Économie

Fukushima: le retour de Gamezilla

Les conséquences du séisme+tsunami+accident nucléaire sur l'industrie du jeu vidéo devraient être limitées. OX + L2R1 ► RESTART

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Et maintenant? Alors que le dernier bilan du tsunami qui a suivi le séisme du 11 mars dans le nord-est du Japon fait état de plus de 8.600 morts et de 13.000 disparus, que les secours recherchent toujours des survivants sous les décombres, que les magasins d’alimentation sont pris d’assaut, les stations-service à sec et surtout, la situation de la centrale de Fukushima-Daiichi encore très incertaine, le pays du jeu vidéo se remet tout doucement au travail.

Il a d’abord fallu parer au plus pressé. Le jeu vidéo SOS: The Final Escape 4, qui place le joueur dans la peau d’un survivant à un tremblement de terre, devait sortir ce printemps au Japon, sur PlayStation 3. L’éditeur Irem, jugeant que cette «réalité augmentée» serait mal vécue, l’a annulé sans la moindre explication. De même, le distributeur japonais du dernier film de Clint Eastwood, Au-delà, qui s’ouvre sur une scène de tsunami de 2004 en Indonésie, a été retiré des cinémas de l’Archipel dès le 15 mars.

Les reports de sorties se comptent par dizaines, soit qu’ils résonnent un peu trop fort avec la catastrophe (Motorstorm Apocalypse, un jeu de course dans des décors de fin du monde ou Yakuza of the End, l’invasion de Tokyo par des zombies, tous deux sur PS3), soit que le moment soit simplement mal choisi d’un point de vue économique pour lancer un produit de divertissement (Powerful Golf sur Nintendo 3DS, Akiba’s Trip sur PSP et bien d’autres). Les tournées de promotion de jeux à travers le Japon, comme le Monster Hunter Festa, qui devait notamment faire étape à Sendai le 27 mars, ou le Street Fighter IV Tournament, ont elles aussi été renvoyées à des jours meilleurs. Le Tokyo Anime Fair 2011, plus grand rendez-vous du manga, qui devait se tenir la semaine prochaine, a lui aussi été annulé.

Remonter le moral

Après avoir rassuré leurs fans sur la bonne santé des équipes et des game designers les plus populaires (la rumeur a même couru que l'inventeur des Pokémons, Satoshi Tajiri, était mort), l’industrie japonaise du divertissement  et du jeu vidéo (4,3 milliards d’euros du chiffre d'affaires en 2010) veut désormais prendre son rôle dans l’après-tsunami. «Ce que nous pouvons faire, c’est remonter le moral des gens par le divertissement. Alors je vais faire ce que je peux», écrivait jeudi 17/03 sur Twitter Hideo Kojima, le célèbre créateur de la série des Metal Gear.

Son éditeur, Konami, a d'ailleurs lancé le site «Together Japan», qui centralise les messages de soutien, et annoncé un don de 100 millions de yens en faveur des victimes de la catastrophe. Tout comme Nintendo (300 millions de yens), Sega (200 millions de yens), Sony (300 millions de yens), Square Enix, Namco Bandai (100 millions de yens) et beaucoup d’autres confrères nippons. L’éditeur de jeux coréen NCsoft, lui, a surclassé tout le monde en offrant 500 millions de yens (un peu moins de 4,5 millions d’euros), soit l’équivalent d’un mois de chiffre d’affaires de sa branche japonaise…

D’autres entreprises du secteur ont décidé de reverser une partie de leurs futurs revenus pour l’aide à la reconstruction, faisant naître des interrogations sur leur réel désintéressement. Capcom a ainsi baissé le prix de son Street Fighter IV pour iPhone et promis de donner la totalité de la recette. Level-5, lui, a créé du contenu téléchargeable inédit pour la version mobile de son jeu Inazuma Eleven, dont l’argent des ventes sera aussi reversé aux victimes du tsunami.

Microsoft en revanche s’est attiré les foudres des internautes, qui l’accusent d’avoir lancé à peu de frais une campagne de pub sur Twitter pour son moteur de recherche Bing, promettant de donner 1 dollar au Japon (dans une limite de 100.000 dollars) à chaque fois que son message annonçant l’opération serait retweeté. La firme de Redmond a finalement arrêté l’opération et présenté ses excuses, promettant qu’elle ferait don des 100.000 dollars prévus.

A présent, chacun tente de trouver sa place et de lutter à sa façon. Dans une tribune au New York Times , l’écrivain et cinéaste Ryu Murakami encourage à garder espoir. Le chroniqueur scientifique et ancien correspondant dans la région de Fukushima du troisième quotidien japonais, le Mainichi Shimbun, éditorialise pour démontrer que le risque de contamination dans la capitale est faible.

Pour participer aux efforts sur les économies d’électricité, les éditeurs de jeu vidéo éteignent temporairement leurs serveurs online. L'artiste nouveaux médias Kazuhiko Hachiya a de son côté bricolé une animation où le héros, Nuclear Boy, a très mal au ventre… Une manière d'expliquer aux petits Japonais ce qui se passe:

Au-delà du secteur du jeu vidéo, c’est toute l’électronique qui souffrira à court terme du tsunami japonais. On apprenait ainsi que la sortie de l’iPad 2 en Europe a failli souffrir ce vendredi, date prévue pour sa commercialisation dans 25 pays (dont la France), des secousses nippones (son lancement est d’ores et déjà repoussé au Japon). Alors que la Banque mondiale estime que le séisme suivi du tsunami pourraient coûter à l’économie japonaise l’équivalent de 4% de son PIB, nul doute que les jeux vidéo, production immatérielle s’il en est, feront toute la différence quand toutes les autres exportations en provenance de l’Archipel risquent durablement de sentir le souffre

Mathias Cena

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