France

Cinq pays où l’expression «police du style» est prise au sens propre

Tour d’horizon des codes vestimentaires.

Temps de lecture: 5 minutes

FRANCE

Une jeune Française en happening contre la loi sur le voile intégral, le 11 avril 2011. REUTERS/Gonzalo Fuentes

Délit vestimentaire

Le niqab et la burqa

Le débat

Si, avec l’intervention musclée de la France en Libye, Nicolas Sarkozy a pu apparaître comme le défenseur de la liberté dans le monde musulman, une nouvelle loi française controversée risque de ne pas le rendre très populaire chez les musulmans. Selon cette loi adoptée par le Parlement en octobre dernier et qui est entrée en vigueur en avril 2011,  les femmes ne sont plus autorisées à porter des tenues islamiques traditionnelles telles que le niqab (qui couvre le visage entier) ou la burqa (qui couvre tout le corps) dans l’espace public. Toute personne portant le niqab sera passible d’une amende de 150 euros ou devra suivre un stage de citoyenneté. Les amendes sont beaucoup plus élevées (30.000 euros ou un an de prison) pour les hommes qui imposent le port de la burqa à leur femme. 

Le jour de l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, la police a procédé à deux premières arrestations, plaçant en détention deux femmes qui manifestaient devant Notre-Dame de Paris. Selon la législation, les policiers ne peuvent pas demander aux femmes de retirer leur voile en public et doivent les conduire jusqu’au poste de police, où elles seront forcées de le faire.

Le malaise de la France concernant les signes distinctifs religieux ne date pas d’hier: le port du foulard dans les écoles publiques est interdit depuis 2004. Mais cette nouvelle loi entre en vigueur à une période particulièrement tendue pour la communauté musulmane française. Le parti de Nicolas Sarkozy (UMP) a récemment organisé un débat national controversé sur le rôle de l’islam dans la société et le président a déclaré que le multiculturalisme était un échec. Selon les musulmans français, cette interdiction est une réponse symbolique et discriminatoire à un problème qui n’existe pas: moins de 2.000 femmes porteraient le niqab en France.


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ARABIE SAOUDITE

Riyadh, Arabie saoudite. Fahad Shadeed / Reuters

Délit vestimentaire

 Peau nue, travestissement

Le débat

Le code vestimentaire instauré en Arabie saoudite n’est qu’une partie de la législation sociale stricte en vigueur dans ce pays, qui impose la séparation des sexes dans la plupart des situations de la vie quotidienne. Les femmes sont généralement tenues de respecter les règles austères de ce code en public (le port de vêtements sombres recouverts d’une longue cape, ou abaya, et du niqab). Elles peuvent néanmoins personnaliser un tant soit peu leur tenue: les abayas sont désormais parfois ornés de cristaux ou d’un imprimé léopard.

Les hommes font également l’objet de restrictions, même si la plupart sont aussi liées à la tenue des femmes. En 2009, le gouvernement saoudien a arrêté 67 Philippins pour travestissement au cours d’une fête privée organisée à Riyad pour célébrer le jour de l’indépendance des Philippines.

Une arrestation qui faisait suite à un incident semblable en mars 2005, où plus de 100 hommes avaient été arrêtés pour avoir imité des femmes lors d’une autre fête privée, dans la ville de Djedda. Selon un quotidien officiel, ces hommes dansaient et «se comportaient comme des femmes». Au départ condamnés à la prison et à la flagellation, ils ont finalement été disculpés et relâchés.


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BHOUTAN

Au Bhoutan, en 2009 / Reuters

Délit vestimentaire

Tenues occidentales

Le débat

L’ancien roi du Bhoutan Jigme Singye Wangchuck souhaitait tellement appliquer les principes du bouddhisme qu’il a décidé d’abandonner les indices de développement économique traditionnels au profit du «Bonheur national brut». Il a malheureusement employé d’autres moyens moins sympathiques pour protéger la culture bhoutanaise traditionnelle de ce qu’il considère comme des influences étrangères néfastes (en instaurant notamment un code vestimentaire draconien). 

Depuis 1990, le code vestimentaire national officiel, le driglam namzha, régit la façon dont les Bhoutanais doivent s’habiller en public. Les hommes doivent porter une robe descendant jusqu’aux genoux, appelée gho. Les femmes portent elles une sorte de kimono allant jusqu’aux chevilles, appelée kira.

Les personnes ne respectant pas ce code sont passibles d’une amende de 3,30 dollars (environ 2,20 euros), l’équivalent de trois journées de salaire. Les règles sont encore plus spécifiques pour les fonctionnaires, qui doivent porter des écharpes de couleurs et de styles variés selon leur fonction. En réaction à cette législation, de drôles de pratiques ont vu le jour, notamment celle brièvement en vogue de porter un jean sous le gho.

Le driglam namzha n’est qu’une des lois culturelles imposées à la communauté népalaise du sud du Bhoutan, majoritairement hindoue, qui est persécutée par le gouvernement bhoutanais depuis des années.


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CORÉE DU NORD

Devant une statut de Kim-Il Sung à Pyongyange, février 2008. REUTERS/David Gray

Délit vestimentaire

Cheveux longs ou pantalons

Le débat

En Corée du Nord, où la vie quotidienne est régie par toute une série de lois, la tenue vestimentaire ne fait pas exception. En 2005, la télévision nord-coréenne a diffusé un programme en cinq parties sur l’esthétique corporelle, intitulé «Coupons-nous les cheveux selon le style de vie socialiste». Il proposait aux hommes de choisir parmi plusieurs coupes de cheveux officiellement autorisées, notamment la coupe en brosse et les styles «longs, moyens et courts». L’émission préconisait de se couper les cheveux tous les 15 jours, les hommes de plus de 50 ans étant autorisés à se laisser pousser les cheveux jusqu’à 7 cm pour cacher leur calvitie. Malheureusement, la coiffure bouffante, signature du «Dirigeant bien-aimé Kim Jong-il», ne figurait pas parmi les options. 

En Corée du Nord, avoir une tenue décente est considéré comme essentiel pour la santé du pays. Le quotidien britannique The Guardian raconte comment une émission de radio diffusée en 2005, intitulée «S’habiller en fonction des émotions et des goûts de notre peuple», a enseigné aux Nord-Coréens qu’une tenue soignée permettrait de maintenir les capitalistes à distance et de promouvoir «le style de vie socialiste de l’ère de priorité au secteur militaire».

Ne pas s’habiller en fonction des émotions du peuple peut avoir de terribles conséquences. Les Nord-Coréennes risquent les travaux forcés si elles portent des pantalons, et non des jupes. En 1986, Kim Jong-il a publié un décret obligeant les femmes à porter la tenue traditionnelle coréenne. «Le Dirigeant bien-aimé considère que le caractère national ne se manifeste pas qu’au travers de la langue, de la bienséance et de la morale, mais également de la tenue vestimentaire», a indiqué le site Internet nord-coréen officiel Uriminzokkiri en 2009. Selon ce site, Kim Jong-il a déclaré que la tenue traditionnelle coréenne était une «source de fierté [nationale]».


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SOUDAN

A Khartoum, en avril 2010. REUTERS/Zohra Bensemra

Délit vestimentaire

Pantalons chez les femmes, maquillage chez les hommes

Le débat

Lubna Hussein est désormais connue parmi les journalistes internationaux comme la «journaliste au pantalon»; en 2009, elle a médiatisé son procès en vue de faire connaître le sort des Soudanaises flagellées pour «port de vêtement indécent». Mais malgré l’intérêt des médias pour son arrestation et son procès, elle n’est pas parvenue à réformer les lois soudanaises relatives à la moralité publique. Des milliers de femmes sont encore arrêtées tous les ans au Soudan pour atteinte à «l’ordre public», un terme vague qui permet d’interdire tout et n’importe quoi, de la mini-jupe à la danse entre hommes et femmes. 

En juillet 2009, Lubna Hussein a été arrêtée avec une dizaine d’autres femmes qui portaient un pantalon dans un restaurant de Khartoum. Dix d’entre elles ont immédiatement plaidé coupables des accusations de «port de vêtement indécent» et ont été condamnées à dix coups de fouet et à une amende de 250 livres soudanaises (environ 140 euros).

Ancienne employée de l’ONU, Lubna Hussein, qui a démissionné pour ne pas se servir de l’immunité diplomatique que lui conférait son emploi, a porté l’affaire en justice afin de dénoncer l’interprétation rigide de la charia au Soudan. La journaliste soudanaise a finalement échappé à la flagellation et a été condamnée à une amende, qu’elle a refusé de payer. Elle a été incarcérée jusqu’à ce que l’Union des journalistes soudanais la règle pour elle.

Bien que l’intérêt des médias internationaux pour l’affaire Hussein soit désormais retombé, des affaires comme celle-là ont encore lieu tous les jours. En décembre 2010, à la suite de la mise en ligne sur Internet d’une scène de flagellation en public, la police soudanaise a interpellé des dizaines de femmes manifestant contre la loi islamique relative à la moralité publique.

Toujours en décembre, sept hommes ont été condamnés par un tribunal soudanais pour indécence. Ces hommes, des mannequins amateurs pour un défilé de mode organisé à Khartoum, en juin 2010, ont été accusés de porter du maquillage et condamnés à une amende de 200 livres soudanaises (environ 110 euros) chacun, tout comme leur maquilleuse.

Joshua E. Keating et Suzanne Merkelson

Traduit de l'anglais par Charlotte Laigle


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