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Qui pourrait devenir «islamo-fréquentable»?

Guide de quelques partis islamistes du Maghreb et du Proche-Orient avec lesquels le Quai d’Orsay pourrait discuter. Sous bénéfice d’inventaire…

Temps de lecture: 15 minutes

Une première. Alain Juppé vient de proposer d’ouvrir le dialogue avec les courants islamistes du monde arabe qui «respectent les règles du jeu démocratique et bien sûr le principe fondamental du refus de toute violence».

C’était le 16 avril lors d’un colloque sur le «Printemps arabe» organisé par son ministère à l’Institut du Monde arabe. Mohamed Ben Salem, membre de l’Ennahda, le parti islamiste tunisien, lance à la tribune:

«Nous allons surprendre, nous sommes pour la démocratie, pour les libertés publiques et privées (et pour) une parité des listes entre hommes et femmes.»

Ce à quoi Alain Juppé a répondu:

«Chiche! Surprenez-nous, je ne demande que cela. Nous allons nous aussi vous surprendre. Parce que nous ne sommes pas du tout dans une disposition d’esprit qui consiste à stigmatiser le monde musulman ou la religion musulmane mais bien au contraire de dialoguer avec elle.»

Guide de quelques partis islamistes qui pourraient devenir les nouveaux interlocuteurs du Quai d’Orsay au Maghreb et au Proche-Orient. Sous bénéfice d’inventaire…

1. L'Egypte (Les Frères musulmans; Le Centre)

2. Le Maroc (Le Parti de la Justice et du Développement;Justice et Spiritualité)

3. L'Algérie (Le Mouvement de la société pour la paix;Le Mouvement de laRenaissance islamique)

4. La Tunisie (La Renaissance)

5. La Jordanie (Le Front islamique d'action)

6. Le Liban et Gaza (Le Hamas; Le Hezbollah)

ÉGYPTE

Une bannière des Frères musulmans égyptiens appelle à voter pour le «oui» au referendum au Caire, en mars 2011. REUTERS/Mohamed Abd El-Ghany

Les Frères musulmans

Le dialogue d’Alain Juppé avec les Frères musulmans égyptiens a déjà commencé. C’était le 6 mars au café Bon appétit, à côté de la place Tahrir au Caire.

Une dizaine de jeunes du Mouvement du 25 janvier sont invités à rencontrer le nouveau ministre français des Affaires étrangères. Parmi eux, cinq jeunes Frères musulmans, dont leur directeur politique. Sur son blog trois jours auparavant, ce dernier, Islam Lofti, avait annoncé ce qu’il avait l’intention «de dire à Alain Juppé».

Histoire de briser la glace, le ministre français a commencé par un mea culpa dans les règles:

«C’est vrai que nous nous sommes peut-être laissés intoxiquer dans les années passées quand on nous disait (que) les régimes autoritaires sont le seul rempart contre l’extrémisme, et c’est là-dessus qu’il faut faire la lumière, par le dialogue.»

Au terme de cette rencontre, le ministre enfonçait le clou en invoquant la vision de plusieurs de ces jeunes, celle «d’un islam libéral et respectueux de la démocratie».

Toujours illégale, l’organisation des Frères musulmans égyptiens, fondée en 1928, est cependant tolérée depuis plusieurs années. Elle a même remporté 88 sièges sur 454 au Parlement lors des élections de 2005: les Frères musulmans s’y étaient présentés sous l’étiquette d’ «Indépendants».

Puis, ils ont boycotté les élections de décembre 2010 dont ils ont dénoncé les fraudes. S’ils ne sont pas à l’origine des manifestations de la place Tahrir, ils s’y sont joints et ont joué un rôle dans son encadrement ainsi que dans les affrontements contre les milices de Moubarak.

Les Frères musulmans ont acquis une sorte de «reconnaissance» car, quoiqu’ils n’aient pas encore d’existence légale en tant que parti, ils sont associés aux négociations du nouveau pouvoir égyptien avec l’opposition.

Véritable «multinationale» égyptienne qui possède des branches dans de nombreux pays arabes, les Frères musulmans constituent la force la plus structurée et organisée.

Ils restent «le» référent des «nouveaux» partis islamistes, soit que ces derniers s’en inspirent, soit qu’ils s’en détachent.

Mais les «Frères» égyptiens ne forment pas pour autant un mouvement homogène –certains peuvent se réclamer du modèle de l’AKP turc dont d’autres sont plus éloignés, en particulier parce qu’ils manquent de cette véritable stratégie et vision économique qui fait la spécificité de l’AKP.

D’ailleurs, seule l’une des branches des Frères musulmans égyptiens, la plus libérale, vient d’être légalisée («Le Centre», voir ci-dessous).

Officiellement, les Frères musulmans condamnent les violences et attentats. «Ce qui pourrait coincer pour les Frères musulmans, c’est la modification de la Constitution actuelle, plus précisément l’éventuelle suppression de l’article 2 qui fait de l’islam la religion de l’Etat et de la charia la source de ses lois», suggère Omar el Shafie, un jeune Egyptien engagé dans le mouvement du 25 janvier.

Extrêmement actifs sur le plan social et caritatif, les Frères musulmans reprochent aux autorités du Caire d’avoir trop cédé aux Israéliens et aux Américains; ils sont, en ce sens, en phase avec l’opinion publique égyptienne même si, fait notable, les manifestants n’ont pas brandi de slogans anti-américains et anti-israéliens.

Une alliance entre l’armée et les Frères musulmans semblerait se dessiner, selon laquelle l’armée pourrait laisser aux «Frères» l’encadrement de la société –ce qui était déjà le cas sous Moubarak– en échange de quoi ceux-ci s’engageraient à ne pas remettre en cause les Accords de Camp David, ligne rouge à ne pas franchir pour les militaires.

Le Centre

Mais c’est sans doute avec Le Centre (Wassat al-Gadid), fondé en 1996 et tout juste légalisé, que les représentants du Quai d’Orsay pourraient surtout prendre langue en Egypte.

La 5e fois aura été la bonne pour ce parti. «25 janvier» aidant, le Centre, qui avait par quatre fois déjà demandé sans succès à être légalisé, vient d’être reconnu.

Son programme «contribue à la vie politique», ont jugé les autorités administratives le 19 février. Son dirigeant, Abou al-Ila Madi, entretient des relations tendues avec les Frères musulmans dont il est issu. Le parti représente une aile plus jeune et moderne, et comme il se doit, possède une page Facebook.

Enfin, Le Centre a confié à deux chrétiens coptes et à trois femmes des postes de responsabilité. «Nous allons coopérer avec tous les pouvoirs politiques, qu'ils soient séculiers ou démocratiques, afin de contribuer au développement du processus démocratique», a souligné Abu al-Ila Madi.

1. L'Egypte (Les Frères musulmans; Le Centre)

2. Le Maroc (Le Parti de la Justice et du Développement; Justice et Spiritualité)

3. L'Algérie (Le Mouvement de la société pour la paix; Le Mouvement de laRenaissance islamique)

4. La Tunisie (La Renaissance)

5. La Jordanie (Le Front islamique d'action)

6. Le Liban et Gaza (Le Hamas; Le Hezbollah)

MAROC

Un candidat du Parti de la Justice et du Développement, en juin 2009 dans la banlieue de Fes. REUTERS/Rafael Marchante

Le Parti de la Justice et du Développement

Avec 46 députés sur 325 à la chambre basse, 1.500 conseillers municipaux sur 27.000 et 15.000 adhérents, le Parti de la Justice et du Développement (PJD) est bien installé sur la scène politique marocaine. Il constitue même le principal parti d’opposition parlementaire depuis 2002.

Après avoir consenti de nombreuses concessions exigées par le pouvoir, les «frères» d’Abdelillah Benkirane, leader de l’Association islamique (Jamaa’ islamiya) ont pu rejoindre le légitimiste Mouvement populaire, constitutionnel et démocratique (MPDC), créé en 1967 par le Dr Khatib et devenu depuis une coquille vide.

À l’issue d’un congrès extraordinaire tenu en 1998, l’attelage islamistes-MPDC adopte la dénomination de Parti de la Justice et du développement avec pour emblème une lampe d’Aladin. C’est lui qui servira de modèle à l’AKP du Premier ministre turc Tayyip Erdogan et non le contraire.

En effet, à la suite d’une rencontre entre les dirigeants turc et marocain, le parti islamiste turc adopte à son tour, en 2001, le nom de Parti de la justice et du développement (AKP) avec une ampoule pour logo! A bien des égards, l’émergence des deux partis, le marocain et le turc, possède de nombreux points communs.

Traditionnel sur le plan des mœurs, le PJD marocain dénonce l’influence de la culture occidentale «décadente».

«Il se présente comme aspirant à l’édification pacifique d’un régime démocratique; en revanche il rejette la laïcité, car il l’assimile à l’aliénation occidentale. Aussi, il oeuvre inlassablement pour faire de l'islam la base de la législation marocaine, décrit un spécialiste marocain du Moyen-Orient, Aziz Enhaili également chroniqueur politique et militaire à Tolerance.ca. De plus, il continue à exercer une forte pression sur la société pour qu’elle se conforme à une stricte observance des commandements religieux, tels qu’il les conçoit.»

Le PJD refuse toujours à ce jour de participer au gouvernement. Parmi les sources de financement du parti, il y a les subventions de l’Etat, les cotisations des membres du parti, le fruit d’investissements divers, et une partie du salaire de chaque parlementaire.

Son programme économique est libéral et socialement plutôt conservateur. Pour pouvoir disposer d’un levier au sein du monde du travail, le PJD s’est doté d’un syndicat: l'Union nationale du travail au Maroc (UNTM). À ceux parmi les islamistes qui réprouvent la reconnaissance par le PJD de la fonction de commandeur des croyants du Roi, son secrétaire général, Abdelillah Benkirane rétorque qu’il s’agit-là d’une «exception marocaine».

Lors de l’entrevue accordée au journaliste vétéran Hamid Berrada et diffusée le 28 février dernier par la chaîne publique 2M, Abdelillah Benkirane tente de calmer les inquiétudes que suscite encore sa formation islamiste dans les milieux sécularisés.

Mais selon Aziz Enhaili, «il n’y réussit pas totalement. Ses sorties notamment contre certains produits culturels marocains et occidentaux ne l'ont pas aidé dans sa campagne publique. Toutefois, la renonciation du PJD à la violence politique, sa campagne d'éducation populaire auprès des jeunes pieux des villes et des campagnes contre le terrorisme et la tenue en son sein d'élections régulières pour désigner ses dirigeants plaident en sa faveur».

D'ailleurs, sa campagne de charme dans plusieurs capitales occidentales (Washington, Ottawa, Paris, Londres, Madrid...) va dans ce sens. Autrement dit, cela en fait un parti correspondant à la définition d'Alain Juppé. «Mais, conclut Aziz Enhaili, il faudrait accompagner de plus près le mouvement pour pouvoir prévenir tout dérapage futur possible».

Justice et Spiritualité

Pas reconnue mais tolérée, Justice et Spiritualité (Al Adl Wal Ihsan) aime se présenter comme plus influente que le PJD, avec «plusieurs centaines de milliers de membres». «Si cette association dit accepter la démocratie comme méthode d'accès au pouvoir, elle rejette en revanche la dimension philosophique de la démocratie et de la laïcité. La démocratie est à ses yeux d’abord une méthode pacifique de résolution des conflits», selon Aziz Enhaili.

Son fondateur dans les années 1980, le cheikh Abdessalam Yassine, lui a donné son armature théologique et théorique.

Contrairement aux membres du PJD, les partisans de Yassine rejettent la Constitution actuelle et contestent la légitimité religieuse du pouvoir royal. À leurs yeux, ce dernier a usurpé le titre de commandeur des croyants.

«Tout en s’opposant à la violence politique comme moyen de conquête du pouvoir, Justice et Spiritualité est partisane de l’instauration d’un État islamique au Maroc. Il milite en fait en faveur de l’application de la charia» explique Aziz Enhaili, également co-auteur de Guide to Islamist Movements.

A la suite à sa fameuse lettre de 1973 à Hassan II, L'Islam ou le déluge, Yassine passera quelques années entre geôle et asile psychiatrique. Il en sortira en 1979 marqué à jamais. Jusqu'à l'arrivée au pouvoir de Mohamed VI, il vivotera entre prison, résidence surveillée et liberté de courte durée. Les différentes revues éditées par ses soins seront interdites.

Il est aujourd’hui âgé et malade. Mais sa fille, Nadia, coqueluche des médias marocains et étrangers a pris la relève.

Elle réclame l’instauration d’une république et se trouve depuis 2005 sous le coup d’un procès pour avoir déclaré lors d'une entrevue accordée au journal arabophone Al Ousbouaâya Al Jadida (08/06/2005) que les jours de la monarchie marocaine étaient comptés.

«Tout en prenant la précaution d'usage, affirmant que cette position est purement personnelle, précise Aziz Enhaili, et donc n'engage pas officiellement le mouvement fondé par son père. Elle a montré encore une fois combien elle est habile quand vient le temps de recourir au registre de la provocation.»

1. L'Egypte (Les Frères musulmans; Le Centre)

2. Le Maroc (Le Parti de la Justice et du Développement; Justice et Spiritualité)

3. L'Algérie (Le Mouvement de la société pour la paix; Le Mouvement de laRenaissance islamique)

4. La Tunisie (La Renaissance)

5. La Jordanie (Le Front islamique d'action)

6. Le Liban et Gaza (Le Hamas; Le Hezbollah)

ALGÉRIE

Bouguerra Soltani, en mars 2011. REUTERS/Louafi Larbi

Plusieurs partis islamistes algériens jouent le jeu parlementaire avec une cinquantaine de députés sur un total de 389. Les dirigeants de ces partis, qui ont été créés lors du «printemps d’Alger» (1989-1992) à la suite de l’adoption d’une nouvelle Constitution autorisant le multipartisme, avaient refusé de se joindre à la création du Fis et, à partir de janvier 1992, avaient pris position contre le recours aux armes. Certains membres ont, de ce fait, été assassinés par le GIA, organisation terroriste qui a émergé à la faveur de la dissolution du Fis.

Le Mouvement de la société pour la paix

Le plus important, le Mouvement de la société pour la paix (MSP-ex-Hamas), a eu pour leader historique Mahfoudh Nahnah, décédé en 2003.

«Personnage énigmatique, Nahnah dirigeait la branche algérienne des Frères musulmans. Durant la guerre d’Afghanistan contre les Soviétiques, c’est via Nahnah que la plupart des “Afghans” algériens sont partis s’entraîner ou se battre. Arrêté dans les années 1980 pour avoir scié un poteau, le “Blidéen”, comme l’appelaient non sans mépris les dirigeants du Fis, fonda en 1989 le Hamas (algérien NDA)», raconte la politologue et spécialiste de l’islamisme algérien Séverine Labat qui a interviewé Nahnah à plusieurs reprises.

Composé pour partie de «bazaristes» et d’entrepreneurs, le Hamas était, et demeure sous l’appellation MSP, un parti conservateur au plan des mœurs mais libéral au plan économique.

Une des fameuses saillies de Nahnah, rapportée par Séverine Labat:

«Si le prophète était vivant de nos jours, il porterait des vêtements en cachemire et voyagerait en Concorde»

C’est désormais Bouguerra Soltani qui préside le MSP. Celui-ci compte quelques ministres au gouvernement et fait partie de «l’Alliance présidentielle» (MSP, RND du Premier ministre Ahmed Ouyahia et FLN) qu’a mis en place le Président Bouteflika depuis son accession au pouvoir en 1999. Cette alliance a modifié la Constitution pour permettre à Abdelaziz Bouteflika de briguer un troisième mandat.

Le Mouvement de la Renaissance islamique

Le Mouvement de la Renaissance islamique (En-Nahda) a été fondé par Abdallah Djaballah, «réputé sourcilleux quant aux principes de la charia, un personnage peu sympathique, ombrageux et au caractère intransigeant», selon Séverine Labat. Les «luttes de minarets» qui ont jalonné l’histoire d’En-Nahda ont conduit à de multiples scissions avec au total plusieurs organisations «croupions» dont le Mouvement pour la réforme nationale (Islah). Son dirigeant, Djahid Younsi, était candidat à la dernière élection présidentielle (2009). Il s’était engagé en faveur de la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis 1992 et d’une amnistie générale. A l’issue du scrutin, il a dénoncé les «fraudes» qui ont conduit à la réélection du président Bouteflika.

L’Algérie a connu la première transition démocratique du monde arabe (1989-1992) dont les conséquences ont été lourdes, pour les islamistes en premier lieu.

Après le discours moribond de Bouteflika, tout le monde est dans l’expectative même si «les islamistes font preuve d’un pragmatisme certain, comme en témoignent les récentes prises de position de Bouguerra Soltani, leader du MSP qui, tout en demeurant dans “l’alliance présidentielle” s’est, à la suite des mouvements revendicatifs qui s’expriment depuis janvier 2011, prononcé en faveur d’un “changement radical” tout en se gardant bien d’en définir les contours», relève Séverine Labat.

Cependant, du fait de leur stratégie «participationniste», ces partis islamistes apparaissent désormais comme des partis officiels, cooptés, neutralisés voire instrumentalisés par l’Etat. «Ils s’inscrivent dans une logique de pouvoir et de gouvernance et non plus de contestation. Le bouillonnement actuel de la jeunesse algérienne se caractérise par une défiance généralisée à l’égard des partis toutes tendances confondues, et singulièrement à l’égard des leaders islamistes qui lorsqu’ils tentent de se fondre dans les manifestations sont accueillis à coups de pierres et de slogans hostiles», conclut Séverine Labat, auteur de Islamistes algériens, entre les urnes et le maquis.

1. L'Egypte (Les Frères musulmans; Le Centre)

2. Le Maroc (Le Parti de la Justice et du Développement; Justice et Spiritualité)

3. L'Algérie (Le Mouvement de la société pour la paix; Le Mouvement de laRenaissance islamique)

4. La Tunisie (La Renaissance)

5. La Jordanie (Le Front islamique d'action)

6. Le Liban et Gaza (Le Hamas; Le Hezbollah)

TUNISIE

A l'aéroport de Tunis, lors du retour de Rachid Ghannouchi, en janvier 2011. REUTERS/Zoubeir Souissi 

La Renaissance

Plusieurs partis islamistes viennent d’être reconnus en Tunisie mais c’est La Renaissance (Ennahda), légalisé le 1er mars qui représente la principale force de cette mouvance avec sans doute plusieurs dizaines de milliers d’adhérents.

Fondé en 1979, La Renaissance a été interdit sous Bourguiba puis sous Ben Ali. Beaucoup de ses leaders ont été torturés, emprisonnés, ou exilés. Impliqué dans un attentat, Rachid Ghannouchi, son leader historique , est revenu de Londres fin janvier dernier.

Ce dernier a suivi de très près l’expérience AKP en Turquie et en particulier justement l’envol de ce parti issu d’une mouvance islamiste plus dure. Il a même servi de médiateur auprès de Tayyip Erdogan, en rupture avec son mentor Necmettin Erbakan.

Rachid Ghannouchi évoque souvent l’AKP comme modèle, mais les influences sont réciproques. Il semblerait que l’Ennahda soit actuellement divisé entre deux ailes, l’une plus libérale que l’autre, comme le fut le parti dont est issu l’AKP turc. Le nom d’Hamadi Jebali est parfois avancé pour succéder à Rachid Ghannouchi et prendre la tête de cette aile plus en phase avec la société tunisienne d’aujourd’hui.

Tandis qu’en Tunisie, les manifestations de gauche contre le principal parti islamiste se multiplient, celui-ci pourrait bien créer la surprise à l’occasion des élections de juillet.

Lors des législatives de 1987, les islamistes –dont le parti était interdit– s’étaient présentés sous l’étiquette d’indépendants, et avaient remporté 17% des voix. Et selon certains observateurs, ce score aurait pu être plus élevé n’étaient-ce les fraudes qui ont entouré ce scrutin.

Ce qui ne laisse d’inquiéter nombre de Tunisiens. Ils s’interrogent sur la sincérité des pétitions de principes de ces islamistes légalisés alors que certains sympathisants de ces mouvements auraient récemment tenté de mettre le feu au quartier des bordels de Tunis et de réclamer l’interdiction de l’alcool.

1. L'Egypte (Les Frères musulmans; Le Centre)

2. Le Maroc (Le Parti de la Justice et du Développement; Justice et Spiritualité)

3. L'Algérie (Le Mouvement de la société pour la paix; Le Mouvement de laRenaissance islamique)

4. La Tunisie (La Renaissance)

5. La Jordanie (Le Front islamique d'action)

6. Le Liban et Gaza (Le Hamas; Le Hezbollah)

JORDANIE

Lors d'une réunion du Front islamique d'action, à Amman en février 2011 / REUTERS/Ali Jarekji

«Nous vous protégeons, vous nous êtes loyaux»: voilà le deal qui a longtemps prévalu entre les Frères musulmans et le monarque hachémite, dès les années 1950. Ils ont été les principaux bénéficiaires de l’ouverture politique de 1989, ont participé aux élections, remporté 20 sièges de députés et des postes de ministres. Ce qui a entrainé une scission entre les «participationnistes» et les autres islamistes plus radicaux.

Le Front islamique d’action

Créé en 1991, le Front islamique d'action (FAI) (Jabhat al-'Amal al-Islami) a fait les frais de la réforme électorale de 1993, puis du tournant sécuritaire du régime à la suite du «11 septembre jordanien» (attentats d’Amman en 2005) qu’ils avaient pourtant dénoncés en organisant une manifestation contre al-Qaida.

En 2007, le FAI ne remporte que 6 sièges de députés, le plus mauvais score qu’il ait connu. En 2010, il boycotte les élections et n’est donc pas représenté au Parlement.

«En Jordanie, deux décennies de stratégies électorales islamistes se sont certes traduites par des avancées, mais celles-ci n’ont jamais permis la formation d’un gouvernement FAI. C’est pourquoi certains leaders du FAI ont modifié leur programme politique en y incluant l’instauration de la charia, l’abandon des accords Wadi Araba mettant fin à la “normalisation” avec Israël et la modification des lois électorales créées pour minimiser l’influence islamiste…», écrit Curtis R.Ryan.

Le ton est monté d’un cran ces dernières semaines lorsque les islamistes ont refusé de se joindre à la Commission de dialogue national lancée en Jordanie mi-mars, tant que son ordre du jour n'inclut pas des réformes constitutionnelles en faveur de gouvernements parlementaires.

Fin mars, le chef du Front islamique d’action, le cheikh Hamzeh Mansour, a même accusé le gouvernement de «crimes contre l'humanité» à la suite de la répression de manifestations (un mort et une centaine de blessés) dans Amman.

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6. Le Liban et Gaza (Le Hamas; Le Hezbollah)

LIBAN ET GAZA

Des supporters du Hezbollah, lors d'un rassemblement dans la banlieue de Beyrouth, en février 2011, brandissent des drapeaux égyptiens, libanais et tunisiens. REUTERS/ Sharif Karim

«Plus qu’un appel au dialogue, selon l’ancien ambassadeur Denis Bauchard, conseiller à l’Ifri, la remarque d’Alain Juppé peut être prise comme un feu vert donné aux ambassadeurs français en poste dans ces pays-là afin qu’ils s’ouvrent à ces partis islamistes. Cela leur était jusqu’ici interdit, à la différence de nos services de renseignements qui sont eux “au contact” depuis longtemps. Mais l’expression d’Alain Juppé reste ambigüe. Nos ambassadeurs demanderont sans doute des instructions plus précises, au cas par cas. Et puis, quid des contacts avec le Hamas et le Hezbollah?»

Le Hamas

Réponse d’Alain Juppé:

«Le Hamas renonce-t-il à la violence et au terrorisme de manière explicite? C’est à clarifier.»

Des diplomates français ont pourtant, à plusieurs reprises déjà, pris des contacts avec le Hamas à Gaza. Et bien avant que celui-ci ne remporte les élections de janvier 2006.

La première rencontre, au début des années 1990, menée par un diplomate en poste à Jérusalem aurait dû avoir lieu en toute discrétion mais le Hamas s’est empressé de la rendre publique. Plus récemment, en avril 2008, l’ambassadeur Aubin de la Messuzière «avait été missionné pour cela même si cela a été ensuite dénoncé» selon une source diplomatique.

Le Hezbollah

Le Hezbollah, quant à lui, compte plusieurs députés et pourrait être représenté au sein du gouvernement en cours de constitution. Les premiers contacts ont eu lieu il y a plusieurs années, au début des années 2000, conduits par un diplomate français, Patrick Renauld, en poste à Beyrouth. Pas au nom de la France. Mais au nom de l’Union européenne que ce diplomate représentait au Pays du Cèdre.  

Ariane Bonzon

Vous souhaitez préciser ou compléter l’une ou l’autre de ces notices? Envoyer un lien ou une vidéo? Vous pouvez pour cela m’écrire à [email protected] en arabe, en anglais, en français ou en turc.

1. L'Egypte (Les Frères musulmans; Le Centre)

2. Le Maroc (Le Parti de la Justice et du Développement; Justice et Spiritualité)

3. L'Algérie (Le Mouvement de la société pour la paix; Le Mouvement de laRenaissance islamique)

4. La Tunisie (La Renaissance)

5. La Jordanie (Le Front islamique d'action)

6. Le Liban et Gaza (Le Hamas; Le Hezbollah)

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