la malhonnêteté en est la forme la plus commune: «Ce n'est pas juste une questions d'adultère –c'est aussi une question de mensonge». Ce mantra, répété en boucle dans les cabinets des conseillers conjugaux à travers le pays, explique aussi les habitudes des électeurs.

La carrière politique de John Edwards ne serait peut-être pas terminée aujourd'hui s'il n'avait pas menti, au départ, sur son aventure, puis sur son enfant avec Rielle Hunter, le tout pendant que sa femme mourait d'un cancer.

L'infidélité ET l'hypocrisie peut aussi faire état de clause suspensive, comme Eliot Spitzer l'a appris en passant de virulent critique des réseaux de prostitution new-yorkaise à micheton. (Sa candeur sur le sujet a depuis renforcé –si ce n'est restauré– sa popularité.)

L'infidélité ET le crime est une autre exception. Le premier bénéficiaire de l'affaire Strauss-Kahn est peut-être l'ancien sénateur John Ensign, dont l'aventure avec la femme d'un de ses précédents chefs de cabinet vient d'être disséquée publiquement dans un rapport du comité sénatorial d'éthique, vendredi.

L'adultère en est le grief le moins important. (Mais peut-être aussi le meilleur: «Je sais exactement ce que tu es en train de faire», a dit au téléphone le «conseiller spirituel» d'Ensign. «Remonte ton pantalon et rentre chez toi». Ensign s'est ensuite servi de l'argent de ses parents pour offrir 96.000$ (68.000€) de «prime de licenciement» au mari lorsqu'il quitta son équipe puis fit pression sur des donateurs et des élus pour qu'ils l'engagent.

Ensign a démissionné en avril, sans doute en apprenant l'arrivée du rapport du comité d'éthique. Mais c'était deux ans après qu'il a publiquement reconnu son aventure. Ce ne sont pas ses parties de jambe en l'air qui ont perdu Ensign. C'est la preuve de possible manœuvres criminelles.

Bientôt les Français prudes et les Américains libertins!

D'autres indices montrent que les Américains sont tout simplement indifférents aux accusations d'adultère: Nikki Haley, Bill Clinton, Newt Gingrich, Rudy Giuliani, et John McCain, tous seraient coupables d'aventures extra-conjugales, qui ne jouent que très peu sur leurs réputations actuelles.

La comparaison avec la France n'est même plus vraiment pertinente. Au contraire même, tandis que les États-Unis tolèrent de plus en plus l'infidélité, et les Français, eux, le font de moins en moins.

Par le passé, les médias français respectables n'exposaient jamais les peccadilles amoureuses de leurs dirigeants. Aujourd'hui, les spéculations sur la vie conjugale de Sarkozy font les gros titres. Ségolène Royal a mis son mari à la porte, et en a informé la presse. A ce rythme, bientôt, nous serons les libertins, et ils seront les prudes.

Christopher Beam

Traduit par Peggy Sastre

cover
-
/
cover

Liste de lecture