Politique / France

Nos propositions pour la laïcité, par Jean-François Copé

Après le débat organisé par l'UMP, les pistes de réflexion du parti majoritaire.

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Lorsque l’UMP a annoncé qu’elle lançait un débat sur la laïcité, les attaques ont fusé de toutes parts. On nous a dit que ce sujet était trop sensible, trop stigmatisant, que ce n’était pas le moment d’en parler et que cela n’intéressait pas les Français…

Le 5 avril dernier, nous avons prouvé le contraire en organisant une rencontre dans un climat apaisé et constructif avec, au final, la présentation de 26 propositions pour mieux vivre ensemble. 26 propositions qui ne visent aucun culte en particulier et qui s’appliquent à tous les cultes en général.

C’est sur ces propositions que chacun doit désormais se positionner. Je note d’ailleurs que nous n’avons reçu, à ce stade, presque aucune critique sur les préconisations que nous avons formulées. Où sont donc passés tous les imprécateurs des semaines précédentes?

Voici donc nos grands axes de propositions:

Etablir un code «de la laïcité et de la liberté religieuse»

La première étape sera, avant l’été, le vote d’une résolution parlementaire réaffirmant notre attachement aux principes républicains et à la laïcité. Il s’agira notamment de rappeler que nul ne peut se prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir des règles communes régissant les relations entre collectivités publiques et particuliers.

Cela vaut par exemple pour les femmes qui refusent aujourd’hui –souvent sous la pression de leur mari– de se faire soigner par un médecin homme dans les services d’urgence hospitaliers. A l’occasion du vote de cette résolution, j’espère que le PS aura enfin tranché entre ses tentations, tantôt «laïcardes», tantôt communautaristes, pour joindre ses voix aux nôtres.

Développer une approche pédagogique de la laïcité

Tant pour les élèves que pour l’ensemble des agents du service public et les ministres du culte. Ainsi, dans le cadre du programme scolaire obligatoire, doit être instauré un enseignement relatif au principe de laïcité en lien avec la présentation des grandes religions, qui existe déjà et doit être maintenue.

Cet enseignement ne devra évidement pas faire l’objet de prosélytisme de la part des enseignants ou des élèves: il s’agit d’enseigner des faits historiques objectifs et pas de faire du catéchisme!

Dans le même esprit, en partenariat avec les grands pôles universitaires, nous voulons proposer, notamment pour les ministres du culte, un module de formation aux principes républicains et spécialement à la laïcité, ainsi qu’à l’histoire de France, à la sociologie des religions…

L’objectif est de former des ministres du culte imprégnés de la culture française, plutôt que de s’appuyer sur des ministres du culte qui connaissent parfois mal les principes et les lois de notre pays et ignorent leurs droits et leurs devoirs (par exemple: en France, un ministre du culte ne peut pas célébrer un mariage religieux sans qu’il y ait eu au préalable un mariage civil).

Réaffirmer le principe de laïcité au sein des services publics

Il s’agit notamment de réaffirmer les exigences de neutralité et de laïcité dans toutes les structures chargées d’une mission de service public ou d’intérêt général.

Cela concerne aussi les structures privées du secteur social ou de la petite enfance –excepté celles qui revendiquent leur dimension confessionnelle.

Je pense notamment au cas «Baby Loup», cette crèche non confessionnelle de Chanteloup-les-Vignes, ouverte 24h sur 24 et recrutant des femmes du quartier sans qualification et qui s’est trouvée déstabilisée en 2008 par la volonté d’une salariée de travailler voilée. Cette salariée avait été de ce fait licenciée pour faute grave, mais avait contesté cette décision, ce qui a débouché sur un imbroglio judiciaire menaçant l’existence même de la crèche… avant que les prud’hommes ne donnent finalement raison à l’employeur.

Toutefois, l’incertitude juridique sur l’application de la laïcité persiste. Il faut la lever. Nous avons voulu aussi clarifier les choses pour les collaborateurs occasionnels du service public: les parents qui accompagnent une sortie scolaire par exemple doivent respecter le même devoir de neutralité que les fonctionnaires et donc s’abstenir de porter des signes religieux ostentatoires.  

Garantir la conciliation entre la liberté religieuse et le vivre-ensemble

De nombreuses questions se posent, que nous connaissons tous, notamment dans le monde professionnel où les directeurs des ressources humaines se trouvent parfois démunis face à certaines revendications religieuses.

Nous souhaitons donc que les entreprises puissent intégrer dans leur règlement intérieur des dispositions limitant le port de signes religieux ostentatoires ou certaines pratiques religieuses menaçant le bon fonctionnement de l’entreprise, voire la paix sociale.

Concernant les lieux de culte, nous avons tenté d’apporter des réponses justes et cohérentes, dans le respect de la loi de 1905. La laïcité, c’est donner la possibilité à chacun de pouvoir vivre son culte dans le respect des autres.

C’est pourquoi nous voulons que les fidèles disposent de lieux de culte à taille humaine, en nombre suffisant et dont la construction respecte les règles d’urbanisme. Pour cela, nous souhaitons étendre et sécuriser le recours aux dispositifs que peuvent déjà utiliser certaines collectivités locales pour faciliter la construction de lieux de cultes, comme les baux emphytéotiques ou les garanties d’emprunt, auxquels nous voulons ajouter des options d’achat.

De même, nous encourageons les maires à développer les carrés confessionnels dans les cimetières, parce que nous ne voulons pas que des barrières inutiles conduisent les familles à enterrer leurs défunts hors de France, dès lors que leurs demandes respectent l’ordre public.

Encadrer un certain nombre de pratiques

Nous souhaitons garantir la transparence financière en faisant transiter les fonds étrangers pour la construction et l’entretien des lieux de culte par une fondation nationale; subordonner tout exercice du culte en dehors du lieu de culte à une déclaration préalable, ce qui devrait limiter les fameuses prières de rue; prévoir que l’abattage rituel, qui doit rester une pratique dérogatoire, fasse l’objet d’un régime d’autorisation en fonction de la consommation effective.

Enfin, il nous semble indispensable de clarifier et rendre plus attractif le régime de protection sociale des ministres du culte. A terme, nous voulons éviter au maximum leurs liens de subordination financière avec un Etat étranger. Il serait ainsi notamment plus sain que les imams de France soient rémunérés par les musulmans de France.

Ces propositions ont vocation à consolider notre pacte républicain: il est un héritage qui nous aide à traverser les bouleversements du siècle. Mais aussi un modèle qui continue d’inspirer de nombreux peuples à travers le monde! A nous de le moderniser ensemble!

Jean-François Copé

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