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Corbillard à la française: la mort lui va si mal…

Le Yankee moyen accomplit son dernier voyage en limousine, le Gaulois type fait le sien en fourgonnette de livraison. Mortelle, la comparaison!

Temps de lecture: 2 minutes

» Vroum! Retrouvez toutes les chroniques auto d'Hugues Serraf

La France a beau demeurer le paradis de la mode et du style, elle n’est pas à l’abri d’impardonnables fautes de goût. Et si Américains ou Italiens accomplissent leur dernier voyage à bord de limousines somptueuses, nos croque-morts à nous ne connaissent guère que le Renault Trafic modifié à la va-vite.

Ah, il est loin, le temps où nos chers disparus roulaient littéralement carrosse jusqu’au Père Lachaise! Tiens, même Kate et William dans leur landau princier en seraient morts de jalousie, de nos corbillards d’antan.

«Lorsque que les véhicules funéraires étaient encore tractés par des chevaux, confirme Isabelle Dubois, responsable de la communication des Pompes Funèbres Générales, premier organisateur européen d’obsèques, il existait jusqu’à sept classes de prestations funéraires en France, de la plus basique à la plus sophistiquée avec de vraies décorations du véhicule. Mais dès que l’automobile est arrivée, ce qui ne date tout de même pas d’hier, la sobriété a pris le dessus.»

La sobriété, il est vrai que le futur défunt yankee s’en fiche un peu lorsqu’il planifie sa mise en terre. Et une fois sélectionnés le bois exotique dont on fera son cercueil et le marbre de Carrare dans lequel on sculptera sa pierre tombale, c’est à la flotte de son Funeral Home favori qu’il s’intéresse.

Une Lincoln TownCar Eureka avec intérieur cuir? Pas mal, mais trop classique. Une Cadillac Superior Statesman? La même que Donald Trump de son vivant? Oui, mais en blanc, c’est un peut-être un poil show off. Notez qu’il y a aussi la Chrysler 300 argent métallisé, vraiment très chic, mais sans ostentation superflue.

De fait, pour le chic non ostentatoire en même temps que l’assurance d’être à l’heure à son propre enterrement, rien ne vaut la Jaguar XJ, dont la version mortuaire offre exactement les mêmes performances que le modèle standard!

«Pratique» et «économique»

«En France, ce genre de chose serait effectivement incongru, estime encore Isabelle Dubois: il n’y pas de demande et c’est pourquoi nous proposons essentiellement des véhicules utilitaires aménagés par des carrossiers spécialisés. Il est vrai que ça revient moins cher, mais c’est aussi plus pratique et les proches peuvent monter à l’avant…»

Quoi, les Français choisissent des corbillards dérivés de fourgons de livraison parce que c’est pratique et économique? Quelle mesquinerie! Pourquoi pas une expédition du corps par le Sernam et au tarif de nuit!

«Mais non, corrige la professionnelle de la thanatopraxie, c’est une question de culture nationale autant que d’organisation du marché des obsèques. D’ailleurs, nous avons nous aussi une offre haut de gamme avec des limousines sur base Volvo, mais ça ne représente qu’une toute petite fraction de la demande. Aux Etats-Unis, on loue des “limos” pour un oui ou pour un non. Du coup, quand on meurt, on ne perd pas ses bonnes  habitudes.»

Hum, sur l’aspect culturel, ça tient debout… Mais c’est quoi, cette histoire d’«organisation du marché»?

«Une seconde, j’y viens: là-bas, le corps du défunt est acheminé pour la veillée du lieu du décès vers l’établissement de pompes funèbres, lequel est situé à deux pas du cimetière et le convoi de limousines n’aura à parcourir que quelques centaines de mètres. Il s’agit d’ailleurs généralement de petites sociétés familiales type Six Feet Under. En France, en revanche, le corps est transporté de la morgue hospitalière vers le cimetière par une entreprise de taille souvent importante, les distances sont plus grandes et les normes sanitaires imposées par le code général des collectivités territoriale très contraignantes… Bref, toute la logistique est différente.»

Petit commerce de proximité

Ok, toujours imparable, mais légèrement moins attirant du point de vue du cadavre en sursis que nous sommes tous plus ou moins: entre la belle auto d’un petit commerce de proximité et la camionnette d’une SA à conseil d’administration, vous votez pour qui, vous?

«Attendez, intervient Isabelle Dubois qui n’aimerait tout de même pas que nous nous quittions pour toujours sur une si mauvaise impression: si les gens veulent vraiment du décorum et de la grand pompe, il y a toujours notre filiale Borniol, spécialiste des enterrements protocolaires de chefs d’Etat et de ministres et qui a déjà fait de Gaulle et Mitterrand et là, je vous assure que ce n’était pas en fourgonnette…»

Hugues Serraf

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